La scoliose est une pathologie qui cause une déformation tridimensionnelle de la colonne vertébrale et de la cage thoracique. Elle peut être d’origine congénitale, neuromusculaire ou dite idiopathique (de cause inconnue). Cette maladie apparait généralement durant l’adolescence et les cas dits « évolutifs » touchent à 90% les filles. La scoliose idiopathique adolescente a une prévalence de 3% à 5% et environ 10% des patients nécessiteront un traitement. Pour des déformations sévères, le principal traitement utilisé est la correction par instrumentation, en général par abord postérieur. Des vis sont alors insérées dans les vertèbres, à travers les pédicules. Elles servent de lien pour appliquer des manœuvres chirurgicales de correction afin d’aligner la colonne dans le plan coronal et transverse, et restaurer les courbes dans le plan sagittal. Des tiges d’instrumentation sont fixées aux vis pour maintenir la correction du rachis. L’objectif des implants est, à court terme, de permettre l’application des manœuvres de correction et de maintenir la correction des déformations scoliotiques et, à long-terme, de rigidifier et stabiliser le rachis par une fusion osseuse. Les vis pédiculaires subissent des efforts importants et variables en intensité et direction tout au long de leur utilisation, ce qui peut entrainer des microfractures ou un déchaussement partiel ou total pendant les manœuvres et en période postopératoire, menant à des risques de défaillance. Un bon ancrage biomécanique des vis pédiculaires dans les vertèbres est donc nécessaire pour assurer une correction sécuritaire et durable.
L’ancrage biomécanique des vis pédiculaires dépend de paramètres intrinsèques de la vertèbre (forme et taille des vertèbres, densité et distribution osseuse), donc du patient, mais aussi des techniques chirurgicales d’insertion des vis, comme le choix de la trajectoire d’insertion ou le quantité d’os enlevé au point d’insertion des vis. Toutefois, le design des vis (forme de filets, type de filetage) et le choix de la dimension des implants et de la technique d’insertion (préparation du point d’entrée, diamètre du taraudage ou trajectoire d’insertion) reposent encore principalement sur des principes empiriques et sur l’expérience des chirurgiens. Un certain nombre d’études expérimentales ont permis de déterminer les effets des paramètres les plus importants, mais de par l’aspect destructif et la forte variabilité expérimentale des tests, peu tests expérimentaux pour l’évaluation de la performance d’ancrage des vis pédiculaires se font traditionnellement avec des tests standards d’arrachement via des forces appliquées axialement à la vis, mais cela ne représente qu’un sous-ensemble des forces que les vis pédiculaires subissent lors des manœuvres chirurgicales ou après l’intervention durant des mouvements fonctionnels. L’étude du comportement des vis pédiculaires sous chargements non-axiaux n’est pas standardisée ce qui rend complexe la comparaison des différentes études antérieures. Plusieurs équipes ont étudié le comportement des vis pédiculaires en utilisant la méthode de modélisation par éléments finis. Néanmoins, il n'existe pour l'instant pas de modèle pouvant représenter avec détail le comportement de vis pédiculaires, des structures osseuses et de l'interface de contact lors de sollicitations intraopératoires.
L’objectif général de ce projet doctoral est d’étudier l'influence des choix chirurgicaux et des variations morphologiques des vertèbres sur l'ancrage biomécanique des vis pédiculaires. L’hypothèse que nous souhaitons vérifier est que les paramètres relatifs à la condition physiopathologique du patient et les choix des chirurgiens influencent de façon significative (p<0.05) l'ancrage biomécanique de la vis pédiculaire. Pour cela, nous avons fait le choix de combiner une modélisation détaillée de l’interaction vis-vertèbre à l’acquisition de données expérimentales indispensables pour valider les outils de simulation.
Un modèle par élément finis d’une vertèbre L3 a été développé pour représenter de manière réaliste et détaillée l’interface de contact entre la vis et la vertèbre, incluant une répartition fine des structures osseuses (trabéculaire et corticale) et des propriétés des matériaux élastoplastiques simulant la rupture osseuse. Des simulations de tests d’arrachement axial ont été réalisées afin de déterminer les effets de deux trajectoires d’insertion, deux diamètres de vis, deux longueurs de vis et deux types de filetage. L’étude a permis de montrer que le diamètre des vis a un effet prédominant par rapport aux autres facteurs sur la performance d’ancrage des vis. La meilleure trajectoire d’insertion a été celle qui favorise la proximité avec les parois corticales latérales du pédicule et du corps vertébral. Les vis à filets simples ont eu un meilleur ancrage que les vis à filets doubles. Les profils de fractures étaient tous semblables, avec des ruptures initiales en pointe de vis se propageant le long des vis jusqu’à l’arrachement complet.
