En biomécanique de la colonne vertébrale, une évaluation précise des forces musculaires et des charges spinales (par exemple les forces de compression qui agissent sur les disques intervertébraux) au cours des activités professionnelles et récréationnelles, représente un axe principal de plusieurs recherches et demeure encore un défi à surmonter. Les modèles biomécaniques sont considérés comme des outils fiables qui permettent de déterminer les forces musculaires du tronc et les forces de compression et de cisaillement qui agissent sur les segments lombaires. En générale, ces forces sont calculées en établissant l’équilibre entres les moments internes dus aux structures actives (muscles) et passives (les vertèbres, disques et ligaments) et les moments externes (charges externes, charges d’inertie et charges de gravité du tronc). En raison de la redondance des équations d’équilibres liée au nombre d’inconnus (forces musculaires), les techniques d’optimisation ont été employées afin de minimiser certaines fonctions objectives. Cependant cette technique ne permet pas de prédire les forces musculaires antagonistes.
L’objectif de ce travail est de développer un algorithme d’optimisation qui permet d’estimer les forces musculaires abdominales (en tant que muscles antagonistes) qui maximisent la stabilité du tronc et minimisent le risque des maux de dos. Cet algorithme est basé sur la méthode cinématique, la méthode des éléments finis, la méthode d’optimisation lagrangienne et la méthode de régression.
Un modèle non-linéaire d’éléments finis symétrique dans le plan sagittal, basé sur la méthode cinématique et d’optimisation lagrangienne a été utilisé pour résoudre la redondance des équations d’équilibre de la colonne vertébrale en posture debout droite et durant les tâches de levage. Ce modèle est composé de six poutres déformables qui représentent les disques intervertébraux au niveau T12-S1 et des éléments rigides qui représentent les vertèbres T1-S1. L’architecture musculaire est symétrique dans le plan sagittal et comprend 46 faisceaux musculaires locaux qui joignent les vertèbres lombaires avec le pelvis à l’exception du muscle iliopsoas qui prend son origine sur le fémur, et 10 faisceaux musculaires globaux qui relient la cage thoracique au pelvis. Les propriétés mécaniques et l’anatomie de la colonne vertébrale ont été tirées de la littérature. Les petites rotations inter-segmentaires associées à la posture debout droite calculées par optimisation ont été appliquées dans le présent modèle d’éléments finis.
Afin de calculer les forces de compression et de cisaillement, les forces musculaires globales et locales ont été estimées par optimisation lagrangienne et par la suite, ont été appliquées comme des charges externes qui agissent sur les disques intervertébraux. Après avoir atteint l’équilibre de la colonne, une analyse de stabilité a été effectuée pour calculer les forces critiques du flambement Pcr. Cette analyse est portée sur la rigidité musculaire k=qF/L. Les muscles du tronc ont été modélisés par des éléments ressorts uni-axiaux.
Dans la présente étude, on a proposé deux méthodes B et D basées sur la méthode d’optimisation lagrangienne pour calculer les forces musculaires, et par la suite les forces de compression FC au centre du disque L5-S1 et les forces critiques du flambement Pcr par la méthode des éléments finis. Les variables d’input considérés dans la méthode B sont représentés par les forces musculaires abdominales (FIO, FEO et FRA), le moment externe M et la valeur du coefficient de la rigidité musculaire q alors que dans la méthode D par la somme des moments abdominaux Mabd, le moment externe M et la valeur du coefficient de la rigidité musculaire q. Et pour les deux méthodes, cinq différents niveaux ont été considérés pour chaque variable.
L’expression empirique de la force critique du flambement Pcr et de la force de compression FC ont été obtenues par régression en fonction des variables d’input. Les analyses des coefficients de régression ont montré que les forces Pcr et FC représentent adéquatement les résultats de la méthode des éléments finis.
Les expressions empiriques obtenues par la méthode B et par la régression ont été optimisées afin de prédire les forces musculaires abdominales optimales qui minimisent la fonction objective Fobj = αFC-βPcr. Si on pose α=1 et β=0, alors, la minimisation de la fonction objective Fobj permet de prédire la force de compression minimale et dans ce cas, le muscle IO représente le muscle le plus efficace en minimisant la force de compression FC au centre du disque L5-S1. En revanche, si on pose α=1 et β=0, alors, la minimisation de Fobj maximise la force critique du flambement Pcr. Pour les grandes coactivités musculaires abdominales, le muscle EO est le muscle le plus efficace en maximisant la stabilité du tronc. Dans le cas contraire, le muscle IO devient le plus actif. Pour α≠0 et β≠0 , la minimisation de Fobj permet de prédire les forces musculaires optimales qui maximisent la stabilité du tronc et minimisent simultanément la force de compression FC selon les cas à étudier.
La méthode D consiste à calculer directement les forces musculaires abdominales en fixant la somme des moments des muscles abdominaux a priori dans la procédure d’optimisation lagrangienne qui minimise la somme des contraintes cubiques des muscles extenseurs et maximise simultanément la somme des contraintes cubiques pour les muscles abdominaux. Les forces des muscles abdominaux obtenue sont liées entre elles par des relations linéaires et ne dépendent ni du moment externe M ni du coefficient de la rigidité musculaire q. Le muscle IO est le muscle le plus efficace en maximisant la stabilité du tronc Pcr et minimisant simultanément la force de compression FC.
