Une technique de modélisation géométrique tridimensionnelle personnalisée de la colonne vertébrale a été développée par le groupe de recherche sur la scoliose 3D de l'Hôpital Sainte-Justine et de l'École Polytechnique dans le but d'étudier la biomécanique de la scoliose, une maladie caractérisée par une déformation tridimensionnelle de la courbure naturelle du rachis, une rotation des vertèbres et des difformités vertébrales. Cette technique consiste a déformer par krigeage géométrique tridimensionnel des primitives anatomiques de spécimens de vertèbres saines, reconstruites par tomographie axiale sériée, pour les ajuster sur les données de personnalisation du patient, obtenues par radiographie multi-vues, une technique d'imagerie utilisée de façon routinière lors des cliniques de scoliose de l'Hôpital Sainte-justine. La déformation par krigeage est contrôlée par plusieurs paramètres: les points de contrôle, la dérive et la covariance.
La modélisation géométrique de la colonne vertébrale fournit aux orthopédistes une visualisation tridimensionnelle de la colonne scoliotique constituant ainsi un outil d'aide au diagnostic et au traitement (chirurgie assistée par ordinateur). De plus, jumelée à une modélisation mécanique par éléments finis, elle permet d'étudier par simulation biomécanique l'effet d'un traitement chirurgical ou par corset sur un patient spécifique. Cependant, les données géométriques du modèle mécanique étant basées sur la technique de modélisation géométrique de la colonne, il est essentiel de pouvoir représenter adéquatement les difformités caractéristiques des vertèbres scoliotiques (cunéiformisation du corps vertébral, asymétrie des pédicules, déviation des apophyses, etc.) et ce, de façon personnalisée.
Dans le but de mieux comprendre le comportement de la méthode de déformation par krigeage en présence d'erreurs sur la position des points de contrôle ainsi que pour évaluer la qualité et la précision des modèles vertébraux qu'elle génère avec différentes combinaisons de points de contrôle et de profils de krigeage (dérive et covariance), ce projet a consisté à effectuer deux études de sensibilité: 1) étude de la sensibilité de la géométrie des vertèbres à des erreurs de reconstructions sur les points de contrôle, 2) étude de sensibilité au profil de krigeage de la qualité de la modélisation géométrique des vertébres.
Les hypothèses de départ sont basées sur le fait qu'une erreur de reconstruction sur les points de contrôle n'aurait qu'un effet local sur la géométrie vertébrale, que l'ajout de points de contrôle sur les éléments postérieurs de la vertèbre améliorerait significativement la qualité de la modélisation géométrique des vertèbres scoliotiques et qu'enfin un autre profil de krigeage que la combinaison d'une dérive et d'une covariance linéaires permettrait d'obtenir une meilleure modélisation géométrique pour les vertèbres saines et scoliotiques.
En ce qui concerne l'étude de sensibilité à la géométrie, des paramètres géométriques ont été mesurés sur certaines primitives anatomiques: une vertèbre dorsale typique (T8) et une vertébre lombaire typique (L3). Ces paramètres ont ensuite été modifiés successivement et, dans chaque cas, les positions des points de contrôle ont été recalculées et un modèle géométrique a été généré. La comparaison des paramètres géométriques mesurés sur le modèle avec ceux de départ a permis d'évaluer l'effet de la simulation d'erreurs sur la position des points de contrôle. De plus, ces tests ont été répétés avec plusieurs combinaisons de points de contrôle, déterminées à partir de leur visibilité sur les radiographies.
Les résultats ont permis de constater qu'une erreur de reconstruction sur un point de contrôle dans une direction donnée (x, y ou z) n'affectait le reste de la vertèbre que dans cette direction. L'effet n'est pas seulement local: il se fait ressentir sur l'ensemble de la vertèbre. De plus, l'effet est amplifié pour les régions extrapolées de la vertèbre alors qu'il est local pour les régions interpolées: les effets les plus importants ont été observés 1) sur l'apophyse transverse droite et les facettes articulaires droite pour des erreurs sur les points de contrôle associés au pédicule droit (effet amplifié: plus grand que 100% de l'erreur simulée) et 2) sur l'apophyse épineuse de T8 et les facettes articulaires des deux vertébres pour des erreurs sur les points de contrôle associés aux plateaux vertébraux (effet moyen: plus grand que 40% de l'erreur simulée). Les différences morphologiques entre les deux vertèbres testées (T8 et L3) sont à l'origine de différences de comportement qui sont fonction à la fois de la distance entre les points de contrôle et de la distance entre le point affecté et chacun des points de contrôle. Ainsi, la vertèbre L3 est plus affectée que T8 par des erreurs sur les points de contrôle associés aux pédicules alors que T8 est plus influencée que L3 par des erreurs sur les points de contrôle associés au corps vertébral. L'ajout de points de contrôle seulement sur le corps vertébral a un effet indésirable sur la modélisation géométrique en augmentant la sensibilité des éléments postérieurs alors que l'ajout de points de contrôle sur les éléments postérieurs (particulièrement sur les extrémités des apophyses transverses et articulaires) a un effet bénéfique en stabilisant davantage l'ensemble de la vertèbre.
