La scoliose est une déformation tridimensionnelle de la colonne vertébrale, de la cage thoracique et du bassin (De Smet et coll., 1984; Deacon et coll., 1984; Stokes et coll., 1987; Perdriolle, 1979). Un cas particulier de cette maladie concerne les scolioses dites idiopathiques, de cause inconnue et souvent diagnostiquées chez l'adolescente. De face, la colonne vertébrale de patients scoliotiques, droite et symétrique chez des sujets sains, présente des déviations latérales, donnant au rachis la forme de « S » ou de « C ». Dans le plan sagittal, les courbes sont également affectées. Afin de réaliser le suivi clinique et dans le cadre du traitement orthopédique ou chirurgical des déformations scoliotiques, les radiographies frontales et latérales à rayons X sont largement utilisées par les cliniciens. Néanmoins, elles présentent l'inconvénient de ne donner qu'un aperçu de la colonne en deux dimensions, alors que la scoliose provient de mouvements combinés dans l'espace de rotation et de torsion (Perdiolle, 1979). C'est pourquoi une visualisation 3D du rachis du patient à traiter est un outil d'aide pertinent pour le clinicien dans le diagnostic et le traitement de la scoliose idiopathique.
Une technique de reconstruction en trois dimensions personnalisée au patient de colonnes vertébrales scoliotiques a été développée au Laboratoire Informatique de la Scoliose en 3D (LIS3D) de l'Hôpital Sainte-Justine (André et coll. 1989; Aubin et coll. 1997; Dansereau et coll., 1990). Cette méthode, dite reconstruction raffinée de la colonne, s'appuie sur les deux radiographies, frontale et latérale, du patient évalué ou en traitement, sur lesquelles six repères anatomiques par vertèbre sont identifiés : il s'agit du centre des plateaux inférieur et supérieur ainsi que du sommet inférieur et supérieur des pédicules droit et gauche. Les coordonnées bidimensionnelles de ces repères anatomiques sont ensuite mises en correspondance et l'algorithme Direct Linear Transformation (DLT) (Marzan, 1976) fournit les coordonnées tridimensionnelles de ces points. Des indices cliniques, tels que les angles de Cobb ou les rotations axiales, peuvent aussi être calculés. Cette technique, bien qu'obtenant une précision de reconstruction tridimensionnelle de 2,1±1,5 mm (Aubin et coll., 1997) et étant donc adaptée aux besoins de la recherche, présente l'inconvénient d'être longue, puisqu'elle nécessite deux heures à un utilisateur expérimenté pour identifier les 102 repères anatomiques sur chacune des vues. Il est donc difficile de l'utiliser en clinique. Néanmoins, environ 1000 radiographies, constituant une banque de données de l'Hôpital Sainte-Justine, ont été traitées par cette méthode et sont donc dotées des coordonnées bidimensionnelles des six repères anatomiques par vertèbre.
Le présent mémoire a par conséquent pour objectif de proposer une nouvelle technique de reconstruction tridimensionnelle de colonnes vertébrales scoliotiques, dite méthode rapide. Elle utilise les deux radiographies frontale et latérale d'un patient. Sur chacune d'elles, cinq à huit points uniquement, dont le centre des plateaux inférieur de la vertèbre L4 et supérieur de la vertèbre T1, sont identifiés le long du rachis, de telle sorte que la courbe les reliant, modélisée par une spline, passe de façon optimale par les centres des plateaux vertébraux. Cette courbe permet ensuite de classer la colonne pour chaque vue selon le type de courbe et la sévérité de la déformation scoliotique, grâce à des critères mathématiques et cliniques. Un modèle moyen, caractéristique de la catégorie précédemment déterminée, est alors utilisé pour estimer les coordonnées bidimensionnelles des six repères anatomiques par vertèbre sur les vues frontales et latérales. Ces modèles ont été préalablement construits en classant les radiographies frontale et latérale de la banque de données de l'Hôpital Sainte-Justine, dotées, grâce à un traitement par la méthode raffinée, des coordonnées bidimensionnelles des six repères anatomiques par vertèbre, puis en moyennant des paramètres géométriques relatifs à ces colonnes vertébrales, tels que les hauteurs de vertèbres, de disques ou des paramètres géométriques concernant les pédicules. L'algorithme DLT permet ensuite le calcul des coordonnées des mêmes repères anatomiques en trois dimensions. Ainsi, par sa rapidité, cette méthode est destinée à être utilisée par le clinicien directement pendant la visite du patient, de manière à lui fournir, en quelques minutes, une visualisation tridimensionnelle de la colonne vertébrale du patient en traitement.
