La scoliose idiopathique adolescente (SIA) est une déformation tridimensionnelle (3D) de la colonne vertébrale et de la cage thoracique, pouvant nécessiter une chirurgie d’instrumentation pour les cas de courbures sévères. Plusieurs techniques d’instrumentation et manœuvres chirurgicales ont été développées ces dernières années afin d’améliorer la correction des déformations scoliotiques dans le plan transverse, telles que les manœuvres de dérotation vertébrale. Ce type de manœuvres consiste à appliquer un moment de dérotation, avec ou sans forces additionnelles, sur un dispositif de dérotation vertébrale (DDV) rigidement fixé aux vis pédiculaires périapicales, afin de corriger la rotation axiale des vertèbres et des côtes. Des études cliniques ont montré que les manœuvres de dérotation vertébrale amélioraient de manière significative la correction de la SIA dans les plans frontal et transverse, mais pouvaient engendrer une diminution de la cyphose thoracique. Aussi, peu ou pas de recommandations ont été émises concernant le nombre de niveaux de dérotation à utiliser pour effectuer une manœuvre de dérotation vertébrale, ainsi que l’angle de dérotation vertébrale et les forces à appliquer sur le DDV. Des vis pédiculaires monoaxiales ou multiaxiales peuvent être utilisées avec un DDV. Cependant, l’avantage biomécanique d’un type d’implant par rapport à l’autre n’a pas été établi dans la littérature pour effectuer une manœuvre de dérotation vertébrale. Enfin, la densité d’implant optimale à utiliser pour le traitement de la SIA reste encore un sujet à débat.
Cette étude vise à modéliser et analyser la biomécanique de manœuvres de dérotation vertébrale, en association avec différents types et densités d’implants, afin d’améliorer la correction 3D de la scoliose et de diminuer les forces à l’interface implant/vertèbre (FI-V). La question de recherche de ce projet de maîtrise est la suivante :« Parmi les divers paramètres d’instrumentation et de manœuvres de dérotation vertébrale, lesquels ont un effet statistiquement significatif sur la correction de la scoliose et les forces à l’interface implant/vertèbre? ».
Dans un premier temps, un modèle biomécanique multi-corps flexibles personnalisé a été développé afin de simuler la chirurgie d’instrumentation de quatre patients scoliotiques avec une courbure thoracique majeure (type Lenke 1), opérés en utilisant une manœuvre de dérotation vertébrale avec un DDV. Plusieurs indices cliniques géométriques (ICG) ont été mesurés à partir des reconstructions 3D pré- et postopératoires, ainsi qu’à partir du modèle biomécanique à la fin de chaque étape de la simulation de la chirurgie d’instrumentation. Les FI-V ont également été évaluées après chaque étape de la simulation. Afin d’évaluer l’impact spécifique de la manœuvre chirurgicale sur les ICG et les FI-V, la même simulation a été effectuée, mais sans la manœuvre de dérotation vertébrale.
Dans un second temps, une étude de sensibilité a été réalisée pour analyser la biomécanique de manœuvres de dérotation vertébrale, en utilisant le modèle développé précédemment. Pour chaque cas, 32 chirurgies d’instrumentation supplémentaires ont été simulées en faisant varier plusieurs paramètres d’instrumentation et de la manœuvre de dérotation vertébrale, suivant un plan d’expériences factoriel complet 25 : le type d’implant (vis pédiculaire monoaxiale ou multiaxiale), la densité d’implants (50% ou 100%), le nombre de niveaux de dérotation périapical (3 ou 5), l’angle de dérotation vertébrale par rapport au plan sagittal (0˚ ou 15˚) et la force de traction antéropostérieure appliquée durant la manœuvre (25 N ou 50 N). À la fin de chaque simulation, plusieurs ICG et les FI-V ont été mesurés à partir du modèle biomécanique. Une analyse statistique a ensuite été réalisée afin de déterminer l’influence de chaque paramètre de l’étude de sensibilité sur les ICG et les FI-V.