En ce qui concerne l'étude de sensibilité au profil de krigeage, des modèles ont été générés à partir de plusieurs profils de krigeage (dérives constante, linéaire, quadratique et cubique; covariances linéaire, cubique et logarithmique) et avec les mêmes combinaisons de points de contrôle que pour l'étude de sensibilité à la géométrie. Les vertèbres utilisées ici sont des vertèbres dorsales et lombaires typiques, saines et scoliotiques, obtenues par reconstruction par tomographie axiale sériée de spécimens cadavériques. Deux critères ont été utilisés pour évaluer la qualité de la modélisation géométrique: le critère paramétrique (évaluation des effets des erreurs de modélisation géométrique sur le modèle mécanique de la colonne vertébrale) et le critère volumique (évaluation globale de l'erreur de modélisation basée sur l'espace occupé par la vertèbre modélisée et le spécimen reconstruit).
Les résultats ont d'abord montré un ordre de grandeur semblable entre les valeurs du critère volumique pour les vertèbre saines et scoliotiques (entre 35% et 50%) alors que les valeurs du critère paramétrique sont environ 1,5 fois plus élevées pour les vertèbres scoliotiques que saines. La combinaison d'une dérive linéaire avec une covariance linéaire ou logarithmique donne généralement les meilleurs résultats. Les ordres supérieurs de dérive ne produisent pas d'amélioration appréciable de la modélisation géométrique et ne sont pas disponibles pour des combinaisons de moins de 10 points de contrôle. L'ajout de points de contrôle sur le corps vertébral seulement semble peu efficace pour améliorer la qualité de la modélisation géométrique des vertèbres dans leur ensemble, contrairement à l'ajout de points de contrôle sur les éléments postérieurs (apophyses transverses et articulaires). La cunéiformisation du corps vertébral n'ayant pas été évaluée de façon spécifique dans ce projet, ceci ne signifie pas pour autant que la qualité de sa modélisation ne serait pas améliorée par l'ajout de points de contrôle sur le corps vertébral. D'autre part, l'ajout de points de contrôle sur les facettes articulaires permet d'améliorer la modélisation géométrique de 45% et de 23% selon les critères paramétrique et volumique respectivement.
L'effet sur la géométrie vertébrale d'erreurs de reconstruction associées aux points de contrôle est maintenant connu et a permis de déterminer quels sont les points de contrôle dont il faut améliorer la précision, dépendant de la région de la colonne: les quatre points de contrôle situés sur les pédicules (surtout pour la région lombaire) et les deux situés sur le corps vertébral (surtout pour la région dorsale). Il est donc recommandé de concentrer les efforts sur la diminution des erreurs de reconstruction sur ces points pour améliorer la modélisation. De plus, le fait de savoir que la qualité de la modélisation géométrique ne peut être améliorée par l'utilisation d'un profil de krigeage autre que celui constitué d'une dérive et d'une covariance linéaires confirme le choix de ce profil de krigeage, employé depuis le début de l'utilisation de la méthode de déformation par krigeage des vertèbres. Enfin, la connaissance des points de contrôle améliorant le plus la modélisation géométrique des vertèbres dorsales et lombaires permet de savoir quels sont les points prioritaires à ajouter aux points de contrôle reconstruits, soit d'une façon plus particulière les extrémités des apophyses épineuse, transverses et articulaires.
A tridimensional personalized geometrical modelling technique was developed by the 3D scoliosis research group of Sainte-Justine Hospital and Ecole Polytechnique in order to study the biomechanics of scoliosis, a disease featuring a tridimensionnal deformation of the spine's natural curvature, rotation of the vertebrae and vertebral deformities. This technique consists in the deformation, using tridimensionnal geometrical kriging, of anatomical primitives of healthy vertebral specimens, reconstructed by ct-scan, to fit them on personalized data of the patient, obtained by multi-view radiography, an imaging technique used at the scoliosis clinics of Sainte-Justine Hospital. The kriging deformation is controlled by several parameters: control points, drift and fluctuation.
