Pour maintenir une posture érigée minimisant les dépenses énergétiques, l’alignement de la colonne vertébrale dans le plan sagittal est d’une grande importance. Dans le contexte des déformations de la colonne vertébrale chez l'adulte, un mauvais alignement dans le plan sagittal demande une dépense énergétique plus élevée et est associé à la douleur et à une perte de fonction. Le maintien d'une posture érigée dans de telles conditions implique une activation accrue des muscles du tronc et l'utilisation de mécanismes compensatoires pour contrebalancer le débalancement antérieur du haut du corps. L'instrumentation chirurgicale est indiquée chez les patients souffrant de grandes douleurs et de handicaps lorsque les traitements non chirurgicaux ne sont plus suffisants. Cette procédure consiste à insérer des vis dans les pédicules des vertèbres et à redresser la colonne vertébrale à l’aide de tiges métalliques, ce qui conduit à la fusion permanente de la colonne vertébrale. Pour la correction de déformations importantes et manquant de flexibilité dans le plan sagittal, l'ostéotomie de soustraction pédiculaire (OSP) est une procédure souvent utilisée pour rétablir le profil sagittal normal de la colonne lombaire. Cette technique implique la résection des éléments postérieurs de la vertèbre ainsi qu’un coin d’os dans le corps vertébral pour créer une forte angulation de la colonne vertébrale. C'est une procédure très exigeante en raison des risques de complications mécaniques. De nombreux facteurs de risque ayant une incidence sur les taux de complications mécaniques après une instrumentation chirurgicale avec OSP ont été identifiés dans le cadre d’études cliniques. Les patients ayant eu des complications mécaniques avaient reçu une correction significativement plus grande de l’axe vertical sagittal, un cintrage plus grand des tiges dans le plan sagittal et une ostéotomie réalisée à un niveau plus caudal. Il a également été démontré que jusqu'à 40% des patients gardaient un alignement sagittal antérieur après une chirurgie avec OSP et qu'un alignement sagittal non neutre était associé à des taux plus élevés de révision chirurgicale. Même si des objectifs chirurgicaux globaux ont été définis avec la classification SRS-Schwab pour la correction du déséquilibre sagittal, la stratégie chirurgicale optimale spécifique au patient reste mal définie. En outre, malgré les études cliniques et biomécaniques, les relations entre les contraintes mécaniques dans l'instrumentation et les différents paramètres de correction dans le plan sagittal (degré de correction sagittale par variation de l'angle de l’OSP et de l'angle de cintrage des tiges, niveau vertébral de l’OSP et nombre de tiges) sont encore mal comprises. Les connaissances biomécaniques sur les facteurs de risque et leurs effets sur les complications mécaniques liées aux OSP telles que le bris des tiges sont encore vlimitées et une meilleure compréhension de l'impact biomécanique des OSP pourrait être un excellent outil pour aider les chirurgiens dans leur planification préopératoire de la correction du déséquilibre sagittal.
Ce projet vise donc à répondre à la question de recherche suivante : « Comment l’angle de résection de l’OSP, le cintrage des tiges, le niveau vertébral de l’OSP et le nombre de tiges impactent-ils biomécaniquement la correction de l’équilibre sagittal et les forces dans l’instrumentation, et comment doivent-ils être ajustés pour réduire les risques de défaillance mécanique dans le contexte des difformités de la colonne vertébrale chez l’adulte? »
Pour répondre à la question de recherche, les objectifs suivants ont été définis :
Un modèle biomécanique multi-corps flexible de la colonne vertébrale spécifique au patient a été développé pour simuler la chirurgie d'instrumentation avec OSP pour la correction des déformations dans le plan sagittal chez l’adulte. Les vertèbres et le bassin étaient considérés comme des corps rigides. Ceux-ci étaient reliés par des ressorts à 6 dimensions représentant les disques intervertébraux, les ligaments et les facettes dont les propriétés mécaniques étaient issues de la littérature. Les vis pédiculaires, les tiges et les manœuvres chirurgicales ont finalement été modélisées pour chaque cas.
Le modèle biomécanique a ensuite été intégré à une plateforme de simulation. Cette plateforme de simulation permet de définir graphiquement les principales étapes de la planification chirurgicale telles que différentes configurations d'ostéotomies et de paramètres d'instrumentation. Plusieurs scénarios chirurgicaux ont été simulés afin de comparer relativement les différentes stratégies en termes de correction géométrique et des efforts dans la colonne instrumentée.
