La scoliose idiopathique (SI) est une déformation tridimensionnelle (3D) du rachis évolutive et complexe sans cause exacte connue. La déformation crée une asymétrie de posture apparente qui peut affecter l’estime et la confiance en soi, limiter ou gêner la pratique de certaines activités et altérer la capacité respiratoire. Des 2-3 % de la population générale diagnostiquée avec une scoliose, 80 % des cas sont de type idiopathique et les cas évolutifs concernent majoritairement les jeunes filles en période de croissance. Le type de traitement prescrit est adapté selon la gravité de la déformation, qui se mesure selon l’angle de Cobb. Pour les scolioses légères (Cobb < 25°) les patients sont sous observation, alors que pour les scolioses modérées (Cobb 25° - 45°) le port du corset orthopédique peut être prescrit. Les exercices spécifiques à la scoliose en physiothérapie se présentent comme un traitement alternatif ou complémentaire à la prise en charge des scolioses légères et modérées. Finalement pour les scolioses sévères (Cobb > 45°) la chirurgie est préconisée.
La Rééducation posturale globale (RPG) est une approche de physiothérapie développée dans les années 80 en France pour traiter les affectations musculo-squelettiques, et fait partie des exercices spécifiques à la scoliose. Cette approche de traitement est basée sur la pratique de postures actives d’étirement et d’exercices d’intégration sensorimotrice. Les principaux objectifs sont de freiner la progression de la courbure, améliorer la posture et éliminer les douleurs au dos. En RPG l’évaluation posturale qui guidera la suite de la prise en charge se fait par la photographie générale, l’évaluation des rétractions musculaires et la ré-équilibration. L’étape de ré-équilibration vise à déterminer la capacité de correction de la déformation et à évaluer la rigidité du tronc. Les postures de correction manuelle et d’autocorrection pratiquées debout en font partie et permettent d’évaluer le potentiel de réductibilité de la courbure du patient. La correction manuelle permet de vérifier qualitativement la rigidité du tronc et de voir l’impact de cette correction sur la posture générale. L’autocorrection vise à évaluer la capacité du patient à intégrer les corrections en sollicitant la musculature du tronc.
Toutefois, la RPG appliquée à la scoliose est peu documentée dans la littérature scientifique. De plus, il n’y a pas d’outil permettant une évaluation quantitative de la rigidité du tronc du patient avec scoliose pendant la séance de traitement de physiothérapie.
Un modèle par éléments finis (MEF) représentant les structures anatomiques du tronc humain a été précédemment développé pour simuler la correction immédiate de la scoliose obtenue dans le corset. Ce modèle a le potentiel de pouvoir être adapté et modifié pour simuler d’autres traitements conservateurs comme les manœuvres de physiothérapie.
L’objectif de cette étude était d’évaluer, par le biais de la modélisation par éléments finis, la réductibilité de la correction manuelle et de l’autocorrection selon l’approche RPG en physiothérapie sur la correction de la courbure pour la scoliose idiopathique.
Une étude clinique avec 16 patients SI (2 SI juvénile et 14 SI de l’adolescence) a permis de mesurer expérimentalement les postures de ré-équilibration RPG. Pour chaque patient, le MEF a été reconstruit depuis la topographie de surface et les radiographies bi-planaires faibles doses en posture de référence debout. Des gants munis de capteurs de force portés par le thérapeute ont permis de mesurer la force exercée par ce dernier à l’interface main-tronc lors de la posture de correction manuelle. La correction manuelle a été simulée en reproduisant la force mesurée par la main droite par un vecteur force équivalent sur un nœud des côtes du modèle. Un indice de rigidité de la correction manuelle a été défini comme le rapport entre la force appliquée et la réduction de courbure résultante (force / Δ angle de Cobb). L’autocorrection a été mesurée par topographie de surface et radiographies afin d’être comparée avec les acquisitions en posture de référence. Elle a ensuite été simulée en fixant la position de la première vertèbre thoracique (T1) et des vertèbres apicales thoracique et lombaire à leur position autocorrigée telle que mesurée sur les radiographies sagittale et coronale en autocorrection. Un indice de rigidité de l’autocorrection a été défini comme la force de réaction à la vertèbre apicale thoracique divisée par la réduction de courbure en autocorrection (force / Δ angle de Cobb). L’analyse statistique a consisté en une ANOVA avec test post-hoc de Tukey pour comparer les angles de Cobb dans les différentes conditions testées et les corrélations ont été calculées avec le coefficient de Pearson.