Cette méthode rapide a été mise en œuvre et son évaluation s'est effectuée selon deux étapes : la première concerne la construction des modèles moyens ; la seconde porte sur l'estimation des six repères anatomiques par vertèbre sur les vues frontale et latérale. Ainsi sont testées les influences : (1) du nombre de points identifiés le long de la colonne sur les radiographies, ce chiffre variant de cinq à huit; (2) du modèle moyen utilisé pour estimer les coordonnées bidimensionnelles des six repères anatomiques, le modèle spécifique au type de courbe et à la sévérité de la scoliose étant comparé à un modèle global ne différenciant ni type de courbe, ni sévérité de la déformation; (3) des erreurs d'identification des points le long de la colonne. Enfin, les coordonnées tridimensionnelles et les indices cliniques obtenus avec les méthodes raffinée et rapide sont comparés. Ainsi, il a été montré que le classement effectué sur les radiographies frontales et latérales des colonnes vertébrales appartenant à la banque de données de l'Hôpital Sainte-Justine est très similaire à celui effectué par un clinicien d'expérience. D'autre part, les coordonnées bidimensionnelles des repères anatomiques calculées par méthode rapide en utilisant un modèle spécifique sont plus proches de celles fournies par la méthode raffinée qu'en employant un modèle moyen global. En outre, six, huit et six points sont les nombres de points minimaux à identifier sur la vue frontale pour les groupes thoracique droite, thoracique droite lombaire gauche et lombaire gauche respectivement alors que sept points sont nécessaires sur la vue latérale. Une erreur d'identification des points le long de la colonne entraîne une variation d'estimation des repères anatomiques du même ordre, montrant ainsi que la méthode est relativement peu sensible aux erreurs d'identification des points le long de la colonne sur les radiographies. Les différences tridimensionnelles entre les reconstructions fournies par les méthodes raffinée et rapide sont de l'ordre de 3,0±2,3 mm pour les centres des plateaux et de 4,4±2,5 mm pour les sommets des pédicules. Enfin, concernant les indices cliniques, aucune différence significative avec les résultats de la méthode raffinée n'est détectée, excepté pour la rotation axiale à l'apex thoracique du type de courbe TDLG. La méthode rapide, proposée dans ce mémoire, fournit par conséquent une reconstruction tridimensionnelle de la colonne cohérente et pertinente. Elle est donc très adaptée à une utilisation directe en clinique pendant la visite du patient, permettant par là au clinicien de visualiser rapidement la colonne de son patient en trois dimensions et lui procurant des indices cliniques fiables pour le choix du traitement à appliquer.
Adolescent idiopathic scoliosis is a complex three-dimensional (3D) anomaly of the spine, rib cage and pelvis (De Smet and al., 1984; Deacon and al., 1984; Stokes and al., 1987; Perdriolle, 1979). Of unknown origin, idiopathic scoliosis predominantly affects females during their adolescent growth spurt. While normal spines are straight and symmetric in the frontal view, scoliotic spines develop lateral deviations in "S" or "C" shapes in the frontal plane as well as alterations in the sagittal profiles. For follow-up of their patients as well as the choice of treatment (orthopedic bracing or surgical treatment), clinicians commonly use frontal and lateral X-rays radiographs to visualize scoliotic deformities, which only provide a two-dimensional (2D) understanding of the spinal deformity. However, alterations involved in scoliotic deformity are composed of rotations and torsions in three dimensions (Perdriolle, 1979). Consequently, 3D visualization of the patient's spine represents a helpfui tool for diagnosis and treatment.