L’importance de paramètres spécifiques au patient et liés aux choix chirurgicaux sur la qualité de l’ancrage a été évaluée numériquement en considérant des chargements axiaux et non-axiaux. Les paramètres ainsi étudiés ont été : l’épaisseur de l’os cortical (5e, 50e ou 95e percentile), le niveau vertébral (T3 ou T8), la qualité osseuse (normale ou ostéoporotique), le diamètre des vis pédiculaires (5.5 ou 6.5 mm), l’engagement osseux des vis (unicortical ou bicortical) et enfin la taille de l’élargissement du point d’entrée (EPE) (os cortical intact, EPE minimal et EPE large). Le diamètre des vis avait un effet prédominant (pour une vis 6.5 mm comparé à 5.5 mm, augmentation de 30-35% en raideur initiale et force à l’arrachement dans toutes les directions) dans toutes les directions de chargement. Globalement, l’os cortical était également un paramètre clé dans l’ancrage biomécanique des vis pédiculaires. Cette étude a permis de montrer qu’une baisse globale de densité osseuse de 20% (correspondant à un passage d’une densité normale à une densité ostéoporotique) conduit à une baisse de 30% en raideur initiale et baisse de 20% en force à l’arrachement dans toutes les directions de chargements. Néanmoins, la densité osseuse ne semblait pas être un facteur prédominent dans l’ancrage des vis pédiculaires puisque le diamètre des vis avait des effets supérieurs (+35% sur la force à la rupture).
L’analyse de l’insertion d’une vis dans un trou pré-taraudé d’un diamètre inférieur à celui de la vis a finalement été réalisée numériquement. Deux aspects des phénomènes se produisant lors de l’insertion des vis pédiculaire ont été simulés. Une première simulation d’insertion a été effectuée en insérant les 4 premiers filets de la vis dans un prétaraudage de diamètre de 1 mm inférieur à celui de la vis et en appliquant ensuite un moment autour de l’axe de la vis. L’autre type de simulation a été effectué par une expansion radiale d’un mm d’une vis virtuelle pour atteindre l’équilibre à sa dimension et position finale réelles. L’analyse des contraintes et des forces de contact a montré que les zones d’os trabéculaire entre les filets des vis ou des parois de l’os cortical atteignent des niveaux proches de la limite en déformations et des fractures initiales apparaissent. Des effets irréversibles de fracture osseuse et de précontraintes ont été observés, pouvant conduire à des risques de défaillances lors de chargements subséquents sur la vis. Les zones les plus déformées se trouvent aux alentours de la pointe de vis et dans le canal pédiculaire. Le modèle a également permis de montrer que les champs de contraintes générées par des vis de plus grands diamètres produisent plus de zones de concentration de contraintes et d’initiation de fractures. De plus, le design des vis à profil cylindrique et à simple filetage produisaient un champ de contraintes plus uniforme et moins de zones d’initiation de fractures.
Un second volet du travail a permis de caractériser expérimentalement le comportement des vis pédiculaires thoracique lors de chargements non axiaux. Les expériences ont été effectuées sur 12 vertèbres cadavériques où deux types de filetage (filets simples ou doubles), deux points d'insertion (médial ou latéral), deux trajectoires d'insertion (horizontale ou oblique) et deux types de chargements (latéral ou crânial) ont été testés pour un total de 24 expériences. Les vis ont été soumises à 4 chargements sinusoïdaux cycliques de 0 à 400N. Les résultats ont montré que le premier cycle de chargement entraînait une forte déformation osseuse (déplacement moyen de la tête de vis de 0.79 mm), qui ensuite s’accumulait progressivement au cours des cycles suivant pour atteindre 1.75 mm de déplacement de la tête de vis en moyenne. Ce phénomène de tassement osseux et de cumul des déformations permanentes est susceptible d’avoir un impact sur la tenue des vis, car il peut conduire à la déformation limite et rupture de l'os. Les chargements latéraux induisaient une déformation osseuse plus importante et plus de risques de déchaussement de vis que les chargements crâniaux. Les vis à filets doubles ont montré une raideur initiale supérieure à celle des vis à filets simples.
