Le spondylolisthésis se définit par un glissement postéro-antérieur d’une vertèbre par rapport à sa sous-jacente. Cette pathologie se développe dans la plupart des cas après une spondylolyse, soit une rupture de la pars interarticulaire de la vertèbre, ou d’une dysplasie importante de ses éléments postérieurs. Le spondylolisthésis affecte environ 6% de la population et apparaît le plus souvent à la jonction lombosacrée (L5-S1). Dans la littérature, on identifie plusieurs sévérités de spondylolisthésis : les spondylolisthésis bas grade (grades 1 et 2), qui comprennent entre autres les types « shear » et « nutcracker », qui se différencient suivant les valeurs de l’incidence pelvienne (PI) et de la pente sacrée (SS) et les spondylolisthésis haut grade (grades 3 à 5) comprenant les types « bassin balancé » et « bassin rétroversé » qui se différencient suivant les valeurs de la pente sacrée et du tilt pelvien (PT).
Dans la littérature, la progression du spondylolisthésis est habituellement documentée et analysée au moyen de mesures géométriques (incidence pelvienne, pente sacrée, tilt pelvien) sans prendre en considération leurs effets et leurs actions biomécaniques sur cette progression. C’est pourquoi les relations entre paramètres et forces en jeu dans le risque de progression de la pathologie ne sont pas bien connues. Ainsi, le but du projet était de développer un modèle par éléments finis (MEF) paramétrable d’un rachis pédiatrique permettant d’analyser les conditions propices au risque de progression de la pathologie et de tester l’hypothèse de l’incidence pelvienne comme paramètre prédictif. Ce modèle peut être personnalisé suivant les types de spondylolisthésis que l’on souhaite modéliser avec spondylolyse et dôme sacré. Le modèle permet également de faire l’analyse biomécanique des contraintes au niveau de la jonction lombosacrée, plus spécifiquement au niveau du disque intervertébral et de la plaque de croissance et de relever les paramètres significatifs propices à la progression.
La géométrie de la colonne vertébrale, du bassin et de la cage thoracique a été reconstruite à partir de radiographies bi-planaires (postéro-antérieure et latérale) d’un patient bas grade de type « shear ». Dix sept repères anatomiques ont été utilisés pour la reconstruction de chaque vertèbre thoracique et lombaire et 23 repères anatomiques pour le bassin. Le modèle par éléments finis personnalisé a été adapté par krigeage, avec un raffinement au niveau du segment L4-bassin. Les différents tissus conjonctifs inter- et para-vertébraux pertinents (les fibres de collagène, les ligaments longitudinal antérieur et postérieur, intertransverses, jaunes et les ligaments capsulaires) ont été modélisés. La représentation des muscles spinaux a été schématisée par un modèle mathématique : « le follower load ». Les propriétés mécaniques ont été tirées de la littérature.
Un plan d’expériences a été choisi afin d’étudier les conditions propices de certains paramètres spino-pelviens dans le risque de progression de la pathologie : l’incidence pelvienne qui est un paramètre morphologique, la pente sacrée qui est un paramètre d’orientation du pelvis et le pourcentage de glissement qui indique le grade de glissement. Deux modalités ont été utilisées dans ce plan d’expériences afin d’englober le plus grand nombre possible de cas de bas et de haut grades. Une équation de contrainte dans le plan d’expériences a été introduite afin de répondre aux hypothèses cliniques (i.e. il est impossible d’avoir un haut grade avec une incidence pelvienne et une pente sacrée faible) et a donc permis d’éliminer certains cas non réalistes. Dix modèles virtuels différents de spondylolisthésis ont été simulés à partir de ce patient grâce à une modélisation incluant les trois paramètres indépendamment. Une lyse personnalisée au niveau du pars interarticulaire a été créée virtuellement par le retrait d’éléments dans la partie postérieure de la dernière vertèbre. L’espacement de la lyse est contrôlable numériquement. Un dôme sacré a aussi été créé virtuellement. La gravité et les efforts musculaires ont été représentés par un modèle mathématique : « le follower load ». Cette méthode consiste à appliquer une résultante de la force musculaire et gravitationnelle sur chaque section vertébrale au centroïde de celle-ci. Les forces ont la particularité d’être tangentielles à la courbure de la colonne vertébrale. Ces simulations ont été faites afin d’évaluer les différences de contraintes potentielles durant la progression suivant les types de spondylolisthésis et de corréler les paramètres pouvant contribuer à cette progression.
Une analyse des contraintes principales en compression et de cisaillement a été faite au niveau de l’articulation L5-bassin. Les contraintes ont été analysées plus spécifiquement au niveau des plaques de croissance de S1 et du disque intervertébral L5-S1 sur la partie antérieure de ceux-ci. Les contraintes en compression et cisaillement sont plus élevées pour les spondylolisthésis haut-grade de type « bassin balancé » que pour ceux de type « bassin rétroversé ». La même observation a été faite pour les spondylolisthésis bas grade : le type « shear » est plus contraint que le type « nutcracker ». L’étude du cisaillement dans le disque intervertébral L5-S1 a montré que la zone de contrainte en cisaillement est plus élevée pour les hauts grades, alors que pour les bas grades, les contraintes sont plus uniformes à l’exception de la zone du dôme sacré. Les résultats statistiques révèlent des corrélations entre l’incidence pelvienne et les contraintes et entre le pourcentage de glissement et le cisaillement dans le disque intervertébral L5-S1.
