Depuis que les charges et les déplacements excessifs sont identifiés comme des causes majeures des blessures de la colonne vertébrale soient d'ordre récréatif ou industriel, la connaissance des charges imposées sur les différents tissus spinaux est essentielle pour le développement effectif de programmes de prévention et de traitement. La limitation au niveau des méthodes de mesures in vivo a obligé les chercheurs à se tourner vers des techniques de modélisation biomécanique. Les études in vitro démontrent que la colonne seule (sans l'apport des muscles) subit le flambement sous l'application de faibles charges de compression (~20 N) suggérant que des analyses de stabilité mécanique de même que d’équilibre sont nécessaires pour étudier la tolérance limite de la colonne.
Les charges imposées sur la colonne s'estiment par des calculs de moments d'équilibre, à l'aide d'un diagramme de corps libre, considérant différentes charges: celles externes (comprenant la gravité) et internes produites par les muscles et les tissus passifs. Le problème majeur relié à ce type d'analyse est que le nombre de forces musculaires inconnues dépasse largement celui des équations d'équilibre. Deux approches peuvent contourner cette situation d'inégalité: des modèles utilisant soit l'optimisation soit les signaux d'électromyographie (‘EMG-assisted'). Une limitation importante dans ces modèles est que les muscles et les charges imposées s'estiment en considérant les conditions d'équilibre seulement sur une section au lieu de l'entièreté de la colonne. Cette réduction à une seule section engendre une violation des lois de l'équilibre dans les autres sections non considérées. En outre, aucune des études préalables n'a considéré les forces de contact entre les muscles thoraciques et la colonne: cette simplification peut engendrer une prédiction erronée de la modélisation du tronc durant la phase de grande flexion.
Récemment, une nouvelle approche a été développée par notre groupe: des valeurs cinématiques de la colonne mesurées expérimentalement sont appliquées sur un modèle numérique d'éléments finis non linéaires afin d'évaluer les forces musculaires et les charges internes ainsi que la stabilité. Cette approche a pour avantage de contraindre la cinématique de la colonne qui a été mesurée in vivo sous des charges externes et des forces musculaires. À chaque niveau de la colonne vertébrale une cinématique particulière est appliquée (rotation et/ou translation) ce qui génère une ou plusieurs) équation(s) d'équilibre additionnelle(s) entre les forces musculaires inconnues et les charges externes: réduisant ainsi la redondance des équations d'équilibre. Lorsque le nombre d'équations d'équilibre égale celui des forces musculaires inconnues, le système d'équations devient déterminé et peut être résolu mathématiquement. Une telle approche satisfait les conditions d'équilibre selon toutes les directions et pour l'ensemble des niveaux de la colonne et entraîne une réponse cinématique en concordance avec les forces externes, les forces musculaires et la résistance des tissus passifs. À ce jour, l'application de cette approche se limite pour des tâches de levage statique en position debout.
Dans la présente étude, cette approche sert à calculer les forces musculaires et les charges internes à différents niveaux de la colonne de même que la stabilité de celle-ci dans des tâches de levage dans lesquelles des flexions antérieures dans le plan sagittal du tronc sont réalisées. Il est bien reconnu dans la littérature que ces tâches sont des causes majeures de blessures lombaires. La cinématique de la colonne, la rotation du pelvis et la position d'une charge externe ont été enregistrés lors du protocole expérimental chez 15 sujets mâles sains. Des électrodes bipolaires de surface ont été placées symétriquement de chaque côté de la colonne afin de recueillir le signal EMG des muscles superficiels. Différentes postures (position debout, flexion du tronc de -40° ainsi que de -65%) en combinaison avec des postures lombaires variées (cyphotique, lordotique et libre) ont été considérées et ce sous l'application ou non d'une charge externe de 180 N posées dans les mains.
Un modèle symétrique de la colonne (selon l'axe sagittal) au niveau T1-S1 considérant 56 muscles a été développé. Les propriétés mécaniques non linéaires et dépendantes de la direction des segments T12-S1 sont représentées par des éléments poutres déformables. Le poids du membre supérieur de 387 N est distribué sur la colonne plus 180 N en sus dans les mains selon le cas considéré. La cinématique mesurée est appliquée sur le modèle pour obtenir les moments de réaction à chaque niveau de la colonne. Un algorithme d'optimisation s'ajoute à chaque niveau afin de distribuer ces moments entre les muscles, selon leur implication, et permet de résoudre le problème de redondance. Huit fonctions d'optimisation ont été considérées afin de déterminer celle la plus fiable. La stabilité du système a été étudiée sous différentes postures et charges à l'aide d'éléments uni axiaux possédant des rigidités variables afin de représenter les muscles (K=qF/1). De plus, les rôles de la pression intra abdominale (PIA) et de la posture lombaire ont été investiguées pour leur effet sur la répartition des charges et la stabilisation de la colonne.