The geometrical modelling of the spine provides orthopedists with a 3-D view of the scoliotic spine, thus constituting a helping tool for diagnosis and treatment (computer assisted surgery). Moreover, joined with a finite-element mechanical modelling, it allows to simulate and study the biomechanical effect of a surgical treatment or of a brace on a specific patient. However, the mechanical model's geometrical data being based on the geometrical modelling of the spine, it is essential to be able to adequately represent the typical deformities of the scoliotic vertebrae (wedging of the vertebral body, pedicle asymmetry, processes deviation, etc.) in a personalized way.
In order to have a better understanding of the behavior of this kriging deformation method, this project has consisted in the performance of two sensitivity studies: 1) study of the sensitivity of the vertebral geometry to reconstruction errors on control points, 2) study of the sensitivity of the vertebral geometrical modelling's quality to the kriging profile. These studies allowed the taking into account of the presence of errors on the position of the control points as well as the evaluation of the precision of the vertebral models that it generates with different combinations of control points and kriging profiles (drift and fluctuation)
The initial hypotheses used were:
Concerning the study of the sensitivity to geometry, geometrical parameters were measured on the following anatomical primitives: typical thoracic (T8) and lumbar (L3) vertebrae. Those parameters were then successively modified and, for each case, the positions of the control points were recalculated and a geometrical model was generated. The comparison of the geometrical parameters measured on the model with those measured on the anatomical primitives has allowed to evaluate the effect of simulating errors on the position of control points. Furthermore, these tests were repeated with several combinations of control points, chosen from their visibility on X-rays.
Results have shown that a reconstruction error on a control point in a given direction (x, y or z) affects the rest of the vertebra only in that direction. Most of the time, the effect is not only local, the whole vertebra being affected. In addition, the effect is amplified on extrapolated areas of the vertebra whereas it is local on interpolated regions. The most considerable effects were observed 1) on the right transverse processes and right articular facets for errors on control points located on the right pedicle (amplified effect: greater than 100% of the simulated error) and 2) on T8's spinous process and articular facets of both vertebrae for errors on control points located on the vertebral endplates (medium effect: greater than 40% of the simulated error). Morphological differences between the two tested vertebrae (T8 and L3) are the reason for behavior differences which are a function of the distance between control points as well as the distance between the affected point and each control point. The L3 vertebra is thus more affected by errors on control points located on the pedicles than T8 while T8 is more influenced by errors on control points located on the vertebral body than L3. Adding control points on the vertebral body has an undesirable effect on the geometrical modelling by increasing the posterior elements' sensitivity whereas adding control points on the posterior elements (especially on the spinous and articular processes extremities) has a profitable effect by increasing the stability of the whole vertebra.
Concerning the study of the sensitivity to kriging profile, models were generated using several kriging profiles (constant, linear, quadratic and cubic drifts; linear, cubic and logarithmic fluctuations) and from the same combinations of control points as in the previous sensitivity study. Typical thoracic and lumbar vertebra (healthy and scoliotic), obtained by ct-scan reconstruction of cadaveric specimens, were used. Two criteria were defined to evaluate the quality of the geometrical modelling: 1) the parametric criteria (evaluation of the effects of geometrical modelling errors on the mechanical model of the spine) and 2) the volumic criteria (global evaluation of the modelling error based on the space occupied by the modelled vertebra and the reconstructed specimen).
Results have first shown similar order of magnitude for the volumic criteria values of healthy and scoliotic vertebrae (between 35% and 50%) but 1,5 times greater values for the parametric criteria of scoliotic vertebrae compared to healthy ones. The combination of a linear drift with a linear or logarithmic fluctuation usually gives the best results. Higher degree drifts did not produce perceptible improvement in the geometrical modelling and are not available for combinations of less than 10 control points. Adding control points only on the vertebral body is not very efficient in improving the quality of the geometrical modelling of vertebrae, contrarily to adding control points on the posterior elements (transverse and articular processes). The vertebral body's wedging having not been specifically evaluated in this project, this does not imply that the quality of its modelling would not be improved by adding control points on the vertebral body. On the other hand, adding control points on the articular processes allows a 45% and 23% improvement of the geometrical modelling, based on the parametric and volumic criterias respectively.
The effect on vertebral geometry of reconstruction errors on the control points is now understood. It has allowed to identify the control points which precision should be improved, depending on the spine region: the four control points located on the pedicles (especially in the lumbar region) and the two located on the vertebral body (especially for the thoracic region). It is thus recommended to direct efforts towards the decreasing of reconstruction errors on those points to improve the modelling. Also, knowing that the quality of the geometrical modelling cannot be improved by using another kriging profile than the one consisting of linear drift and fluctuation confirms this choice for the kriging profile, which was used from the beginning for kriging deformation of vertebrae. Finally, knowing which control points improve the geometrical modelling of thoracic and lumbar vertebrae the most allows to know which points must be added first to the reconstructed control points, i.e. the spinous, transverse and articular processes extremities.