Le système neuro-musculo-squelettique a fait l'objet de nombreux travaux de modélisation autant au niveau du mécanisme de contraction et de recrutement des muscles qu'au niveau de la redondance et des caractéristiques des stratégies de recrutement. Afin d'étudier les problématiques liées aux troubles musculo-squelettiques du rachis, des chercheurs ont développé des modèles biomécaniques dont certains ont été utilisés pour l'étude de la scoliose idiopathique et les lombalgies. Toutefois, peu intègrent adéquatement le comportement structural et neurophysiologique du contrôle moteur et la majorité utilise des approches heuristiques explicites dans le processus de solution. Par conséquent, ce projet porte sur le développement de la modélisation du contrôle neural d'un modèle biomécanique du tronc utilisant la méthode des éléments finis afin de permettre l'étude des troubles musculo-squelettiques.
Les objectifs spécifiques de ce projet ont consisté à (1) raffiner la modélisation des muscles du modèle par éléments finis, (2) étudier et comparer les caractéristiques des stratégies de recrutement musculaire et du processus de génération des commandes motrices obtenues des simulations de mouvements volontaires chez des sujets sains et pathologiques, et (3) intégrer une technique d'apprentissage supervisé basée sur les réseaux neuronaux pour la prédiction des commandes motrices nécessaires aux simulations de mouvements volontaires.
Le raffinement de la modélisation des muscles a consisté à intégrer dans le modèle le comportement mécanique non-linéaire observé expérimentalement lors de l'étirement d'un muscle. L'approximation du comportement mécanique utilisée dans la modélisation originale, basée sur une relation force-longueur bilinéaire de rigidité constante, ne permet pas de reproduire certaines caractéristiques importantes du recrutement musculaire observées expérimentalement. Ainsi, les propriétés mécaniques des faisceaux musculaires ont été redéfinies en tenant compte des caractéristiques individuelles de chacun d'eux afin de personnaliser leur rigidité, ceci en fonction de leur étirement et leur aire de section transverse. Ce travail a nécessité l'adaptation de résultats expérimentaux sur le λ retrouvés dans la littérature. L'intégration de ce raffinement a permis de modéliser la relation force-longueur des muscles selon une approximation multilinéaire et de représenter adéquatement l'augmentation de la rigidité musculaire en fonction de son niveau d'activation.
Une première étude a été menée à partir du modèle par éléments finis afin d'étudier les stratégies de recrutement musculaire et le processus de génération des commandes motrices chez un sujet sain. Suite à des simulations de mouvements de flexion et d'inflexion latérale, les corrélations entre les commandes motrices stipulées pour chaque muscle et la mobilité de différents segments du rachis ont été calculées et comparées pour des simulations avec et sans l'application du chargement dû à la gravité. Contrairement au raisonnement intuitif, de fortes corrélations linéaires ont été obtenues. Ces relations sont statistiquement différentes et plus faibles pour les simulations en présence de la gravité. Les résultats des simulations démontrent que les modifications des commandes centrales lors du mouvement seraient un phénomène linéaire (monotonique). Toutefois, sous l'influence du chargement gravitaire, des signaux différents, seraient nécessaires à l'exécution de tâches motrices. Les résultats appuient également l'hypothèse que la redondance du système musculo-squelettique ne constitue pas un problème d'indétermination pour le système nerveux central mais plutôt une caractéristique dont il tire profit afin d'assurer un contrôle plus précis du mouvement.
La méthodologie utilisée lors de cette première étude a été appliquée ensuite à l'investigation des stratégies de recrutement musculaire et du contrôle moteur des sujets scoliotiques. Des simulations de tests d'inflexion latérale ont été effectuées afin de comparer les relations entre les commandes motrices des muscles et la mobilité des segments du rachis avec celles obtenues pour les sujets sains. L'analyse qualitative des stratégies de recrutement simulées a permis d'observer des différences de recrutement au niveau des muscles paraspinaux. De plus, des différences significatives ont été observées pour la génération des commandes motrices par rapport aux sujets sains, notamment au niveau des muscles près de l'apex de la déformation scoliotique. Ces résultats suggèrent qu'il existe un désordre au niveau du contrôle moteur des patients scoliotiques et qu'il s'agirait d'un phénomène localisé au niveau de l'apex de la déformation.
Considérant les précédents résultats obtenus à partir d'une approche heuristique, une technique d'apprentissage a été intégrée au modèle biomécanique afin de prédire implicitement les commandes motrices. Ainsi, un réseau neuronal a été utilisé afin d'introduire une capacité d'apprentissage et d'adaptation au modèle de contrôle moteur permettant la prédiction des commandes centrales du modèle λ à partir d'informations cinématiques du mouvement à simuler. Suivant l'intégration d'un réseau de type multicouche, il a été possible de prédire adéquatement les niveaux d'activation musculaire pour la simulation de mouvements de flexion et d'inflexion latérale à partir de données cinématiques simulées et expérimentales d'un sujet sain.
