L’hypercyphose est une déformation de la colonne vertébrale qui se manifeste à travers un dos rond et une augmentation de la courbure thoracique (cyphose thoracique > 40°) qui peut nécessiter un traitement chirurgical si la déformation est très sévère et rigide. Dans le contexte de la chirurgie d’instrumentation, les ostéotomies de la colonne vertébrale sont des techniques chirurgicales qui prévoient une résection plus ou moins extensive des éléments osseux et ligamentaires afin d’augmenter la flexibilité du rachis et de permettre la correction des déformations cyphotiques. Les ostéotomies peuvent être classifiées sur la base de la résection osseuse requise et sur leur potentiel de correction. Parmi les différents types, l’ostéotomie de Ponte (OP) prévoit l’ablation des éléments du complexe ligamentaire postérieur et une facetectomie bilatérale et permet une correction limitée, allant de 5° à 15° par niveau. Cependant, l’OP est rarement utilisée sur un niveau isolé et elle est plus souvent réalisée sur plusieurs unités fonctionnelles adjacentes. L’ostéotomie de soustraction pédiculaire (OSP) requiert l’enlèvement des éléments osseux de la colonne postérieure et des pédicules ainsi que d’un coin d’os du corps vertébral. Dépendamment de la résection osseuse réalisée et de la région du rachis ostéotomisée, on peut atteindre une correction de 25° avec une OSP thoracique et de 35° avec une OSP lombaire. Nonobstant l’efficacité de ces techniques, des études cliniques ont montré qu’en présence d’une ostéotomie, le risque de complications augmente de façon significative, incluant le bris des tiges et l’arrachement de vis. Malgré un grand nombre de publications cliniques, un nombre très limité de publications a abordé la biomécanique tridimensionnelle des ostéotomies dans le but de diminuer leur échec.
Cette étude vise donc à analyser et comparer la biomécanique tridimensionnelle d’ostéotomies de Ponte et de soustraction pédiculaire pour le traitement chirurgical des déformations cyphotiques de la colonne vertébrale. En particulier, la question de recherche à la quelle ce projet de recherche veut répondre est la suivante: “Quelle stratégie avec ostéotomies de Ponte ou de soustraction pédiculaire permet de minimiser les efforts sur l’instrumentation et maximiser la stabilité (forces de compression) dans la colonne vertébrale au niveau du site d’ostéotomie?”.
Dans un premier temps, un modèle biomécanique multi-corps flexible personnalisé de la colonne vertébrale et du bassin de sept cas chirurgicaux (cyphose thoracique > 70°) avec un diagnostic de maladie de Scheuermann ou de cyphose post-laminectomie a été développé. Par la suite, les ostéotomies de Ponte et de soustraction pédiculaire ont été modélisées avec une double fonction: biomécanique (réduction de la raideur des structures intervertébrales suite à l’ostéotomie) et géométrique (modification de la topologie afin de représenter le changement de la géométrie au niveau de l’unité fonctionnelle ostéotomisée).
Dans un second temps, trois stratégies chirurgicales avec ces deux types d’ostéotomies ont été conçues en fixant le nombre de niveaux ostéotomisés: un pour l’ostéotomie de soustraction pédiculaire et trois ou six pour l’ostéotomie de Ponte. Après, les stratégies ont été simulées pour chacun de sept cas sélectionnés et la résection osseuse a été variée à travers un processus itératif afin d’obtenir une différence maximale entre la cyphose thoracique postopératoire réelle et celle simulée de 5° en valeur absolue. Enfin, les trois stratégies chirurgicales avec ostéotomies ont été comparées sur la base de trois paramètres biomécaniques: la force de compression vertébrale (force en direction verticale descendante et perpendiculaire au plateau supérieur de la vertèbre supérieure ostéotomisée), la force à l’interface implant-vertèbre et le moment interne des tiges. Toutes ces variables ont été mesurées un niveau des six unités fonctionnelles de la stratégie avec six OP (ci-après nommé "site d’ostéotomie"). Une analyse de la variance (test ANOVA pour des mesures répétées) a été utilisée par la suite pour analyser les données issues des simulations.
