La flexibilité du rachis scoliotique est un facteur biomécanique important pour la planification de l’instrumentation chirurgicale. Des tests cliniques d’évaluation de cette flexibilité tels que l'inflexion latérale volontaire ou avec point d'appui et la traction sont couramment utilisés pour estimer la réductibilité des courbes scoliotiques, identifier les segments rigides du rachis et déterminer les niveaux vertébraux qui seront fusionnés. Le test d’inflexion latérale est à l’heure actuelle le plus utilisé et est considéré comme la référence. Toutefois, aucun des ces tests n'évalue réellement la flexibilité du rachis puisque les forces en jeux ne sont pas connues. De plus, il n’existe actuellement pas de consensus sur le test optimal et de méthodologie reproductible pour prédire la réductibilité des courbes scoliotiques. La flexibilité du rachis est aussi un paramètre important pour la définition du comportement des modèles biomécaniques.
L'objectif général de cette thèse de doctorat est donc de développer un outil d'évaluation de la flexibilité du rachis scoliotique pour la planification de l’instrumentation chirurgicale. Les hypothèses posées sont que : la flexibilité segmentaire du rachis scoliotique influence la correction obtenue lors de l’instrumentation chirurgicale; un modèle biomécanique qui représente les manœuvres d’instrumentation chirurgicale en intégrant la géométrie et la flexibilité segmentaire spécifiques aux patients peut simuler la correction en vue de la planification chirurgicale.
Une nouvelle méthode d'évaluation in-vivo de la flexibilité segmentaire du rachis scoliotique à l'aide d'un modèle biomécanique à multi-corps flexibles a donc été proposée. Les vertèbres sont représentées par des corps rigides et les éléments intervertébraux sont définis par des joints sphériques et des ressorts de torsion. Les propriétés mécaniques du modèle, initialisées avec des données expérimentales tirées de la littérature, sont ajustées par segment avec un algorithme d'optimisation en fonction de la réductibilité des déformations scoliotiques mesurée expérimentalement lors d'un test d'inflexion latérale. Le modèle biomécanique personnalisé a ensuite été utilisé pour modéliser les manœuvres d'instrumentation chirurgicale et étudier l'influence de la flexibilité segmentaire du rachis scoliotique. Le modèle d'instrumentation chirurgicale, défini à partir d'une analyse fonctionnelle, représente les implants comme des corps rigides, la tige comme un corps déformable (ou non) et les manœuvres à l'aide de liaisons et de commandes cinématiques. L'instrumentation chirurgicale a été simulée avec plusieurs valeurs de paramètres de personnalisation des propriétés mécaniques dont les valeurs spécifiques aux patients et les résultats ont été comparés à la correction chirurgicale mesurée par reconstruction 3D pré- et post-instrumentation.
L’évaluation de la flexibilité segmentaire du rachis de 10 patients scoliotiques démontre que cette méthode permet de réduire de 50 % la somme des différences au carré des angles de Ferguson des segments scoliotiques simulés et mesurés sur les radiographies en inflexion latérale. La méthode proposée a permis de discriminer les segments flexibles (α ≤ 0,8) et les segments rigides (α ≥ 1,2) en fonction d'une classification basée sur les paramètres d'ajustement mécanique (αi) du modèle. Cette étude suggère que la variabilité inter-individuelle de la flexibilité segmentaire du rachis exprimé par les coefficients d'ajustement mécanique est importante (αi = 2,5 ± 2,0) chez les patients scoliotiques et doit être considérée dans les modèles biomécaniques pour représenter adéquatement le comportement du rachis scoliotique lors de l'instrumentation chirurgicale.
La modélisation de l'instrumentation chirurgicale Colorado 2 du rachis de 7 patients scoliotiques suggère une bonne adéquation avec la correction chirurgicale mesurée par reconstruction 3D. En effet, les différences observées pour l'angle de Ferguson sont de 2,3° ± 2,0° (moyenne ± écart-type) dans le plan frontal et 2,2° ±4,1° dans le plan sagittal. L'utilisation des paramètres mécaniques spécifiques aux patients entraîne une faible amélioration du modèle d'instrumentation pour l'angle de Ferguson dans les plans frontal (1,3° ± 4,4°) et sagittal (2,0° ± 3,9°) et des changements négligeables pour l’orientation du plan de déformation maximale. Le modèle d'instrumentation prédit des couples de rotation (0,2 Nm à 28 Nm) et des forces latérales de rapprochement moyennes sur la tige correctrice vraisemblables (≤ 611 N sauf pour un patient) qui sont de l'ordre des valeurs rapportées dans la littérature.
Bien que la personnalisation des propriétés mécaniques entraîne seulement une faible amélioration du modèle d'instrumentation chirurgicale, l'étude de sensibilité met en évidence l'influence des propriétés mécaniques segmentaires du rachis scoliotique lorsque la flexibilité de la tige correctrice est représentée. Enfin, les patients avec des segments thoraciques et lombaires flexibles présentent une réduction de l'angle de Ferguson thoracique dans le plan frontal significativement plus élevée suite à l'instrumentation chirurgicale (≥ 63% versus ≤ 45%).