Les résultats générés dans cette thèse ont permis de confirmer que des paramètres relatifs à la condition physiopathologique du patient (densité osseuse et épaisseur de l’os cortical) et aux choix des chirurgiens (diamètre et longueur des vis, design de vis, trajectoire d’insertion et quantité d’os cortical rongé à l’insertion) influencent de façon significative (p<0.05) l'ancrage biomécanique de la vis pédiculaire. Néanmoins, l’ensemble des études a été effectué basé sur un modèle générique. Chaque patient a des spécificités géométriques et des qualités osseuses propres pouvant avoir des effets sur l’ancrage biomécanique et les choix préopératoires. Les chalenges pour les prochaines années seraient de se diriger vers une approche de personnalisation des simulations tenant en compte des spécificités de chaque patient.
Ce projet doctoral propose un modèle par éléments finis original et innovant prenant en compte l’interface de contact entre les structures osseuses et un comportement élastoplastique avec modélisation de la fracture osseuse pour décrire la biomécanique de l’interaction vis- pédiculaire/vertèbre. De plus, ce projet a également permis de proposer un protocole et une méthode d’analyse pour l’étude de vis pédiculaires sous chargements non-axiaux. Les connaissances développées au cours de ce projet doctoral ont permis de fournir des recommandations pratiques pour les cliniciens ainsi que les développeurs d’implants biomédicaux, autant sur les futurs choix de design des vis pédiculaires que les choix de vis et leur placement afin d’obtenir un meilleur ancrage. À long terme, le modèle pourrait être adapté pour analyser plus en détail les caractéristiques spécifiques du patient et être utilisé comme une formation virtuelle ou d'un outil de planification préopératoire.
Scoliosis is a pathology that causes a three-dimensional deformation of the spine and rib cage. This disease usually appears during adolescence and “large progression” cases affect females 90% of the time. Adolescent idiopathic scoliosis has a prevalence of 3% to 5%, and around 10% of patients require a treatment. For severe spinal deformities, the main treatment is to surgically correct the spine by instrumentation. Screws are inserted into the vertebrae through the pedicles and are used to apply surgical maneuvers in order to align the column, after which instrumentation rods are attached to stabilize the spine. The short-term goals are to reduce the spinal curvature; the long-term goals are to stiffen the spine and promote arthrodesis. The pedicle screws undergo significant and variable forces during correction maneuvers and also after surgery while the patient undergoes functional movements, which can cause partial or total loosening of the screw construct. A strong connection between the screws and vertebrae is needed to ensure a safe correction.
The biomechanical anchorage of pedicle screws depends on the intrinsic parameters of the vertebrae (shape and size of the vertebrae, bone density and bone distribution), but also on the surgical insertion techniques of screws such as the trajectory or amount of bone removed at the insertion point. However, the design (thread design and type), the choice of the size of the implants, and insertion technique (preparation of the entry point, the diameter or tapping diameter) still depend on empirical principles and on the surgeon’s experience. Many studies have determined the effects of the main parameters affecting the pedicle screw anchorage, but due to the destructive aspects and the high experimental variability, only a few were able to compare relevant parameters. Moreover, most experimental tests are done with axial pullout forces, which do not fully represent the possible forces that are applied on the screws during surgical maneuvers or postoperatively. Non-axial loading tests are yet not standardized, which makes comparison between studies more complex. Many studies have investigated pedicle screw behaviour using finite element modelling. However, there is currently no model refined enough that can represent in detail the behaviour of pedicle screws, bone structures, and the contact interface during intraoperative loadings.
The overall objective of this doctoral project is to study the influence of surgical choices and morphological variations of vertebrae on the anchorage of pedicle screws. The investigated hypothesis is that the parameters relative to the patient and to a surgeon’s choices significantly affect (p<0.05) the biomechanical anchorage of pedicle screws. A combined approach of detail numerical modeling of the screw bone interaction and experimental tests has been used.
A first biomechanical analysis on an L3 vertebra model was first carried out. A finite element model of a vertebra was developed to realistically represent the contact interface between the screw and the vertebra, including a detailed distribution of bone structures (cortical and trabecular) with elastoplastic material properties simulating bone failure. Axial pullout tests were performed in order to determine the effect of two insertion trajectories, two screw diameters, two screw lengths, and two thread types. This study showed that the screw diameter is the predominant factor affecting pedicle screw anchorage performance. The best insertion trajectory was the one promoting the proximity to the lateral cortical wall of the pedicle and vertebral body. The single-threaded screw showed a better anchorage compared to the dual-thread screw. The failure patterns were all similar, with initial fractures around the screw tip, which then propagated along the screw shaft until total pullout.