Lors de la pratique de la correction manuelle, une force de correction moyenne de 31 ± 6 N [23 N – 55 N] a été mesurée sous la main droite du thérapeute. La simulation de cette posture a généré une correction moyenne de 26 % (p < 0.05) de la courbure thoracique avec une augmentation non cliniquement significative de la contre-courbure. La cyphose thoracique a augmenté d’en moyenne 3˚ (p < 0.05) alors que la lordose lombaire est demeurée inchangée. L’indice de rigidité en correction manuelle variait de 2 à 10 N par degré de correction. L’autocorrection réelle a réduit la courbure thoracique en moyenne de 33 % (p < 0.05) sans aggraver la contre-courbure lombaire, alors que les courbures du plan sagittal ont été réduites d’en moyenne 6˚ pour la cyphose et 5˚ pour la lordose (p < 0.05). Une corrélation forte a été obtenue entre l’autocorrection réelle et simulée (r = 0.9), bien que la simulation de l’autocorrection ait tendance à sous-évaluer la correction réelle obtenue d’en moyenne 3˚ (p < 0.05). La force de réaction moyenne à la vertèbre apicale thoracique était de 45 N, résultant en un indice de rigidité allant de 0 à 21 N par degré de correction. Il n’y avait pas de corrélation entre la correction manuelle du thérapeute et l’autocorrection exercée par le patient.
Le rapport entre la force appliquée et la réduction de courbure thoracique obtenue en correction manuelle permet de définir un indice de rigidité définissant un classement relatif de la souplesse des troncs des patients. L’indice de rigidité en autocorrection informe sur la capacité du patient à réduire de lui-même sa courbure. L’absence de corrélation entre les corrections des deux postures suggère des mécanismes de correction différents, soit une correction passive (correction manuelle) et active par sollicitation musculaire (autocorrection).
Comme pour tout modèle de calcul, le MEF est une simplification de la réalité permettant de tester l’effet de paramètres contrôlés, et présente donc certaines limites. Comme condition limite l’orientation du bassin était fixée dans l’espace et une position prédéterminée de T1 devait être établie dans le plan transverse. La simulation de la correction manuelle n’a pu être vérifiée, car il était éthiquement impossible de prendre une radiographie dans cette posture, mais l’exploitation des topographies de surface permettrait éventuellement une première vérification. La rotation vertébrale n’a pas été mesurée dans cette étude ni implémentée dans la simulation. Cette modélisation présente la force générale permettant de maintenir la posture de correction manuelle et d’autocorrection; les différentes combinaisons de recrutement musculaire pour conserver ces postures ne sont pas représentées explicitement dans le modèle. Finalement, le nombre limité de patients n’a pas permis de distinguer l’effet du traitement prescrit (corset, physiothérapie en cours ou passé) sur les réductions de courbures mesurées et simulées dans l’une ou l’autre des postures.
Cette étude est dans les premières à mesurer les forces de correction des mains du physiothérapeute lors d’un traitement RPG de la scoliose et a permis de calculer un indice de rigidité du tronc. Plus de travaux sont nécessaires pour compléter la validation complète du modèle pour simuler la correction manuelle et l’autocorrection. Cela permettrait à terme de quantifier la rigidité du tronc sans l’entremise de tests de flexibilité ionisants. De ce fait, le développement d’un indice de rigidité pour quantifier la résistance du tronc à la correction permettrait de faciliter la planification et le suivi du traitement de physiothérapie. De plus, l'évaluation du potentiel d’autocorrection trouve sa pertinence pour déterminer l'efficacité du traitement au niveau de l'intégration de la posture corrigée. La poursuite des recherches portant sur la biomécanique des mécanismes de correction en RPG permettrait de supporter la contribution de cette approche au traitement.
Idiopathic scoliosis (IS) is a complex and evolutive three-dimensional (SD) deformation of the spine of unknown cause. It leads to a visible postural asymmetry, which may affect self-esteem and self-confidence, limit recreational activities and impact respiratory capacity. Up to 3 % of the general population suffers from a form of scoliosis; 80 % of the scoliosis cases are idiopathic and the evolutive cases affect primarily young girls during their growth period. The severity of the deformation, which is measured using the Cobb angle, is used to adapt the prescribed treatment. Patients diagnosed with mild scoliosis (Cobb < 25°) are kept under observation while orthopaedic bracing may be prescribed for moderate scoliosis (25° - 45°). Physiotherapy specific scoliosis exercises are considered an alternative or complementary treatment to manage mild to moderate scoliosis. Surgery is recommended for severe deformations (Cobb > 45°).
Global postural re-education (GPR) is a physiotherapy approach developed in the 80’s in France to treat musculoskeletal disorders, and is part of the specific exercises for scoliosis. This treatment approach is based on active stretching postures and task-oriented exercises. Main treatment objectives are to decrease curve progression, improve posture and eliminate back pain. The postural evaluation in GPR to orient the choice of exercises is based on three steps: general photography, muscular retraction evaluation and re-equilibration. The goal of re-equilibration is to determine the correction capacity and trunk stiffness. More specifically, stand-up manual correction and self-correction postures aim to evaluate patient curve reducibility potential. Manual correction aims to qualitatively verify trunk stiffness and to evaluate the impact of this correction on the overall posture. Self-correction aims to evaluate patient’s ability to integrate the corrections by soliciting the muscles of the trunk.