Les travaux effectués dans le cadre de ce projet ont démontré la faisabilité d'étudier la problématique de troubles musculo-squelettiques à partir d'un modèle biomécanique du tronc selon une approche quasi-statique. De plus il a été montré que le processus de génération des commandes motrices était complexe et laborieux à gérer à l'aide d'une technique heuristique explicite lorsque différents mouvements et déformations du rachis sont considérés. Cet outil peut servir à l'investigation et au diagnostic des désordres du rachis en complément aux études expérimentales puisqu'il constitue une technique non- invasive n'étant pas basée sur l'activité EMG. De plus, l'utilisation des réseaux de neurones permet de grandes possibilités, notamment au niveau de l'étude des stratégies de recrutement musculaire spécifiques à des pathologies et des patrons cinématiques anormaux impliqués dans plusieurs désordres du rachis.
The neuro-musculo-skeletal system has been the subject of many works, such as the modeling of the mechanism of contraction and recruitment of the muscles or such as the study of the redundancy problem and the characteristics of the recruitment strategies. In order to address musculo-skeletal disorders of the trunk, many researchers have developed biomechanical models of which some were used for the study of idiopathic scoliosis and low back pain. However, few integrate adequately the structural and neurophysiological behavior of motor control and most of them use heuristic approaches in the solution process. Consequently, this project intends to develop the modeling of motor control of a biomechanical model of the trunk using the finite element method in order to study musculo-skeletal disorders.
The specific objectives of this project consist to: (1) refine the muscle modeling of the finite element model; (2) study and compare the characteristics of muscular recruitment strategies and the process of generation of motor commands obtained from simulation of voluntary movements for healthy and pathological subjects; (3) integrate into the biomechanical model of the trunk a learning technique for the prediction of motor commands necessary to the simulation voluntary movements.
Refinements of the muscle modeling consisted in representing the non-linear mechanical behavior as observed in experiments of muscle stretching. Indeed, the approximation of the mechanical behavior used in the original modeling, based on a bilinear relation force-length of constant stiffness, does not reproduce certain significant characteristics observed for muscular recruitment. Thus, the mechanical properties of the muscular fascicules were redefined by taking account the individual characteristics of each one (rigidity, stretching and cross-section area). This work required the adaptation of experimental results on the principles of the model λ found in the literature. The integration of this refinement allowed to model the force-length relation of the muscles according to a multilinear approximation and to represent the increase in muscular stiffness according to its level of activation
A first study was undertaken with the finite element model in order to study the muscular recruitment strategies and the process of generation of the motor commands for healthy subjects. Simulations of lateral bending and anterior flexion were made and the correlations between the motor commands for each muscle and the mobility of various segments of the spine were calculated and compared with and without the application of the gravitation loading. Strong linear correlations were obtained and these relations were statistically different and weaker for simulations with gravity. The results of simulations show that the modification of the central commands at the time of the movement is a linear phenomenon (monotonic). However, under the influence of gravity, different and more complex signals are necessary for the execution of motor tasks. The results also support the assumption that the redundancy of the musculo- skeletal system does not constitute an indeterminate problem for the central nervous system but rather a characteristic of which it benefits in order to ensure a more precise control of the movement.
This methodology was then applied for the investigation of the muscular recruitment strategies and the process of generation of motor commands of scoliotic subjects. Simulations of lateral bending tests were carried out from whom the relations between the motor commands and the mobility of the spinal segments were assessed. Differences in recruitment strategies were observed between healthy and scoliotic subjects, especially for the paraspinal muscles. Moreover, significant differences were observed for the generation of the motor commands compared to the healthy subjects, in particular for the muscles close to the apex of the scoliotic deformation. These results suggest that there is a disorder of the motor control in scoliotic subjects and that it is a phenomenon located at the apex of the scoliotic deformation.
Considering these results obtained with a heuristic approach, a learning technique was integrated into the biomechanical model in order to predict the motor commands implicitly. Thus an artificial neural network was used to introduce learning and adaptation capacity into the model of motor control allowing the prediction of the central commands of the model λ from the kinematics of the movement to be simulated. With the integration of a multilayer network, it has been possible to adequately predict the muscular levels of activation for the simulation of flexion and lateral bending movements from simulated and experimental kinematics data of a healthy subject.
The work carried out within the framework of this project proved feasibility to address the problems of musculo-skeletal disorders using a biomechanical model of the trunk. Moreover it was shown that the process of generation of the motor commands was complex to manage using an explicit heuristic technique when various movements and pathologies are considered. This tool can be used for the investigation and diagnostic of spinal disorders in complement of experimental studies since it constitutes a non- invasive technique not being based on EMG activity. The use of the neural networks allows great possibilities, in particular for the study of the muscular recruitment strategies and abnormal kinematics implied in several spinal disorders.