The effects of patient-specific parameters (thickness of the cortical bone (5th, 50th or 95th percentile), vertebral level (T3 or T8), and bone density (normal or osteoporotic)) and parameters related to surgical choices (pedicle screw diameter (5.5 or 6.5 mm), bone engagement scenarios (unicortical or bicortical), and size entry point enlargement (EPE) (no, small and large EPE)) on screw anchorage performance under axial and non-axial loading conditions were assessed using the same finite element model. The screw diameter was the predominant factor for screw anchorage for all loading directions (increase of 30-35% in initial stiffness and force to failure for a 6.5 mm screw compared to a 5.5 mm screw). Overall, the cortical bone was also a key parameter in the biomechanical anchorage of pedicle screws. This study also showed that a 20% bone density decrease (corresponding to a transition from a normal density to an osteoporotic density) leads to a 30% decrease in initial stiffness and 20% decline in strength to pulling loads in all directions. However, the bone density was not the predominant factor as the screw diameter had superior effects on the pedicle screw anchorage (35% increase of the force to failure).
The effects of the insertion of a screw into a pre-tapped hole of a smaller diameter than the screw were analyzed. The model was adapted to simulate two aspects of the phenomena occurring during the insertion of the pedicle screw. A first simulation was performed by placing the first 4 threads of the screw in a pre-tapped hole of a diameter of 1 mm below the screw and a moment around the axis of the screw was applied at the screw head to simulate the screw insertion. A second simulation was performed by applying a 1 mm axial expansion on a smaller already inserted initial screw. The stress and contact force analysis showed that the trabecular bone area in between screw threads or the cortical wall reach stress levels close to the failure limit, and early fractures occurred. Irreversible effects of bone failure and pre-stress were observed, which could lead to weaker areas after subsequent loads on the screw. The most deformed areas and constraints were around the screw tip and in the pedicle channel, and when using 6.5 mm screw diameter. The most strained area was located around the screw tip and in the pedicle isthmus. The model also demonstrated that the stress fields generated by screws with larger diameters produced more stress concentration zones and initiated more bone fractures. In addition, cylindrical profile and single-thread designs resulted in more uniform stress distribution and fewer early fracture zones.
An experimental characterization of thoracic pedicle screw behavior under non-axial loading conditions was also performed. The experiments were performed on 12 cadaveric vertebrae where two thread types (single or dual), two insertion points (medial or lateral), two insertion paths (horizontal or oblique), and two types of loads (lateral or cranial) were tested in a total of 24 experiments. The screws were loaded 4 sinewave cycles from 0 to 400N. The results showed that the first load cycle resulted in a high bone deformation (with an average screw head displacement of 0.79 mm), which then gradually accumulated in the following cycles to reach on average 1.75 mm in bone compaction. The bone compaction and accumulation of permanent deformations may lead to the deformation limit and early failure of the bone. The lateral loads induced higher bone deformation and a greater risk of screw loosening than the cranial loads. Dual-thread screws showed a higher initial stiffness than single-thread screws.
The findings of this thesis confirm that patient-specific parameters related to the spine (bone density, cortical bone thickness) and surgeon’s choices (screw diameter, length, screw design, insertion strategy and amount of cortical bone removed) significantly impact (p<0.05) the biomechanical anchorage of pedicle screws. However, the results were based on a generic model. Every patient has specific bone geometry and bone quality that can have effects on the anchorage of pedicle screws and preoperative choices. Future challenges would be to head towards a customization approach of the simulations to take into account each patient specificities.
This project enabled the development of an original comprehensive finite element model, which takes into account the contact interface between the screw and the bone structures, and includes elastoplastic material properties that can simulate bone failure. Moreover, this project also introduced an experimental protocol to investigate the behavior of pedicle screws under non-axial loadings. The numerical and experimental tools have made possible the characterization of pedicle screw pullout mechanism during axial loading. The developed knowledge provides industrial recommendations on future pedicle screw design choices and also and clinical recommendations on the screw choices and placements that would ensure a better anchorage. In the future, this tool could be used to assist preoperative planning and also be associated with a computer-assisted surgery system to treat customized and complex cases