Le genou humain est l'une des plus complexes articulations du corps humain exposé à des chargements et mouvements combinés, statiques comme dynamiques, à court et à long terme. Due aux charges supportées et à des déplacements importants nécessaires pour effectuer diverses tâches, la stabilisation du genou est, de tous les problèmes biomécaniques articulaires, l'un des plus difficiles à étudier. Cette articulation portante située au milieu des membres inférieurs se trouve être un centre de transmission tridimensionnel particulièrement sollicité. Lors d'une marche normale par exemple, à la phase d'appui du pas, les forces de compression sur les plateaux tibiaux d'un genou sont de l'ordre de 2 à 3 fois le poids du corps. Ces forces peuvent atteindre 4 à 5 fois le poids du corps lors de la course ou de sauts légers et 6 à 7 fois le poids corporel lors de certaines activités sportives (le ski, le football, le hockey, etc.) de même que des charges excessives en cisaillement. Le processus de transfert de charge s'opère parfois au-delà de la limite des capacités mécaniques des composants, ce qui fait du genou l'articulation la plus exposée aux traumatismes, luxations, entorses et processus dégénératifs du cartilage.
Une étape essentielle dans la compréhension des mécanismes physico biologiques qui entraînent ces lésions sous des sollicitations mécaniques consiste à cerner le comportement biomécanique du genou. Depuis les premiers essais d'interprétation mécanique de l'articulation fémoro-tibiale publiés par Brantigan et Voshell en 1941, plusieurs études expérimentales ont été menées afin de mieux comprendre la biomécanique du genou; les progrès obtenus ont été considérables. Depuis quelques années déjà, des modèles mathématiques et numériques, avec différents degrés de précision, ont été élaborés pour compléter les méthodes expérimentales afin d'aider à la prévention des blessures et dégénérescences et d'assister les chirurgiens dans leurs prises de décision en ce qui concerne le traitement et la réadaptation.
Ainsi un modèle détaillé 3-D de l'articulation fémoro-tibiale, constitué de deux structures osseuses (tibia, fémur) et leurs cartilages articulaires, de ménisques et de quatre ligaments principaux (deux croisés, deux latéraux) est développé pour étudier la réponse globale du genou humain passif en flexion-extension sans ou avec des charges extérieures. Basé sur un modèle validé de genou humain reconstitué par Bendjaballah en 1996 à partir du genou droit d'un donneur féminin de 27 ans, ce modèle a été raffiné et intensement utilisé pour mener une analyse élasto-statique non linéaire en flexion extension passive afin d'identifier comment s'effectue le mécanisme de transfert de charge sur les composants passifs du genou sous différents chargements extérieurs et aussi d'étudier le rôle de certains paramètres du joint, entre autres les déformations initiales des ligaments dans le comportement biomécanique du genou. Un accent particulier est mis sur l'effet de la rupture des ligaments croisés sur la réponse globale du système. Les conditions aux rives ont été judicieusement choisies pour préserver la stabilité et la mobilité libre de l'articulation; ces conditions ont été parfois altérées pour étudier le rôle qu'elles jouent dans la réponse globale de l'articulation du genou.
Les structures osseuses (fémur et tibia) ont été représentées comme des corps rigides dans cette étude. Les cartilages articulaires ont été considérés comme un matériau homogène, isotrope et élastique. Les ménisques ont été modélisés par un matériau composite avec une matrice isotrope linéaire renforcée par des ressorts non linéaires dans les directions radiale et circonférentielle pour tenir compte des fibres de collagène qui sont des composants dominants dans ces directions. Pour la structure ligamentaire, des courbes non linéaires de contrainte-déformation ont été utilisées pour les différents faisceaux. Des valeurs des déformations initiales ont été prises en compte dans l'analyse du joint afin de tenir compte des contraintes initiales dans les ligaments et donc des pré-contraintes de l'articulation fémoro-tibiale. Pour tenir compte de l'enroulement du ligament collatéral médial autour du bord osseux du tibia proximal. des éléments «wrapping» ont été utilisés. Six zones de contact à grand déplacement ont été considérées dans le modèle actuel, contact entre le fémur et les ménisques, entre les ménisques et le tibia et entre le fémur et le tibia tant du côté médial que latéral. Le contact entre le fémur et la rotule est modélisé, mais non actif pour le moment dans les analyses dans le cadre de ce travail.
