La scoliose idiopathique de l’adolescent (SIA) est une déformation tridimensionnelle (3D) qui affecte l’anatomie et la biomécanique de la colonne vertébrale, de la cage thoracique et du bassin. Environ 3 à 4% de la population, principalement des filles, en ait atteint lors de la poussée de croissance à l’adolescence. Dans le cas d’une progression de la déformation, une prise en charge de la maladie sera nécessaire. Pour les déformations modérées (angle de Cobb entre 20° et 45˚), un traitement préventif par corset est généralement prescrit pour stopper la progression des courbures scoliotiques, et éviter la chirurgie. Bien qu’il existe plusieurs types de corset, celui le plus utilisé en Amérique de Nord est une orthèse thoraco-lombo-sacrale (TLSO) de type Boston. Ces corsets doivent être portés 23 heures par jour durant toute la durée de la croissance. La participation et la tolérance du patient au traitement constitue un problème ayant un impact sur l’efficacité du traitement. En effet, le résultat à long terme du traitement dépend non seulement de la correction immédiate de la déformation scoliotique, mais aussi du temps de port de l’orthèse. Les facteurs considérés comme ayant le plus d’influence sur la participation au traitement sont le manque d’esthétisme et l’inconfort du traitement. Les éléments d’inconfort les plus souvent nommés sont de la douleur causée par de trop grandes pressions appliquées, de l’humidité et une restriction de mobilité du segment du tronc.
Dans le cadre de travaux précédemment réalisés par le groupe du CHU Sainte-Justine et de l’École Polytechnique, une plateforme de conception de corset assistée par ordinateur a été créée. Cette plateforme combine l’utilisation d’un logiciel de design de corset (CFAO) et d’un outil de simulation permettant de simuler l’installation d’un corset sur un modèle éléments finis (MEF) personnalisé du tronc d’un patient. L’outil de simulation permet de tester itérativement plusieurs designs de corset et de sélectionner le design permettant d’atteindre une meilleure correction du rachis. En reliant le logiciel de design à une fraiseuse numérique, il est possible de fabriquer le corset sélectionné et de le tester cliniquement. La faisabilité de cette méthode a été validée cliniquement sur une cohorte de 6 patients SIA. Les résultats obtenus ont montré que la simulation prédisait des résultats réalistes et que l’efficacité des corsets conçus par cette plateforme était comparable à l’efficacité des corsets de Boston standard. Toutefois, cet outil ne considérait pas les éléments de confort qui peuvent influencer la participation du patient et l’effet à long terme du traitement.
L’objectif de cette étude était donc de concevoir et de valider expérimentalement sur une cohorte de sujets SIA un corset orthopédique plus confortable et biomécaniquement efficace en intégrant des critères qui peuvent influencer le confort des corsets à la plate-forme de conception de corset qui combine la technologie CFAO et l’outil de simulation numérique d'installation de corset.