A 3D personalized reconstruction technique for scoliotic spines was developed in the Laboratoire Informatique de la Scoliose 3D (LIS3D) at the Sainte-Justine Hospital (André and al., 1989; Aubin and al., 1997; Dansereau and al., 1990). This method refers to a "precise technique". Geometrical data of vertebrae are reconstructed in 3D using two calibrated X-rays (postero-anterior and lateral) taken in an apparatus normalizing the position of the subject and incorporing a calibration object. For each vertebra, six anatomical landmarks (the vertebral endplate centers and the inferior and superior tips of both pedicles) are digitized on both X-rays and reconstructed in 3D using the Direct Linear Transformation (DLT) (Marzan, 1976). Clinical indices, such as Cobb angles or axial rotations, can be analytically calculated from 3D reconstructed spines of scoliotic subjects. Although this technique has a 3D precision of 2,1±1,5 mm (Aubin and al., 1997) and offers potential for clinical research, its rather extensive processing represents a disadvantage for clinical use. An expert technician needs two hours to digitize 102 anatomical landmarks on each view. Nevertheless, more than 1000 frontal and lateral radiographs have been processed using this method to compose the data bank of the Sainte-Justine Hospital and include the digitized 2D coordinates of the six anatomical landmarks per vertebra.
The objective of this project is to propose a new 3D reconstruction technique of scoliotic spines, referred to as the "fast method". In this technique, only five to eight points located on the overall shape of the spine, including the inferior and superior endplates centers of T1 and L4 vertebrae, are digitized on the frontal and lateral radiographs of the patient, so that the spline modeled curve joining these points meets the endplates centers along the spine in an optimal way. This curve is then classified on each view based on the scoliotic curve type and its severity using mathematical and clinical criteria. An average model, corresponding to the identified type and severity, is then used to estimate the 2D coordinates of the six anatomical landmarks per vertebra on the frontal and lateral planes. These average models were formerly built from a classification of the radiographs from Sainte-Justine Hospital's data bank, on which digitizing with the precise technique provided the 2D coordinates of the six vertebral landmarks per vertebra, as well as from an evaluation of some averaged geometrical parameters such as vertebral and intervertebral heights or pedicles geometrical parameters. The DLT algorithm is then used to calculate the 3D coordinates of these six anatomical landmarks. This method, mainly because of its rapidity, is aimed to provide the clinician with a fast 3D visualization of his patient's spine directly during the visit in clinics.
The fast method was evaluated in two steps investigating first the generation of the average models and secondly the estimation of the six anatomical landmarks per vertebra with respect to: (1) the number of points, between five and eight, identified on the overall shape of the spine; (2) the average model used to estimated 2D coordinates of the six anatomical landmarks, where the average model associated to a particular curve type and severity was compared to a global average model considering all scoliotic types and severities; (3) the identification errors on the radiographs. Finally, 3D coordinates and clinical indices obtained using both precise and fast methods were compared.
Results showed that the developed classification using the frontal and lateral radiographs belonging to the data bank is very similar to that made by an expert clinician. In addition, compared to the precise method, the 2D coordinates of the six anatomical landmarks calculated using a specific average model give closer results than the global average model. Moreover, six, eight and six points must be identified on the frontal view for respectively right thoracic, right thoracic-left lumbar and left lumbar curves while seven points can be used on the lateral radiograph. Identification errors of the points along the spine cause variations in the estimated anatomical landmarks that are of similar magnitudes compared to the identification errors. This indicates that the method is not very sensitive to these identification errors on the radiographs. The 3D differences between the reconstructions calculated by both precise and fast methods reach about 3.0±2.3 mm for the endplates centers and 4.4±2.5 mm for the pedicles. Finally, no significant difference was found between the clinical indices obtained thought the fast and the precise techniques, except thoracic axial rotation for right thoracic-left lumbar curves. The fast method, proposed in this project hence provides a coherent and relevant 3D reconstruction of scoliotic spines. Consequently, it is well adapted for direct use in clinics during the patient's visit, by providing the clinician with a fast 3D visualization of his patient's spine and with reliable clinical indices, helping him in the choice of an appropriate treatment for his patient.