Les prédictions du modèle sont qualitativement validées par les mesures des signaux EMG et les valeurs de pression intra discale. Lors que le tronc est fléchi de 65°, les forces de compression axiale et de cisaillement antéropostérieure au niveau critique de L5-S1 atteignent 2 026 et 598 N (sans charge externe) et 3 247 et 869 N (avec la charge de 180 N) respectivement. Dans cette posture, les forces musculaires des érecteurs du rachis représentent 716 et 1 140 N (sans et avec la charge externe) démontrant une augmentation de 1 332% (comparativement à 50 N) sans charge externe et de 149 % (comparativement à 458 N) en chargement versus la position debout. Des risques élevés de blessures aux tissus actifs/passifs lors d'activités de levage impliquant une flexion antérieure du tronc devient alors évident. L'effet des différentes fonctions d'optimisation sur ces valeurs relatives est minimal. En position fléchie, le risque de blessures spinales dues à l'instabilité se révèle une considération moins importante qu'en position debout. Par exemple, la valeur q requise pour maintenir la stabilité en position debout lorsque la charge externe est appliquée de chaque côté correspond à 17 ce qui redevient nulle lorsque le tronc est fléchie de 40° ou 65o. Lors de ces dernières tâches, les forces musculaires de même que la rigidité de la colonne de part les tissus passifs se révèlent assez importantes pour stabiliser la colonne.
La posture lordotique, en comparaison à celle cyphotique, diminue le moment de flexion tout en accroissant l'implication musculaire des extenseurs, de la compression axiale, de la force de cisaillement au niveau de L5-S1 et la stabilité spinale (légèrement). En considérant les forces musculaires et les charges spinales, les résultats de cette étude supportent le choix d'une posture avec une légère flexion lors des tâches de levage statiques. En position debout, le rôle de déchargement de la PIA disparaît avec un niveau bas de coactivité des muscles abdominaux (RA: 0.5%, OE: 1%, OI: 2%) introduit dans le modèle tandis que son rôle stabilisateur se renforce avec l'élévation de la coactivité abdominale. En position fléchie, le rôle de déchargement de la PIA disparaît seulement avec un niveau élevé de coactivité abdominale (4 fois plus important que le niveau bas) tandis que son rôle stabilisateur diminue avec la hausse de la coactivité abdominale. Les rôles de déchargement et stabilisateur de la PIA sont d'abord spécifiques aux tâches et à La posture.
Dans les positions fléchies, lorsque les lignes d'action des muscles thoraciques sont considérées non linéaires (en courbes et en ne permettant pas aucune réduction de leurs bras de levier par rapport à la position initiale), les forces musculaires et les compressions axiales dans tous les niveaux spinaux diminuent considérablement en comparaison à l'application de lignes d'action linéaire. Lorsque l'on permet une réduction du bras de levier de 10% de sa valeur initiale durant la flexion, les forces musculaires et de compression axiale augmentent dans tous les niveaux spinaux. La considération de géométrie précise (non linéaire en courbe) pour les muscles et de leurs bras de levier de manière physiologiquement réaliste est essentielle afin d'obtenir des résultats acceptables. Le modèle et la méthodologie présentés dans cette étude, assurent les conditions d'équilibre dans toutes les directions et pour l'ensemble des niveaux de la colonne et entraînent une réponse pour la cinématique spinale en concordance avec les forces externes, les forces musculaires et la résistance des tissus passifs avec des propriétés non linéaires.
Since mechanical overload and/or overuse are known as major causes of recreational and occupational injuries to the spine, knowledge of spinal tissue loads is essential for design of effective prevention and treatment programs. Infeasibility of experimental methods to measure these loads has persuaded researchers towards the use of biomechanical modeling techniques. In vitro studies show that the spine devoid of muscles buckles under small loads (~20 N) suggesting that both mechanical stability and equilibrium analyses are needed to investigate the safe load tolerance limits of the spine.
Spinal loads are estimated by satisfying moment equilibrium, in a free-body diagram of the spine, between external/gravity and internal loads produced by muscles and the passive spine. The major problem is that the number of unknown muscle forces is much larger than that of equilibrium equations. Two approaches have commonly been employed to tackle this redundant problem; optimization and EMG-assisted. A major shortcoming in these models is that muscle and spinal loads are estimated by considering equilibrium conditions only at a single cross section rather than along the entire length of the spine; a simplification that results in violation of equilibrium at remaining levels. Besides, none of previous studies has considered wrapping contact force between trunk muscles and the spine, which could yield erroneous predictions during trunk flexion.