Enfin, le modèle biomécanique et la plateforme de simulation ont été utilisés pour simuler les chirurgies d’instrumentation de trois patients adultes ayant un déséquilibre sagittal fixe avec OSP dans la région lombaire. L'instrumentation réelle a été simulée pour vérifier le modèle, puis trois paramètres ont été simulés en alternance : la quantité de correction sagittale en variant l'angle de résection de l’OSP et l'angle de cintrage des tiges (± 7.5°), le niveau vertébral de l’OSP (± 1 niveau) ainsi que le nombre de tiges (2 vs 4). Les différents scénarios chirurgicaux ont ensuite été comparés sur la base de trois variables biomécaniques : forces axiales dans les vis pédiculaires, moments de flexion dans les tiges et les forces de compression vertébrale. Ces variables ont été plus spécifiquement étudiées près du niveau de l’OSP, où la plupart des complications mécaniques sont rapportées.
Dans les trois cas, la différence maximale entre l'instrumentation chirurgicale simulée et réelle était inférieure à 4° pour les courbes sagittales et coronales et inférieure à 8 mm pour la distance de l’axe vertical sagittal (SVA), valeurs inférieures ou égales au seuil défini par la variabilité intra et interobservateur. L'augmentation (ou la diminution) de l'angle de résection de l’OSP de 7.5°, concomitamment au cintrage des tiges, a modifié la force axiale moyenne dans les vis de + 38% (- 19%) et les moments de flexion des tiges de + 28% (-11%) autour de l’OSP, respectivement. Les moments de flexion dans les tiges étaient inférieurs de 31% au site de l’OSP pour une OSP performée à un niveau supérieur et de 20% supérieurs pour l’OSP à un niveau inférieur. L'ajout de tiges satellites a diminué les moments de flexion dans les tiges de 24% au niveau de l'OSP et les forces axiales moyennes dans les vis de 22% autour de l'OSP. Pour tous les paramètres étudiés, aucune tendance particulière n’a été trouvée pour les forces de compression vertébrale. Enfin, une étude de sensibilité a été réalisée pour évaluer l’effet sur les résultats de cette étude des paramètres dont les valeurs étaient incertaines. L'angle de résection de l’OSP (± 1.5°), la rigidité intervertébrale (± 15%) et la rétroversion pelvienne postopératoire (± 5°) ont été étudiés. La différence de pourcentage relative des efforts dans la colonne vertébrale instrumentée pour différents degrés de correction sagittale a été évaluée pour tous ces paramètres (<6% pour l'angle de résection de l’OSP, <7.8% pour la rigidité intervertébrale et <5% pour la rétroversion pelvienne postopératoire) et il a été constaté que les résultats de cette étude n'étaient pas affectés.
En conclusion, au cours de ce projet de maîtrise, un modèle biomécanique de la colonne vertébrale simulant la chirurgie instrumentée pour la correction de l’alignement sagittal a été développé. Ce modèle biomécanique a ensuite été intégré à une plateforme de simulation afin de planifier les principales étapes de la chirurgie. Enfin, les effets biomécaniques de différents paramètres de correction sagittale et d'instrumentation sur les charges supportées par la colonne vertébrale et l'instrumentation ont été évalués. Une correction sagittale plus importante grâce à l'angle de résection de l’OSP et au cintrage des tiges a entraîné des forces axiales plus élevées dans les vis et des moments de flexion sagittaux dans les tiges au niveau de l’OSP. L’OSP réalisée à un niveau plus caudal était associée à des moments plus élevés soutenus par les tiges au niveau de l’OSP. L'utilisation d’instrumentation à 4 tiges a permis de réduire les charges exercées sur les vis et les tiges, réduisant ainsi potentiellement les risques de défaillance mécanique. Les connaissances acquises grâce à ce projet peuvent aider à mieux comprendre les différents facteurs de risque de complications mécaniques après une OSP et, éventuellement, aider les chirurgiens dans leur planification préopératoire de la correction du déséquilibre sagittal.
To maintain an erect posture minimizing energy expenditure, the alignment of the spine in the sagittal plane is of great importance. In adult spine deformity (ASD), sagittal misalignment requires higher energy expenditure and is associated with pain and loss of function. Maintaining an erect posture in such conditions involves increased trunk muscles activation and the use of compensatory mechanisms to counter balance the shift of the upper body. Surgical instrumentation is indicated for patients with high pain and disabilities when non-surgical treatments are not sufficient. This procedure consists in inserting screws in the pedicles of the vertebrae and straightening the spine with metal rods connected to the pedicle screws, leading subsequently to the permanent fusion of the spine. For the correction of large and rigid deformities in the sagittal plane, pedicle subtraction osteotomy (PSO) is a procedure used to restore normal sagittal profile of the lumbar spine.
This technique involves a wedge-shaped resection of the vertebral body along with all posterior elements of the vertebra to locally increase the lumbar lordosis. It is a highly demanding procedure due to the risks of mechanical complications. Patients with mechanical complications after PSO had a significantly greater correction of the sagittal vertical axis, higher sagittal contour of the rods, and osteotomy performed at a more caudal level.