Pour chaque cas, la différence entre les ICG postopératoires et ceux mesurés à la fin de la simulation de la chirurgie d’instrumentation avec la manœuvre de dérotation vertébrale était inférieure à 5˚. Une diminution progressive de l’angle de Cobb thoracique a été observée au cours des différentes étapes de la simulation, plus particulièrement lors de l’attachement de la première tige. La rotation axiale de la vertèbre apicale (RAVA) a été corrigée en grande partie lors la simulation de la manœuvre de dérotation vertébrale. Cependant, une perte de correction a été constatée lorsque le moment de dérotation n’était plus appliqué sur le DDV. La cyphose thoracique a diminué de 3˚ et 7˚ pour deux patients et augmenté de 4˚ et 5˚ pour les deux autres. La FI-V a évolué de manière stable au cours de la simulation mais a augmenté particulièrement lors de l’attachement de la deuxième tige. La comparaison des simulations « avec dérotation vertébrale » versus « sans dérotation vertébrale » a permis de mettre en évidence que la manœuvre chirurgicale améliorait en moyenne la correction de l’angle de Cobb thoracique de 4,3˚ et la RAVA de 7,5˚. La manœuvre de dérotation vertébrale a eu cependant un impact très limité sur la cyphose thoracique (< 2˚) et les FI-V (< 16 N).
Les résultats de l’étude de sensibilité ont indiqué que parmi les 32 simulations supplémentaires, la variabilité moyenne de l’angle de Cobb thoracique, la cyphose thoracique, la RAVA et la FI-V résultante moyenne était respectivement de 6˚, 4˚, 15˚ et 205 N. Les paramètres influençant le plus la correction 3D de la scoliose et la FI-V étaient respectivement le type d’implant et la densité d’implants. L’angle de dérotation avait également une influence importante sur la correction de la RAVA dans le plan transverse, ainsi que la translation apicale vertébrale et l’angle de Cobb thoracique dans le plan frontal. Le nombre de niveaux de dérotation et l’amplitude de la force de traction antéropostérieure avaient généralement peu ou pas d’influence sur la correction des déformations scoliotiques et la FI-V résultante. Pour chaque cas, la correction dans le plan frontal et le plan transverse a été améliorée en utilisant des vis monoaxiales avec une densité d’implants de 100% et en appliquant un angle de dérotation de 15˚. La FI-V résultante moyenne a été réduite de 63% en divisant la densité de vis pédiculaires monoaxiales par deux.
Cette étude numérique est la première du genre à avoir modélisé et analysé la biomécanique de manœuvres de dérotation vertébrale afin d’améliorer la correction 3D de la scoliose et de diminuer les FI-V. Les résultats des simulations ont indiqué que le modèle biomécanique développé permettait de reproduire adéquatement la correction postopératoire engendrée lors de la chirurgie d’instrumentation de la scoliose avec une manœuvre de dérotation vertébrale. L’étude de sensibilité a révélé que le type d’implant, la densité d’implants et l’angle de dérotation vertébrale étaient les paramètres qui ont le plus influencés la correction des déformations scoliotiques. Pour chaque cas, il a été possible d’améliorer significativement la correction dans le plan transverse, en utilisant des vis monoaxiales avec une densité de 100% et en appliquant un angle de dérotation vertébrale de 15˚ par rapport au plan sagittal. Il a été possible de diminuer significativement la FI-V en divisant la densité d’implants par deux. Afin d’accroître les connaissances relatives aux mécanismes de correction de manœuvres de dérotation vertébrale et d’améliorer l’aspect sécuritaire des chirurgies d’instrumentation, des travaux supplémentaires devraient être menés en incluant d’autres approches, telles que la manœuvre de dérotation vertébrale segmentaire, un nombre plus important de patients, de types de courbures, de densité d’implants et de types d’implants.
Adolescent idiopathic scoliosis (AIS) is a three-dimensional (3D) deformity of the spine and rib cage, which may require surgical instrumentation in case of severe curvatures. Many instrumentation techniques and surgical maneuvers have been developed to improve the correction of scoliotic deformities in the transverse plane, such as vertebral derotation maneuvers. This type of maneuvers consist of applying a derotational torque with or without additional forces on a vertebral derotation device (VDD) rigidly fixed to periapical pedicle screws, to correct axial rotation of vertebrae and ribs. Clinical studies have shown that vertebral derotation maneuvers significantly improved AIS correction in the frontal and transverse planes, but could lead to a decrease of thoracic kyphosis. In addition, little or no recommendations were made regarding the number of derotation levels to use in order to perform vertebral derotation maneuvers, and the angle of vertebral derotation and the forces to apply on the VDD. Monoaxial or multiaxial pedicle screws can be used with a VDD. However, the biomechanical advantage of an implant type over the other has not been established in literature for vertebral derotation maneuvers. Finally, the optimal implant density to use in the treatment of AIS is still a subject of debate.