Pour 15 patientes SIA ayant reçu la prescription d’un corset de Boston, deux corsets ont été fabriqués et testés cliniquement. Le premier corset (NouveauCorset) a été conçu en utilisant la plate-forme de conception de corset. La géométrie interne de chaque patient a été obtenue par une reconstruction 3D de la colonne vertébrale, de la cage thoracique et du bassin réalisée à partir de radiographies bi-planaires (postéro-antérieure et latérale). La géométrie externe a été obtenue en utilisant une technologie de topographie de surface (scanner) utilisant la lumière blanche. La superposition des deux géométries a été réalisée à l’aide de marqueurs radio-opaques et un MEF du patient a été créé. Sur la modélisation du rachis, des déplacements ont été appliquées sur des vertèbres ciblées afin d’obtenir une correction virtuelle de la colonne vertébrale scoliotique. La géométrie interne étant liée à la géométrie externe du MEF, il en a résulté une forme pré-corrigée du tronc du patient. La forme pré-corrigée était utilisée comme forme de base pour réaliser le design du corset à l’aide d’un processus itératif. Les appuis correctifs thoraciques et lombaires ont été progressivement augmentés (entre 5 et 10 mm) afin d’obtenir une correction maximisée et les découpes ont été appliquées pour obtenir un design complet. L’outil de simulation a ensuite été utilisé pour simuler l’installation du corset. La simulation a permis d’obtenir une prédiction de la correction immédiate obtenue par le corset en clinique. Elle a permis aussi de simuler les pressions appliquées sur le corps du patient et la distance entre la coque du corset et la peau du patient. La simulation des pressions appliquées a permis de vérifier si celles-ci respectent des seuils de pressions algométriques (seuil de douleur à la pression) préalablement définis à partir de la littérature. La simulation de l’interface corps-corset a permis d’enlever toute partie du corset ne participant pas à la correction, située à plus de 6 mm de la peau du patient. Plusieurs designs itératifs ont ainsi été testés et le design présentant la meilleure correction a été sélectionné pour la fabrication. Le deuxième corset (CorsetStandard) qui a été fabriqué est un corset de type Boston standard conçu selon la méthode du moule en plâtre. L’efficacité de chaque corset a été évaluée à l’aide de radiographies prises avec le corset installé et serré sur le patient. Pour chaque corset, un questionnaire permettant d’évaluer le confort a été remis au patient et une matrice de capteurs de pression a été installée sous le corset serré pour mesurer les pressions appliquées.
Le NouveauCorset a permis d’obtenir une correction moyenne de 39% en thoracique et de 49% en lombaire dans le plan coronal comparativement au CorsetStandard qui a permis d’obtenir une correction moyenne de 42% en thoracique et de 45% en lombaire. Les angles de cyphose et de lordose étaient légèrement moins réduits avec le NouveauCorset comparativement au CorsetStandard (respectivement 17° et 55° pour le NouveauCorset comparativement à 16° et 51° pour le CorsetStandard). Le déjettement a été corrigé de façon semblable pour les deux corsets, avec une mesure de 5 mm pour le NouveauCorset versus 4 mm pour le CorsetStandard comparativement à une valeur initiale de déjettement de 9 mm. La simulation a présenté une différence de mesure moyenne respective de 5° et 7° dans les plans coronal et sagittal comparativement aux résultats obtenus en clinique par le NouveauCorset.
Les pressions simulées ont concordé avec 92% des pressions mesurées cliniquement pour le NouveauCorset en ce qui concerne l’intensité et la localisation des pressions. Les pressions les plus élevées ont été observées au niveau des appuis correctifs thoraciques et lombaires puis au niveau des appuis axillaires et trochantériens du côté opposé de la courbure.
Selon les réponses recueillies auprès de 11 sujets, le NouveauCorset a été plus confortable que le CorsetStandard. Les quatre autres patients ont jugé les corsets également confortables. Comparativement au CorsetStandard, le NouveauCorset n’avait pas de couche interne en mousse et comportait de grandes ouvertures, notamment au niveau de l’abdomen et des crêtes iliaques. Il était en moyenne 61% plus mince et comportait 32% moins de matière.