Pour chaque cas, la différence maximale entre la cyphose thoracique postopératoire et celle simulée ne dépassait pas les 5°, seuil défini par la variabilité intra- et inter-observateur pour des mesures radiographiques. Les forces maximales à l’interface implant-vertèbre et les moments maximaux dans les tiges ont été relevés au niveau du site d’ostéotomie pour les trois stratégies d’ostéotomie dans 60% et 81% des cas respectivement. L’analyse des valeurs moyennes et maximales de la force à l’interface implant-vertèbre et du moment interne des tiges n’a cependant pas donné de différences significatives ni de tendance entre les trois stratégies d’ostéotomie pour les sept cas de l’étude. Quant à la distribution de la force de compression vertébrale dans le site d’ostéotomie, une différence significative a été trouvée entre chaque stratégie. La stratégie avec trois ostéotomies de Ponte augmentait le niveau moyen de cette force de 42% et 20% par rapport aux stratégies avec une OSP et six OP, respectivement. De plus, cette dernière produisait une augmentation d’efforts d’environ 18% par rapport à la stratégie avec une seule OSP. Enfin, une analyse de sensibilité a été réalisée pour déterminer l’effet de l’incertitude caractérisant la valeur de certains paramètres sur les résultats et les conclusions de la présente étude. Les variables concernées étaient le cintrage des tiges (± 10°), la position (± 3mm) et l’orientation (± 5°) des implants et la réduction de la raideur des structures intervertébrales aux niveaux ostéotomisés (± 25% de la valeur initiale). En moyenne, ces nouvelles configurations ont donné les mêmes valeurs de cyphose thoracique par rapport aux simulations initiales et produit des niveaux d’effort plus élevés, mais sur une base d’analyse relative elles n’ont pas changé les conclusions de l’étude.
Ce travail constitue une contribution originale car il s’agit de la première étude du genre à avoir modélisé et simulé une chirurgie de la colonne vertébrale avec ostéotomies sur un modèle personnalisé du rachis. Cependant, un seul type d’instrumentation a été testé pour chaque patient et il serait pertinent d’analyser dans une étude subséquente l’influence du matériel et du diamètre des tiges ainsi que de différents types d’implants. De plus, seulement la position debout a été investiguée et il faudrait éventuellement étudier l’effet des mouvements fonctionnels. Enfin, les forces musculaires, qui contribuent à donner stabilité au rachis, n’ont pas été modélisées et il faudrait les inclure dans le modèle car elles peuvent influencer la répartition des charges entre la colonne vertébrale et l’instrumentation. Malgré les limites et les approximations, le modèle multicorps flexible développé a permis de reproduire correctement la correction engendrée lors de la chirurgie d’instrumentation avec ostéotomies. La présente étude a montré que les trois stratégies avec ostéotomies de Ponte et de soustraction pédiculaire produisent des efforts équivalents sur l’instrumentation, mais impliquent différentes distributions des charges de compression vertébrale, l’OSP étant la technique caractérisée par les efforts intervertébraux les plus faibles. Afin d’accroître les connaissances de la biomécanique du rachis instrumenté en présence d’ostéotomies, il faudrait poursuivre cette étude pour analyser l’effet des chargements fonctionnels, mais aussi de différents types d’implants ainsi que du matériel et diamètre des tiges.
Hyperkyphosis is a spinal deformation, which manifests itself through a round back and an increase in the thoracic curvature (thoracic kyphosis > 40°). It may need surgical treatment if the deformation is severe and rigid. In the context of instrumentation surgery, spinal osteotomies are surgical techniques that require different extents of bone and ligament removal to both increase the flexibility of the spine and allow correction of kyphotic deformities. Spinal osteotomies are classified on the basis of the resection they require and the relative correction potential. Among the different types, the Ponte osteotomy (PO) involves the ablation of the ligaments of the posterior complex and a bilateral facetectomy. It allows a limited amount of correction, ranging from 5° to 15° per level. Nevertheless, this kind of osteotomy is rarely used on a single level and it is more often applied to multiple adjacent vertebrae, thus allowing a greater correction. The pedicle subtraction osteotomy (PSO) is another type of osteotomy requiring the removal of the bony and ligamentous elements belonging to the posterior column, both pedicles and a wedge of bone from the vertebral body of the osteotomized vertebra. Depending on the resection and spinal region, the achievable correction ranges from 25° (thoracic PSO) to 35° (lumbar PSO). Despite the efficacy of these techniques, clinical studies have shown that the complication rate, including instrumentation failure and screw loosening, significantly increases when osteotomies are performed. Several clinical publications have investigated this topic, but very few have studied the 3D biomechanics of osteotomies in order to decrease their failure rate.