This study aims to biomechanically model and analyze vertebral derotation maneuvers, in relation with different implant types and densities, to improve the 3D correction of scoliosis and to reduce the forces at the implant-vertebra junction (FI-V). The research question of this master’s project is the following: “Among the instrumentation and vertebral derotation maneuver parameters, which ones have a statistically significant effect on the correction of scoliosis and the forces at the implant/vertebra junction?”.
First, a patient-specific multi-body biomechanical model was developed to simulate the instrumentation surgery of four thoracic AIS cases (Lenke type 1), instrumented using a VDD and vertebral derotation maneuvers as major correction technique. Several geometric clinical indices (GCI) were computed from the 3D pre- and postoperative reconstructions, as well as from the biomechanical model after each step of the instrumentation surgery simulation. The FI-V were also computed after each step of the simulation. To assess the specific impact of the surgical maneuver on the GCI and the FI-V, the same simulation was performed, but without the vertebral derotation maneuver.
Second, a sensitivity study was performed to better understand the biomechanics of vertebral derotation maneuvers using the aforementioned model. For each case, 32 additional instrumentation surgeries were simulated by varying several instrumentation and vertebral derotation parameters, as defined by a 25 factorial design of experiments: implant type (monoaxial or multiaxial pedicle screw), implant density (50% or 100%), number of periapical derotation levels (3 or 5), angle of vertebral derotation with respect to the sagittal plane (0˚ or 15˚) and the posteriorly oriented force applied during the vertebral derotation maneuver (25 N or 50 N). At the end of each simulation, several GCI and the FI-V were computed from the biomechanical model. Statistical analysis was then performed to determine the influence of each parameter of the sensitivity study on the GCI and the FI-V.
For each case, the difference between the postoperative ICG and those computed at the end of the instrumentation surgery simulation with the vertebral derotation maneuver was less than 5˚. A progressive decrease of the thoracic Cobb angle was observed during the different steps of the simulation, particularly when the first rod was attached. The apical vertebral rotation (AVR) was mainly corrected during the vertebral derotation maneuver simulation step. However, a loss of correction was observed when the moment of derotation was no longer applied on the VDD. Thoracic kyphosis decreased by 3˚ and 7˚ for two patients and increased by 4˚ and 5˚ for the other two. The variation of the FI-V was quite stable during the simulation steps but increased significantly when the second rod was attached. Comparison of the simulations “with the vertebral derotation maneuver” vs. “without the vertebral derotation maneuver” showed that on average the surgical maneuver improved the correction of the thoracic Cobb angle by 4.3˚ and the AVR by 7.5˚. However, the vertebral derotation maneuver had a very limited impact on thoracic kyphosis (< 2˚) and the FI-V (< 16 N).
The results of the sensitivity study indicated that among the 32 additional simulations, the average variability of the thoracic Cobb angle, thoracic kyphosis, the AVR and the mean resultant FI-V was 6˚, 4˚, 15˚ and 205 N respectively. The parameters that had the most influence on the 3D correction of scoliosis and the FI-V were the implant type and the implant density respectively. The derotation angle also had a significant influence on the correction of the AVR in the transverse plane, apical vertebral translation and the thoracic Cobb angle in the frontal plane. The number of derotation levels or the posteriorly oriented force had generally little or no influence on the 3D correction and the FI-V. For each case, the correction was improved in the frontal and transverse planes when using monoaxial pedicle screws with a 100% implant density and a derotation angle of 15˚. The mean resultant FI-V was reduced by 63% by dividing the monoaxial pedicle screw density by two.
This is the first numerical study that modeled and analyzed the biomechanics of vertebral derotation maneuvers using a VDD in order to improve the correction of scoliotic deformities and reduce the FI-V. The simulation results indicated that the biomechanical model was able to adequately reproduce postoperative correction induced by instrumentation surgeries involving vertebral derotation maneuvers. The sensitivity study revealed that the implant type, the implant density and the derotation angle were the parameters that most influenced the correction of scoliotic deformities. For each case, it was possible to significantly improve the correction of scoliotic deformities in the transverse plane when using monoaxial screws with 100% density and applying a 15˚ vertebral derotation angle with respect to the sagittal plane. When dividing the implant density by two, it was possible to significantly reduce the FI-V. In further studies, the effect of other vertebral derotation approaches, such as segmental vertebral derotation, screw designs and densities should be analyzed. In addition, comprehensive case simulations including different curve types should be undertaken to obtain supplementary insight into the biomechanics of vertebral derotation maneuvers and safer instrumentation strategies.