Les paramètres (l’incidence pelvienne, la pente sacrée et le pourcentage de glissement) ont une influence sur l’augmentation des contraintes en compression et cisaillement et donc sur la contribution du risque de progression de la pathologie. La zone d’étude importante pour le risque de progression se concentre sur la partie antérieure de la plaque de croissance où les contraintes se développent avec le grade. L’étude statistique supporte le concept que l’incidence pelvienne est le paramètre le plus prédictif pouvant influencer de manière significative le risque de progression du spondylolisthésis isthmique.
Spondylolisthesis is a postero-anterior slippage of a vertebra with respect to its inferior vertebra. This pathology mainly occurs after a spondylolysis, which is a stress fracture of the pars interarticularis of the vertebrae, or after a high dysplasia of its posterior bony elements. Spondylolisthesis affects about 6% of the population and usually occurs at the lumbosacral junction (L5-S1). There exists different severities of spondylolisthesis: low-grade spondylolisthesis (grades 1 and 2), including the “shear-type” and “nutcrackertype”, which differ in pelvic incidence (PI) and sacral slope (SS) values, and high-grade spondylolisthesis (grade 3 to 5), including “balanced pelvis”-type and “retroverted pelvis”-type, which differ in sacral slope and pelvic tilt (PT) values.
The progression of spondylolisthesis is usually documented and analyzed using geometric measurements (PI, SS, PT) without taking their effects and their biomechanical actions into account. That is why the link between the predicting parameters and the forces responsible for the progression of the pathology is poorly documented in the literature. The aim of this project was to develop a parametric finite element model (FEM) of a paediatric spine to analyze the conditions involved in the risk of progression of the pathology and to test the hypothesis that pelvic incidence is a predictive parameter of the deformity. This model includes the spondylolysis and sacral dome, and can be personalized depending on the type of spondylolisthesis. A detailed biomechanical analysis of the intervertebral disc and growth plate of the lumbosacral junction was done with the FEM in order to determine predictable parameters conducive to the progression.
The geometry of the spine, pelvis and rib cage was reconstructed in 3D using biplanar (postero-anterior and lateral) radiographs of a low-grade patient with a shear-type. Seventeen anatomical landmarks were used for the 3D reconstruction of the thoracic and lumbar vertebrae and 23 were used for the pelvis. The personalized FEM was adapted using a kriging technique, with enhanced details of the L4 to pelvis segment. Taking into consideration the modeling of relevant inter and para-vertebral connective tissues (collagen fibers, anterior and posterior longitudinal ligaments, intertransverse, flavum and capsular ligaments), a personalized FEM was established. Mechanical properties of anatomical structures were taken from the literature.
A design of experiments was undertaken to study the ideal conditions of some spinopelvic parameters in spondylolisthesis progression. The selected parameters were the PI, which is a fundamental pelvic anatomic parameter, the SS, which characterizes the spatial orientation of the pelvis, and the slip percentage, which represents the grade of slippage. Each parameter had two modalities to include most of low- and high-grade spondylolistheses. In order to satisfy our clinical hypothesis (i.e. it is impossible to have a high grade with a low pelvic incidence and a low sacral slope), a constraint equation was inserted in the design to avoid some non realistic cases. Ten cases of spondylolisthesis have been simulated from one patient thanks to a modeling that included the three independent parameters. A personalized bi-lateral lysis in the pars interarticularis was created by removing posterior elements of L5. The gap of the lysis was adjustable. A sacral dome was also simulated. The combined effect of muscles and gravity was based on a mathematical model, “the follower load”. This method consists in applying a resultant force to the gravity and muscles forces on each vertebra in the rotation center. The forces had the particularity to be tangential to the spine curve. These simulations have been done to assess potential stress differences during spondylolisthesis progression and correlate parameters which can promote the risk of progression.
Compression and shear stresses were analyzed in the lumbosacral joint, especially in the anterior area of the growth plate of S1 and in the anterior area of intervertebral disc L5- S1. In high grade spondylolisthesis with a balanced pelvis, the shear and the compression stresses were higher than in high grade spondylolisthesis with a retroverted pelvis. The same observation was done for the low grade spondylolisthesis, the stresses of the shear type being higher than the nutcracker type. In the intervertebral disc of L5-S1, the zone of shear was larger for high grade spondylolisthesis whereas shear stress for low grade was uniform except for the dome shaped area, which was less stressed. Statistical results revealed a correlation between PI and stresses, and with slip percentage and shear of the L5-S1 intervertebral disc.
The parameters (PI, SS and slip percentage) had an impact on the increase of shear and normal stresses and thus, on the potential risk of progression of the pathology. The anterior area of the growth plate appears important for the risk of progression, where the stress is increased. The statistical study provided evidence that pelvic incidence is the most predictive parameter which can influence significantly the risk of progression in isthmic spondylolisthesis.