Si on pose α=1 et β=0 et on considère le cas des grandes coactivités musculaires abdominales, on trouve que la méthode D permet de trouver les forces de compression minimales en comparaison avec la méthode B. Cependant, ces forces de compression sont accompagnées avec une légère diminution de la force critique du flambement maximale Pcr (α=0 et β=0) par rapport à la méthode B. Pour les petites coactivités musculaires, la méthode B donne les forces de compression minimales alors que la méthode D donne les forces critiques maximales.
Dans le cas, où α=β, la méthode D offre la solution optimale en minimisant la fonction objective Fobj durant les grandes coactivités musculaires alors que la méthode B durant les petites coactivités musculaires et dans les deux méthodes, le muscle IO est le plus efficace par rapport au muscle EO et RA. La prédiction des forces musculaires optimales par la méthode D indique que le système nerveux central (CNS) cherche à minimiser le risque des blessures au niveau du bas de dos en minimisant les forces de compression par une légère réduction de la stabilité maximale de la colonne vertébrale.
A precise assessment of muscle forces and spinal loads (e.g. compression forces acting on the intervertebral discs) during the occupational and recreational activities, though the main focus of several studies, remains still a challenge to overcome. Biomechanical models are considered as reliable tools to determine the trunk muscle forces, compression forces and shear stress acting on the lumbar vertebrae. Generally, these forces are calculated by balancing internal moments due to active (muscles) and passive (the vertebrae, discs and ligaments) structures as well as external moments (external loads, inertial loads and gravity of the trunk). Due to the redundancy in equations due to the number of unknowns (muscle forces), optimization techniques have been employed in minimizing certain objective functions. However these techniques do not predict antagonistic muscle forces.
The objective of this work is to develop an optimization algorithm for estimating the abdominal muscle forces (while acting antagonistically) that maximizes the trunk stability and minimizes the risk of back pain, either separately or both together. This algorithm is based on the kinematics-driven finite element method, Lagrangian optimization and regression method.
A non-linear sagittaly-symmetric finite element model based on the kinematics-driven algorithm and Lagrangian optimization was used to resolve the redundancy of equilibrium equations of the spine in upright standing posture during lifting tasks. This model consists of six deformable beams representing the intervertebral discs at T12-S1 and rigid elements that represent the T1-S1 vertebrae. The muscular architecture includes 46 local muscle fascicles joining the lumbar vertebrae to the pelvis with the exception of the iliopsoas muscle which originates from the femur, and 10 global muscle fascicles that connect the ribs to pelvis. The mechanical properties and anatomy of the spine are taken from the literature. Small intersegmental rotations associated with the standing upright posture calculated by optimization have been incorporated in this finite element model.
To calculate the compressive and shear forces, global and local muscle forces have been estimated by Lagrangian optimization and, subsequently, were applied as external loads acting on the intervertebral discs. After reaching equilibrium, stability analysis is performed to calculate the critical buckling force Pcr. This analysis is based on the muscle stiffness k=qF/L where trunk muscles are modeled by uni-axial spring elements.
In the current study, we proposed two methods B and D based on Lagrangian optimization method to calculate the muscle forces and subsequently the compressive force FC at the center of the L5-S1 disk and critical buckling forces Pcr. Input variables included in method B are represented by the abdominal muscle forces (FIO, FEO and FRA), the external moment M and the value of the muscle rigidity coefficient q whereas in Method D by the sum of the abdominal moments Mabd, the external moment M and the value of muscle rigidity coefficient q. for both methods, five different levels for each variable were considered.
The empirical expression of the critical buckling force Pcr and the compressive force FC were obtained by regression as functions of input variables. The analysis of regression coefficients showed that the Pcr and FC forces adequately represented the results of the finite element method and that their terms were significant in the response of the spine.
Empirical expressions obtained from the approach B and the regression method were optimized predicting the optimal abdominal muscle forces that minimize the objective function * * . Fobj = αFC - βPcr If we set α = 1and β = 0 , minimization of the objective function Fobj can predict the minimum compressive force and in this case, IO muscle is the most efficient muscle. However, if we set α = 0 and β =1, minimizing Fobj then maximizes the critical buckling force Pcr. For large abdominal muscle coactivities, EO muscle is the most efficient muscle by maximizing the trunk stability. On the contrary case, the IO muscle becomes more active. For α ≠ 0 et β ≠ 0 , the minimization of Fobj yields optimal muscle forces that maximize the trunk stability and simultaneously minimize the compression force FC.
Method D directly calculates the abdominal muscle forces by fixing sum of the abdominal muscles moments a priori in the Lagrangian optimization procedure that simultaneously minimizes sum of extensor muscle stresses cubed and maximizes sum of abdominal muscle stresses cubed. The predicted abdominal muscles forces depend neither on M nor on muscle rigidity coefficient q. The IO muscle is the most effective muscle in maximizing the stability of trunk Pcr and minimizing the compression force FC.
If we set 1 α = et β = 0 and consider the case of large abdominal muscle coactivities, the method D yields the minimum compression force in comparison with method B. However, these compression forces are accompanied by a slight decrease in maximal critical buckling force Pcr (α = 0 et β =1) compared to the method B. For small muscle coactivities, the method B gives minimal compression force whereas the method D gives maximum critical forces.
In the case α = β method D offers optimal solution by minimizing the objective function Fobj in presence of large muscle coactivities whereas the method B does the same in presence of small muscle coactivities. In both methods, IO muscle is the most efficient compared to EO and RA muscles. The prediction of optimal muscle forces by the method D suggests that the central nervous system (CNS) seeks to minimize the risk of injuries in the lower back level (by reducing compression forces) while slightly deteriorating the spinal stability.