En flexion passive pure, pendant les mouvements de flexion-extension du fémur, le tibia a subi une rotation automatique autour de son axe de telle sorte qu'une rotation externe est associée à l'extension et une rotation interne est associée à la flexion (screw home motion). Le repositionnement de l'axe de flexion-extension en le tournant de 15° autour de l'axe axial du tibia de même que l'activation d'un des ligaments croisés en variant la déformation initiale du LCP ou en supprimant le LCA ont influencé de façon substantielle cette rotation automatique du tibia. Un couplage remarquable a été trouvé entre les ligaments croisés (LCA, LCP) de telle sorte que les forces dans ces deux ligaments augmentaient lorsque la déformation initiale augmentait dans un de ces ligaments et diminuaient en l'absence d'un des ligaments.
En tiroir postérieur du fémur par rapport au tibia, les résultats ont montré que. dans un genou intact, le ligament croisé antérieur (LCA) est la principale résistance face à un mouvement de translation postérieure à différents angles de flexion et que sa rupture entraîne une augmententation considérable des laxités associées. En flexion nulle et en absence du LCA, les forces dans les ligaments latéraux interne et exteme (LLI, LLE) ont augmenté de façon significative lors de l'application progressive des 100N, mais ont diminué par contre au cours de la flexion du genou. De plus en absence du LCA et pour des angles de flexion allant jusqu'à 30°, le côté médial de l'articulation du genou, notamment le ménisque médial, a été soumis à des forces et contraintes élevées.
En tiroir postérieur du fémur par rapport au tibia, pour un genou intact, les ligaments latéraux (LLI, LLE), aidés des surfaces articulaires, ont généré la résistance face au déplacement antérieur du fémur avec une faible contribution du LCP à la flexion nulle. Mais en flexion et sous la charge extérieure de 100N, la force dans le LCP a augmenté considérablement alors que les forces dans les ligaments latéraux ont diminué. De plus, en absence du ligament croisé postérieur et sous la charge fémorale antérieure de 100 N, les forces des ligaments latéraux sont demeurées presque inchangées durant la flexion du genou. Dans ce cas aussi, un couplage remarquable a été observé entre les ligaments croisés (LCA, LCP) de telle sorte qu'un changement de la tension de l'un des ligaments influence considérablement la force dans ces ligaments durant la flexion du joint.
Les résultats obtenus durant cette étude suggèrent que 30 à 40° est l'intervalle d'angle de flexion optimal pour les tests de diagnostic des lésions associées au LCA alors que les tests de diagnostic du LCP peuvent être faits aux angles de flexion > 40° avec une laxité maximale obtenue à 90° de flexion. Le couplage remarquable observé entre les ligaments croisés (LCA, LCP) a des conséquences importantes lors de la gestion optimale de l'articulation de genou suite à un dommage. De même, l'augmentation des charges sur le côté médial de l'articulation du genou, notamment sur le ménisque médial suite à une rupture du LCA devrait être prise en considération lors de la restauration du joint suite à des lésions aux composants.
Les différents résultats obtenus concernant la cinématique de l'articulation fémoro-tibiale, les forces ligamentaires, les forces de contact et le mécanisme de transfert des charges extérieures sont en général en accord avec les mesures expérimentales. Les futures analyses devraient inclure d'autres types de chargement aussi bien que la biomécanique de l'articulation fémoro-patellaire en présence d'activité musculaire.
The human knee is one of the most complex joints of the human body exposed to combined loadings and movements, static and dynamic, short and long-term. Due to the large loads and important displacements necessary in various tasks, the study of the knee remains, of all problems in biomechanics, one of the most difficult ones to study. This structural joint situated in the middle of the lower limbs is a three-dimensional transmission center during a normal walk. For example, the compression load on the tibial plateaus of a knee reaches the order of 2 to 3 times the weight of the body. These loads can reach 4 to 5 times the weight of the body during running or light jumps and 6 to 7 times the body weight during some sport activities (ski, soccer, football, hockey, etc..), besides large shear loads. The generated load, sometimes, exceeds the mechanical capacity of the components causing traumatisms, dislocations, sprains and degenerative processes of cartilage.
An essential stage in understanding the physico-biologic mechanisms responsible for these lesions lies in an improved understanding of the knee joint biomechanics. Since the first tests of mechanical interpretation of the tibio-femoral joint published by Brantigan and Voshell in 1941, numerous experimental studies have followed in order to better understand the biomechanics of the knee. In recent years, analytical and numerical models, with different degrees of precision, have been elaborated in order to complement the experimental methods in prevention, evaluation and treatment of joint injuries.