A novel Kinematics-based approach in which the measured kinematics of the spine are prescribed in a nonlinear finite element model to evaluate muscle/spinal loads and stability in upright standing postures has, recently, been developed by our group. An advantage of this approach is in prescribing the in vivo kinematics data that constrain the spinal deformation under external loading and muscle exertions. Each prescribed kinematics generates an additional equilibrium equation between unknown muscle forces and external loads; thus decreasing the degree of redundancy. If the number of equilibrium equations at a spinal level reaches that of unknown muscle forces, the problem is solved deterministically. Such approach satisfies the equilibrium conditions in all directions along the entire length of the spine and yields spinal postures in full accordance with external loads, muscle forces, and passive tissues. To date, application of this method has been limited to static lifting tasks in upright standing postures.
In the current work, the Kinematics-based approach was applied to compute muscle and spinal loads at different spinal levels as well as system stability in static lifting activities involving forward flexion of trunk. Such lifting activities have been indicated as major causes of injuries to the lumbar spine. Posture, pelvic tilt, and load location were recorded in an in vivo study on 15 healthy male volunteers. Surface EMG electrodes were placed symmetrically to record the activity of superficial muscle groups. Upright standing and forward flexion (~40° and 659) postures with different lumbar postures (kyphotic, lordotic, and free) with or without 180 N in hands were considered.
A sagittaly-symmetric model of the T1-S1 spine with 56 muscle fascicles was used. The nonlinear and direction-dependent mechanical properties of T12-S1 segments were represented by deformable beams. The upper-body gravity load of 387 N was distributed along the spine in addition to a 180 N applied in hands. The measured kinematics were prescribed in the model yielding required moments at all spinal levels that when coupled with an optimization algorithm allowed for the solution of the redundant system. Effect of eight optimization cost functions on predictions was studied. The system stability was investigated under given postures and loads with muscles replaced by uniaxial elements with different stiffness (K=qF/1). Role of intra-abdominal pressure (IAP) and lumbar posture on loading and stabilizing the spine was also studied.
Predictions were validated by comparison with measured EMG and intra discal pressure. When flexing forward by 65°, compression and shear forces in the critical L5 S1 disc reached 2026 and 598 N (no load in hands) and 3247 and 869 N (180 N in hands), respectively. In this posture, force in erector spinae was 716 and 1140 N without and with 180 N in hands, respectively. This shows increases of 1332% (from 50 N) and of 149% (from 458 N) compared to the upright posture without and with 180 N held in front, respectively. High risk of injury to active/passive tissues in lifting activities involving trunk flexion, hence, becomes evident. The effect of different optimization cost functions on these relative effects was minimal. In flexed postures, risk of injury to the spine due to instability was of lesser concern compared to the upright postures. For instance, the required q value to maintain stability in upright posture when lifting 180 N on sides was 17 that decreased to zero when trunk flexed by 40° or 65°. In such tasks, due to great muscle forces and passive lumbar stiffness the spine was sufficiently stable.
Compared to the kyphotic postures, the lordotic postures increased extensor muscle activities, compression and shear forces at the L5-S1 disc, and (slightly) the spinal stability while decreasing segmental flexion moments. Considering muscle and spinal loads, results support free style posture with slight flexion as the posture of choice in static lifting. In the upright posture, the unloading role of IAP faded away as low level of abdominal coactivities (RA: 0.5%, EO: 1%, IO: 2%) was introduced in the model while its stabilizing role continued to improve as abdominal coactivity increased. In flexed postures, the unloading role of IAP disappeared with high level of abdominal coactivities (4-fold of low level) while its stabilizing role deteriorated as abdominal coactivities increased. The IAP unloading/stabilizing roles are posture and task specific.
Compared to the case in which linear line of actions were considered for thoracic muscles, muscle forces and spinal compression at all levels substantially decreased as these muscles took curved paths while not allowing any reduction in their lever arm from upright posture. Allowing for a 10% reduction in these lever arms during flexion increased muscle and compression forces at all levels. Consideration of thoracic muscles with curved paths and realistic lever arms is essential. The presented model and methodology guarantees satisfaction of the equilibrium equations in all directions along the entire length of the spine while yielding spinal postures in full accordance with external/gravity loads, muscle forces, and passive tissues with nonlinear properties.