It was also reported that up to 40% of patients kept an anterior sagittal alignment after surgery with PSO and a non-neutral sagittal alignment is associated with higher rates of revision surgery. Even though global surgical objectives have been defined through the SRS-Schwab ASD classification for the correction of sagittal imbalance, patient-specific optimal surgical strategy is still poorly defined. Also, despite clinical and biomechanical investigations, relations between stresses in the instrumentation and different sagittal correction parameters (amount of sagittal correction through varying PSO wedge angle and rod sagittal contouring angle, vertebral level of the PSO and number of rods) is still not well understood. Biomechanical knowledge of the reported risk factors and their effects on mechanical complications related to PSO such as rod breakage are still limited and a better understanding of the PSO’s biomechanical impact could be a great tool to assist surgeons in their preoperative planning of sagittal imbalance correction.
Therefore, this project aims to address the following research question: « How do PSO resection angle, rod curvature, vertebral level of the PSO, and number of rods biomechanically impact the correction of sagittal balance and loads in the construct, and how should they be adjusted to reduce the risks of mechanical failure in adult spinal deformity? »
To answer the research question, the following objectives were defined:
A patient-specific multi-body biomechanical model of the spine was developed to simulate the instrumentation surgery for sagittal correction of ASD with PSO. The vertebrae and pelvis were considered as rigid bodies. They were connected by 6-dimensional springs representing intervertebral discs, ligaments and facets and mechanical properties were derived from the literature. The pedicle screws, rods and surgical maneuvers were finally modeled for each case.
The biomechanical model was then integrated into a simulation platform. This simulation platform allowed us to graphically define the main steps of surgical planning such as different configurations of osteotomies and instrumentation parameters. Multiple surgical scenarios may be simulated with the help of the biomechanical model to relatively compare different strategies in terms of geometrical and biomechanical outputs.
Finally, the biomechanical model and simulation platform were used to simulate three adult patient surgeries for fixed sagittal imbalance with PSO at L2 or L3. The actual instrumentation was simulated to verify the model, and then three parameters were alternately simulated: amount of sagittal correction through varying the PSO wedge angle and rod sagittal contouring angle (± 7.5°), vertebral level of the PSO (± 1 level) and number of rods (2 vs. 4). The different surgical scenarios were then compared on the basis of three biomechanical variables: axial forces in the pedicle screws, bending moments in the rods and vertebral compressive forces. These variables were more specifically studied near the PSO level, where most of the mechanical complications have been shown to happen.
For the three cases, the maximum difference between simulated and actual surgical instrumentation was below 4° for sagittal and coronal curves and below 8 mm for SVA, which are under or equal to the threshold defined by the intra- and inter-observer variability. Increasing (or decreasing) the PSO wedge angle by 7.5°, concomitantly to the sagittal rod contour, modified the average screw axial force by +38% (-19%) and the rods bending moments by +28% (-11%) around the PSO, respectively. The bending moments in the rods were 31% lower at the PSO site for a PSO done one level above, and 20% higher for a level below. The addition of satellite rods lowered the bending moments in the rods by 24% at PSO level and lowered the average screw axial force around the PSO by 22%. For all the sagittal correction parameters, no particular trend was found for the vertebral compressive forces. Finally, a sensitivity study was performed to assess the effect of parameters whose values were uncertain on the findings of this study. PSO wedge angle (±1.5°), intervertebral stiffness (±15%) and postoperative pelvic tilt (PT) (±5°) were investigated. Relative percentage difference of the loads in the instrumented spine for different degrees of sagittal correction was evaluated for all those parameters (<6% for PSO wedge angle, <7.8% for intervertebral stiffness and <5% for postoperative PT) and it was found that the conclusions of this study were not affected.
In conclusion, during this master’s project, a biomechanical model of the spine to simulate the instrumentation surgery for the correction of sagittal alignment was developed. This biomechanical model was then integrated into a simulation platform to easily plan the major steps of the surgery. Finally, the biomechanical effects of different sagittal correction and instrumentation parameters on the loads sustained by the spine and instrumentation was assessed. Larger sagittal correction through PSO wedge angle and sagittal rod contour resulted in higher screw axial forces and sagittal bending moments in the rods at the level of the PSO. PSO performed at a more caudal level was associated with higher moments sustained by the rods at the PSO level. Using 4-rod constructs reduced the loads sustained by the implants and the rods, thus potentially reducing the risks of mechanical failure. The knowledge acquired from this project may help better understand the different risk factors of mechanical complications after PSO and eventually help to assist surgeons in their preoperative planning of sagittal imbalance correction.