Ces résultats permettent de conclure que la flexibilité segmentaire du rachis scoliotique influence la correction obtenue lors de l'instrumentation chirurgicale et que le modèle biomécanique de l'instrumentation chirurgicale Colorado 2 incluant des propriétés géométriques et mécaniques spécifiques aux patients permet de prédire adéquatement cette correction. Les outils d'évaluation in-vivo de la flexibilité segmentaire du rachis scoliotique et de modélisation de l'instrumentation chirurgicale Colorado 2 développés et validés dans ce travail permettent donc de confirmer l'importance de la flexibilité du rachis scoliotique pour la planification chirurgicale. Ces outils pourront éventuellement être utilisés pour élaborer la stratégie opératoire en permettant au chirurgien d’évaluer et de mieux comprendre l’effet des différents choix qu’il effectue. Le modèle biomécanique personnalisé du rachis et de l'instrumentation Colorado 2 constituera un outil sophistiqué qui permettra de rationaliser les stratégies opératoires et d’évaluer les générations futures d’instrumentations chirurgicales dans le but d’améliorer le traitement chirurgical de la scoliose et la qualité de vie des patients.
The flexibility of the scoliotic spine is an important biomechanical parameter to take into account in the planning of the surgical instrumentation. It is clinically assessed by means of flexibility tests such as voluntary or fulcrum side bending and traction in order to assess the reducibility of the curves as well as the levels to instrument. Even if the maximum voluntary supine side-bending test is considered as the gold standard, there is currently no consensus on the optimal flexibility test. Moreover, these tests do not really estimate the flexibility of the spine since the forces involved are not known. The flexibility of the spine is also an important parameter in defming the behavior of biomechanical models.
The main objective of this thesis is to develop tools to estimate the flexibility of the scoliotic spine for the planning of surgical instrumentation. The hypothèses tested in this thesis are: that the segmentai flexibility of the scoliotic spine affects the correction following the surgical instrumentation and that a biomechanical model of the surgical instrumentation incorporating patient-specific géométrie and mechanical properties could estimate adequately the correction for the planning of surgical instrumentation.
A novel method was developed for the identification of patient-specific mechanical properties of the scoliotic spine using a multi-body model. Vertebrae were represented as rigid bodies and intervertébral elements were defined using a spherical joint and three torsion springs. The initial mechanical properties of motion segments were defined from in-vitro expérimental data reported in the literature. They were adjusted using an optimization algorithm to reproduce the reducibility of scoliotic deformities measured on the latéral bending radiographs. The personalized model was then used to simulate the surgical instrumentation and to investigate on the relationships between the segmentai flexibility of the scoliotic spine and the correction following the surgical instrumentation. This model was defined from a functional analysis and represents the implants as rigid bodies, the rod as a deformable (optional) body and the maneuvers using kinematic constraints. The surgical instrumentation was simulated with a number of mechanical properties of the spine and compared with post-instrumentation 3D reconstructions.
The adjustment of the mechanical parameters of 10 scoliotic patients allowed reducing of 50% the sum of the squared différences between simulated and experimentally measured Ferguson angles in latéral bending. The classification of the flexibility of spine segments based on the computed mechanical modulation parameters (αi) allowed to discriminate flexible (α ≤ 0,8) and rigid (α ≥ 1,2) scoliotic curves. This study shows that the inter-individual variability of the scoliotic spine flexural rigidity is important (αi = 2,5 ± 2,0) and should be considered into biomechanical models.
The simulation of the surgical instrumentation maneuvers of 7 scoliotic patients adequately predicted the surgical correction. Différences between the simulated and measured Ferguson angles in the frontal and the sagittal planes respectively were 2,3° ± 2,0° and 2,2° ±4,1° before the adjustment of mechanical properties. The personalization slightly improved the Ferguson angles predicted in the frontal plane (1° ± 4°) and the sagittal plane (2,0° ± 3,9°) but no significant change was observed for the plane of maximum curvature. The model also predicts plausible torque reactions (from 0,2 Nm to 28 Nm) and latéral forces (≤ 611 N except for one patient) between the rod and the implant during the rod rotation and translation maneuvers.
Although the personalization of mechanical properties led to few improvements, the sensitivity study emphasizes the influence of the segmentai flexibility of the scoliotic spine while the flexibility of the rod is also considered. Moreover, the réduction of Ferguson angles in the frontal plane was more important for patients presenting flexible thoraeic and lumbar spine segments (≥ 63%) than others (≤ 45%).
These results clearly demonstrate that the segmentai flexibility of the scoliotic spine affects the correction following the surgical instrumentation and that the biomechanical model of the surgical instrumentation adequately predicts this correction. The in-vivo identification of mechanical properties of the scoliotic spine improves the capability of biomechanical models to adequately predict surgical correction as a function of the instrumentation strategy. Such biomechanical model should help clinicians in the planning of surgical instrumentation maneuvers and provide sophisticated tools to develop and evaluate the new générations of surgical instrumentation.