Therefore, the objective of this study is to analyze and compare the 3D biomechanics of Ponte and pedicle subtraction osteotomies for the surgical treatment of kyphotic deformities. This project aims to answer to the following research question: “Which surgical strategy with Ponte or pedicle subtraction osteotomies allows minimizing the efforts in the instrumentation and increasing the stability (vertebral compressive force) at the osteotomy site after surgical correction of kyphotic deformities?”.
Initially, a flexible multi-body model of the vertebral column and the pelvis, personalized from the data of seven hyperkyphotic cases (thoracic kyphosis > 70°) diagnosed with Scheuermann’s disease or post-laminectomy kyphosis, was developed. Subsequently, the Ponte and pedicle subtraction osteotomies were modeled based on their double function: mechanical (reduction of the intervertebral structures stiffness due to the osteotomy) and geometrical (modification of the vertebral topology to represent the changes in the geometry of the osteotomized functional units).
In a second time, three surgical strategies including the two osteotomies were conceived fixing the number of osteotomized levels: one for the PSO and three or six for multiple PO. After, the three strategies were simulated for each selected case and the bony resection varied through an iterative process in order to obtain a maximum difference of ± 5° between the actual postoperative thoracic kyphosis and the simulated one. The strategies with osteotomies were then compared on the basis of three biomechanical parameters: the vertebral compressive force (downward force perpendicular to the endplate of the superior osteotomized vertebra), the resultant force at the implant-vertebra interface both sides and the resultant internal moment in the two rods. The three aforementioned variables were measured at the six functional units (seven vertebrae) of the six PO strategy (hereinafter called "osteotomy site"). A variance analysis (repeated measures ANOVA test) was used to analyze the data.
For every case, the maximum difference between the postoperative thoracic kyphosis and the simulated one didn’t exceed 5°, threshold value defined by the intra- and inter-observer variability documented for radiographic measures. A generalized increase of effort was noticed at the osteotomy site for the three strategies. In particular, the maximum found at the osteotomized levels was coincident with the overall maximum in 60% of the simulations for the implantvertebra force and 81% for the rod moment. Nevertheless, the analysis of the average and maximum values of the implant-vertebra force and the rod moment didn’t reveal any statistical difference for either variable and no strategy-related trend was found when plotting the results for every case. For what concerns the distribution of the vertebral compressive force at the osteotomy site, significant variations were found among each pair of surgical strategies. In fact, the 3 PO strategy increased this force by 42% and 20% with respect to the PSO and 6 PO ones. The 6 PO increased it by 18% compared to the PSO. Lastly, a sensitivity study was performed to assess the effect that the variability of certain parameters could have on the results and conclusions of this study. In particular, the three investigated parameters were the rods curvature (± 10°), the implants position (± 3 mm) and orientation (± 5°) and the reduction of intervertebral stiffness at the osteotomized levels (± 25% of the initial value). On average, the tested configurations gave the same values of thoracic kyphosis compared to the initial simulations. They also produced higher levels of loads, but didn’t change the conclusions of the study.
The present work represents an original contribution because it’s the first study of this type to have biomechanically modeled and simulated a spinal surgery with osteotomies using a personalized model of the spine. Nevertheless, only one type of instrumentation was tested for every patient and it would be pertinent to analyze the influence of rods material and diameter as well as different types of implants. Moreover, the model was evaluated only in the upright position under gravitational forces and the effect of functional loadings was not investigated. Lastly, the muscular forces, which contribute to the stability of the spine, weren’t modeled and they should be included because they may influence the charge repartition between the spine and instrumentation. Despite the limits and approximations, the developed flexible multi-body model allowed reproducing the postoperative correction given by the osteotomies and the surgical procedure. This study has shown that the three alternative strategies with PO and PSO produced the same amount of effort in the instrumentation, but varied the distribution of the vertebral compressive charges (the PSO being the technique that generated the least intervertebral efforts). To further improve the knowledge of osteotomies biomechanics within the instrumented spine, other elements should be added to the analysis such as the effect of functional loadings, different implants types as well as materials and diameters of rods.