A detailed 3-D model of the tibio-femoral joint, constituted of two bony structures (tibia, femur) and their articular cartilages, the menisci and four main ligaments (two cruciate, two collateral) was developed to study the global response of the passive human knee in flexion-extension with or without external loads. Based on a validated model of the human knee joint reconstructed by Bendjaballah in 1996 from the right knee of a 27 year old female donor, this refined model has been intensely employed to perform a non-linear elastostatic analysis in passive flexion-extension in order to identify the mechanism of load transfer on the passive components of the knee under different external loads. The role of some parameters of the joint, for example, changes in initial deformations in the ligaments or rupture of a ligament, in the biomechanics of the knee was also investigated. In the current work adequate boundary conditions were used to prevent erroneous displacement computations and undesired (additional) loads while allowing for the fully unconstrained response of the joint. These boundary conditions were also altered to further study the role that they play in the global response of the knee joint.
The rigid bodies were utilised to simulate the bone structures (femur and tibia) in the current study. The articular cartilage layers were represented by solid elements. For meniscal tissue, a non-homogeneous composite model of an isotropic matrix of ground substance reinforced by a network of radial and circumferential collagen fibres was considered. Moreover, non-linear spring elements were considered to model various ligaments of the tibio-femoral joint. To take into account the wrapping of the medial collateral ligament around the proximal medial bony edge of the tibia, the wrapping elements were considered for the distal part attaching the meniscus to the tibia and wrapping over the tibia. Articulations at the cartilage-cartilage (i.e., at uncovered areas) as well as cartilage-meniscus (i.e., at covered areas) were simulated in this work as large displacement with frictionless contact. Each meniscus, simultaneously, articulated with the tibial and femoral cartilage layers at its distal and proximal surfaces, respectively. The patella was not taken into account in the present model.
During the passive flexion, the tibia rotated internally as the femur flexed whereas it rotated externally as the femur extended. The re-alignment of the flexion axis by a rotation of +5° about the axial axis, transection or the ACL and changes in the PCL initial strain substantially influenced the screw-'home' motion. A remarkable coupling was predicted between ACL and PCL forces (or initial strains); forces in both cruciates increased as the initial strain in one of them increased. On the other hand, they both diminished as one of them was cut or became slack.
In femoral posterior drawer, the results indicated that the ACL was the primary structure to resist the drawer load throughout the range of flexion considered and that the joint primary and coupled laxities substantially increased in its absence. At full extension under drawer, forces in collateral ligaments increased significantly resulting in larger overall contact forces as the ACL was transected. In the ACL-deficient joint, such large forces in collateral ligaments, however, diminished as flexion angle varies from 0° to 90°. At full extension or flexion angles up to -30°, the medial meniscus and adjacent medial tibial and femoral cartilage layers were subjected to substantially larger loads and stresses following the transection of the ACL.
In femoral anterior drawer, the collateral ligaments along with joint articular surfaces (i.e., menisci and cartilage) were the primary structures to resist the force at full extension under 100N anterior femoral load with a minor contribution from the PCL. With joint flexion up to 90°, however, PCL force substantially increased but LCL/MCL forces diminished. Large collateral forces were computed in the PCL-deficient joint which remained nearly constant throughout the joint flexion. A remarkable coupling was found between the PCL and the ACL in which an alteration in one significantly influenced the force in the other; that is a tauter PCL or ACL increased the force in both ligaments while the absence of one diminished forces in the other.
The predicted results suggest that the 30° to 40° is the optimal range of flexion angle for the evaluation of ACL rupture in drawer tests whereas the diagnosis of the PCL tear should be done at flexion angles > 40° and preferably at 90° flexion. A remarkable coupling was found between the PCL and the ACL in which an alteration in one ligament significantly influenced the force in the other. This has important implications in the proper management of the knee joint ligament injuries. Moreover, the additional load predicted on the medial meniscus following ACL transection and the associated increase in stresses in underlying and overlying cartilage layers indicate that an adequate replacement of the ACL following an injury could decrease the risk of damage to remaining intact structures such as the medial meniscus and articular cartilage. It could also increase the chance of success of meniscus transplantation in restoring the normal joint function.
The predicted results obtained concerning the kinematics of the tibio-femoral joint, ligament forces and contact forces were found in general in agreement with the available reported experimental measurements. Future studies should include other important modes of loading as well as the patellofemoral articulation joint biomechanics in the presence of muscle activations.