Cette étude comporte quelques limites en ce qui concerne la plateforme de design utilisée. Les conditions limites imposées lors de la simulation de l’installation des corsets (fixation du bassin et de T1 dans l’espace, sauf sur l’axe vertical) ont pu affecter les résultats en représentant moins bien la rotation vertébrale et pelvienne produites lors de l’installation du corset. Cela pourrait expliquer la différence entre les résultats simulés et ceux obtenus en clinique. Aussi, l’outil de simulation a permis de simuler la correction passive du corset mais pas la simulation de correction active provenant de l’activation musculaire, qui n’était pas modélisée. Il n’a pas permis non-plus de simuler l’effet long terme du corset, qui résulte en particulier de l’effet sur la croissance, du remodelage et de la modification de posture. Comme pour les autres types de corsets conventionnels, l’efficacité du corset doit être estimée en se basant sur la correction immédiate obtenue dans le corset. De plus, les corsets TLSO n’étant pas des corsets hauts (ils ne présentent pas d’appuis supérieurs à la poitrine), ils ne permettent donc pas un aussi bon contrôle du segment thoracique supérieur à T6. En ce qui concerne la simulation des pressions, celle-ci peut s’avérer utile pour vérifier si les seuils de pressions algométriques sont respectés. Toutefois, la limitation des pressions en utilisant les mêmes seuils pour tous demeure un défi car chaque personne présente une tolérance différente à la douleur. Les seuils de pressions peuvent être utilisés comme guide lors de la conception du corset mais il serait encore plus intéressant d’élaborer une charte de pression pour les patients scoliotiques et de personnaliser le design du corset en fonction de la tolérance spécifique au patient.
Cette étude démontre la faisabilité d’intégrer des critères influençant le confort dans le design de corset tout en conservant l’efficacité biomécanique, avec des résultats cohérents pour une application clinique. Pour une validation plus poussée, l’étude devrait être poursuivie sur une plus grande cohorte de patients et l’effet long terme du NouveauCorset devrait aussi être évalué. Suite à cette validation, cette plateforme de design a le potentiel d’améliorer le design des corsets par l’intégration des critères de confort sans compromis pour l’efficacité biomécanique.
Adolescent idiopathic scoliosis (AIS) is a three-dimensional (3D) deformation that affects the anatomy and the biomechanic of the spine, rib cage and pelvis. Approximately 3-4% of the population, mainly girls, will be affected by this pathology. In the case of the progression of the curves, a treatment prescription will be necessary. For moderate cases (Cobb angle between 20˚ and 45˚), a preventive brace treatment is generally prescribed to stop the progression and avoid surgery. Although there are several types of brace, the most widely used in North America is a Boston-type thoraco-lumbo-sacral orthosis (TLSO). This brace has to be worn 23 hours per day during the patient growth. Patient’s participation and tolerance to the treatment remains a recurrent issue influencing brace treatment efficacy. The long-term treatment outcome depends not only on the immediate brace’s spinal correction but also on the brace wear time. Main factors having an influence on patients’ compliance to treatment are the treatment’s lack of aesthetics and the discomfort felt during the brace wear. The main discomfort parameters are the pressure applied which can be too strong and cause pain, humidity and a lack of mobility of the trunk segment.
In previous work by research teams at both CHU Ste-Justine and Ecole Polytechnique de Montreal, a computer assisted brace design platform was created. The platform combines the use of a brace design software (CFAO) and a simulation tool which can simulate the brace installation using a finite element model (FEM) of the patient's torso. This simulation tool can be used to test several iterative brace design and to select the design that allows the best spine correction. By linking the brace design software to a 3D carver, it is possible to fabricate the brace and to test the clinical installation. The feasibility of this method has been clinically validated on a cohort of 6 SIA patients. The outcomes showed that the simulation results were reliable and that the effectiveness of the braces designed by this platform was equivalent to the effectiveness of the standard Boston-type brace. However, the simulation tool does not consider comfort parameters that can influence patients’ participation and the long-term treatment effectiveness.
The objective of this study was to design and experimentally validate on a SIA patient cohort a more comfortable and biomechanically efficient orthopaedic brace by integrating comfort parameters to the brace design platform which combines the CFAO technology to the brace simulation tool.