GPR applied to scoliosis is poorly documented in scientific literature. To our knowledge, there currently is no tool developed to quantitatively measure trunk stiffness during a physiotherapy treatment for scoliosis.
A finite element model (FEM) representing the human trunk anatomical structures was previously developed to simulate immediate scoliosis correction in bracing. This model has the potential to be adapted and modified to simulate other conservative treatments such as physiotherapy manoeuvers.
The objective of this study was to evaluate, using finite elements modeling, the curve reducibility of manual correction and self-correction of GPR physiotherapy approach in idiopathic scoliosis.
A clinical study with 16 patients presenting with IS (2 juvenile IS and 14 adolescent IS) allowed to experimentally measure GPR re-equilibration postures. For each patient, a FEM was built from surface topography and biplanar low-dose radiographs of a standing reference posture. Gloves equipped with force sensors worn by the therapist allowed to measure the force applied at the hand-torso interface during manual correction. The manual correction was then simulated by reproducing the force measured under the right hand with an equivalent force vector on a node of the ribs in the FEM. A stiffness index was defined as the ratio between the force applied at thoracic apex over the thoracic Cobb angle reduction (force / Δ Cobb angle). In order to be compared to the standing reference posture, the self-correction was clinically measured through surface topography and biplannar radiographs. To simulate the self-correction, the positions of the first thoracic vertebra (T1) and the thoracic and lumbar apical vertebrae were imposed as measured on the self-corrected coronal and sagittal radiographs. The self-correction stiffness index was defined as the reaction force computed at thoracic apex over the thoracic curve reduction (force / Δ Cobb angle). The statistical analysis consisted of an ANOVA with Tukey post-hoc test to compare the Cobb angles in different postures. Correlations were evaluated using the Pearson coefficient.
During manual correction, an average corrective force of 31 ± 6 N [23 N – 55 N] was measured under the therapist right hand. The simulation of this posture resulted in an average correction of 26 % (p < 0.05) of thoracic curvature with a non-significant clinical increase of the counter curvature. The thoracic kyphosis increased on average by 3˚ (p < 0.05) while the lumbar lordosis remained unchanged. Manual correction stiffness index varied from 2 to 10 N per degree of correction. Self-correction reduced on average by 33 % the thoracic curvature (p < 0.05) without affecting the lumbar counter curvature, while the sagittal curvatures flattened on average by 6˚ for the kyphosis and 5˚ for the lordosis (p < 0.05). Good correlation (r = 0.9) was obtained between the actual and simulated self-correction, despite the fact that the simulation tends to under-estimate the actual correction by 3˚ on average (p < 0.05). Average reaction force computed at thoracic apical vertebra was 45 N, which resulted in a stiffness index ranging between 0 and 21 N per degree of correction. There was no correlation between curve reduction obtained with manual correction and self-correction.
The ratio between the force applied and the thoracic curve reduction in self-correction allowed to define a stiffness index for a relative ranking of patient trunk flexibility. Self-correction stiffness index informs on patient’s ability to correct by himself/herself the spine deformation. The lack of correlation between the corrections obtained in the two postures suggests that different correction mechanisms are at work: a passive correction (manual correction) and an active correction through muscular solicitation (self-correction).
The FEM computational model is a simplification of reality that allows testing of the effects of controlled parameters. As boundary conditions, the pelvis orientation was fixed in space and a predetermined position of T1 had to be established in the transverse plane. Manual correction could not be verified because it was ethically impossible to take a radiography while maintaining the posture, however the future exploitation of surface topography could eventually lead to a preliminary verification. Vertebral rotation was not measured nor implemented in the simulation. This modeling presents the general force required to maintain the posture of self-correction and manual correction; the different combinations of muscular recruitment to retain these postures are not explicitly represented in the model. The limited number of patients did not allow to establish relationship between the prescribed treatment (bracing, physiotherapy prior to this study or in progress) and the curve reductions measured and simulated in the GPR postures.
This study is one of the first to measure corrective force applied by physiotherapist hands during scoliosis GPR treatment and allowed to compute a stiffness index. More studies are required to complete the full validation of the model to simulate manual correction and self-correction. This would ultimately allow to quantify trunk stiffness without the necessity of ionised flexibility test. The definition of a stiffness index to quantify trunk resistance to correction would contribute to treatment planning and physiotherapy follow-up. In addition, the evaluation of self-correction potential finds its relevance in determining the effectiveness of the treatment regarding the integration of the corrected posture. Further research into the biomechanics of GPR correction mechanisms would support the contribution of this approach to treatment.