For 15 AIS patients who received a Boston brace prescription, two braces were designed and clinically tested. The first brace (NewBrace) was designed using the computer assisted brace design platform. The internal geometry of each patient was obtained by a 3D reconstruction of the spine, rib cage and pelvis using bi-planar radiographs (posterior-anterior and lateral). The external geometry was obtained using a surface topography technique (scanner) using the whitelight technology. The superposition of the two geometries was done using radio-opaque markers and a FEM of the patient's torso was created. On the spine model, displacements were applied on targeted vertebras to obtain a corrected model of the spine. As the internal geometry is linked to the external geometry, the vertebras displacements resulted in a pre-corrected torso of the patient. The pre-corrected torso is then used for the brace design using an iterative process. Thoracic and lumbar corrective areas were then progressively increased (between 5 mm and 10 mm) and cutouts were applied to obtain a complete design. The simulation tool was then used to simulate the brace installation. The simulation provided the in-brace correction prediction obtained in clinic. It was also possible to simulate the pressures applied on the patient's body and the distance between the brace shell and the patient's skin. The simulation of the pressures applied was used to verify if the previously defined algometric thresholds from literature (pressure pain thresholds) were respected. The distance between the brace and the skin was used to remove all the brace material unnecessary to the correction, located at more than 6 mm from the patient's skin. Several iterative designs were tested and the best design was selected for the fabrication. The second brace (StdBrace) is a standard Boston-type brace fabricate using the plaster mould method. The effectiveness of both braces was evaluated using X-rays taken with the tighten braces installed on the patient. For both braces, a questionnaire to measure comfort was given to the patient and a pressure mat was installed under the tighten brace to measure the pressures applied.
The NewBrace corrected on average the deformity by 39% at the thoracic and 49% at the lumbar curves in the coronal plane compared to StdBrace which provided corrections of 42% and 45% respectively. The mean kyphosis and lordosis angles were slightly less reduced with the NewBrace than with the StdBrace (respectively 17° and 55° from the NewBrace versus 16° and 51° for the StdBrace). The imbalance was corrected similarly for both braces with a measurement of 5 mm for the NewBrace versus 4 mm for the StdBrace, compared to an initial imbalance value of 9 mm. The simulation showed an average difference of 5° and 7° respectively for the coronal and sagittal predictions compared to the NewBrace clinical outcomes.
The simulated pressures were coherent with 92% of the measured pressures for the NewBrace with regard to the pressure intensity and location. The highest pressures were located at the thoracic and lumbar corrective areas and at the axillary and trochanteric areas, on the opposite side of the corrective forces.
Eleven patients found that the NewBrace was more comfortable than the StdBrace. The four other patients considered a similar level of comfort between both braces. Compared to the StdBrace, the NewBrace did not include an inner foam layer and had large openings, particularly on the abdomen and the iliac crests. The NewBrace was in average 61% thinner and had 32% less material.
This study has some limitations regarding the design platform that was used. The boundary conditions imposed for the brace installation simulation (fixation of the pelvis and T1 in space, except on the vertical axis) can affect the results by being less representative for the spinal and pelvic rotation. This could explain the difference between the simulated results and those obtained in clinic. Also, the simulation tool can be used to simulate the brace’s passive correction but it does not represent the active correction resulting from muscular activation that was not modeled. It does not consider long-term variables which can have an influence on the simulation of the brace: growth, bone remodelling and posture modification. As for the other types of conventional orthosis, brace efficiency must be assessed by evaluating the immediate in-brace correction obtained in the brace. In addition, TLSO braces do not provide a good spine control for the thoracic segment above T6. As for the simulated pressures, it can be useful to verify whether the algometric thresholds are respected. However, limiting the applied pressures using the same thresholds for all patients remains a challenge because each person has a different pain tolerance. The pressure thresholds can be used as a guide during the brace design but it would be even more interesting to establish a pressure chart for scoliotic patients and to customize the brace design according to each patient’s pain tolerance.
This study shows the feasibility of integrating comfort parameters in brace design while providing biomechanical efficiency, with consistent results for a clinical application. To further validate the method, further studies should be pursued on a larger cohort of patients and the NewBrace long-term effect should also be evaluated. This validation has shown that the platform design has the potential to improve brace’s design while considering comfort parameters without compromising biomechanical efficiency.