Les disques intervertébraux confèrent flexibilité et mobilité à la colonne vertébrale, et sont responsables d’amortir et de transmettre les chargements tout le long du rachis. Avec l’âge et les facteurs environnementaux, l’usure et la dégénérescence des disques peuvent survenir et affecter considérablement leurs fonctions principales. La dégénérescence est généralement accompagnée de douleurs, principalement dans la région lombaire, celle étant la plus sollicitée mécaniquement. L’étude de cette pathologie a été entreprise par plusieurs expérimentations sur des rachis cadavériques, afin de mieux comprendre les effets de la dégénérescence sur la mobilité discale. En complément à ces études, des modèles éléments finis ont été développés afin de représenter le comportement biphasique des disques, essentiel à la représentation de la dégénérescence discale, mais peu de modèles ont été réellement exploités pour étudier la pathologie elle-même. Le présent projet visait à développer et valider un modèle poroélastique, par éléments finis, du disque intervertébral, puis à exploiter ce modèle pour identifier les paramètres biomécaniques discaux ayant une influence significative sur les comportements biomécaniques des disques sains et dégénérés.
Le premier objectif du projet était de développer et de valider un modèle par éléments finis poroélastique et paramétrique du disque intervertébral lombaire intégrant une représentation générique des différentes structures du disque, des plateaux cartilagineux et des corps vertébraux. La géométrie simplifiée a été générée à partir de courbes paramétriques et de mesures expérimentales tirées de la littérature. La hauteur discale et les propriétés poroélastiques des disques sains (grade I de la classification de Thompson) et dégénérés (grades III et IV) ont été tirés de la littérature. La validation a ensuite été réalisée pour les modèles des disques de grades I, III et IV à l’aide de courbes expérimentales de fluage en compression extraites de la littérature. De plus, les amplitudes de mobilité ont été comparées pour des sollicitations en inflexion latérale, flexion et extension, par rapport à celles issues d’expérimentations in vitro présentées dans la littérature. Les profils de pression interstitielle, de contrainte effective et de contrainte totale ont été comparés entre les différents niveaux de dégénérescence du disque, et l’apport des différents chargements a été calculé afin d’identifier la phase (solide ou fluide) qui régit le comportement discal, sous l’application de chargement en compression, inflexion latérale, flexion et extension. Pour ce faire, une contrainte de 0,35 MPa a été appliquée pour le chargement en compression, et un moment de 5Nm a été ajouté pour les chargements d’inclinaison. La validation du modèle, sous un chargement en compression pure, a démontré une bonne concordance avec les courbes expérimentales de fluage. Par contre, les amplitudes de mouvement en inflexion latérale, flexion et extension se sont avérées plus faibles que celles observées à partir d’expérimentations sur les rachis cadavériques. La comparaison des profils de contraintes pour les modèles des grades I, III et IV a montré que les contraintes sont davantage concentrées dans la région de l’annulus lorsque le disque est dégénéré, principalement dans la région comprimée. Par ailleurs, plus le temps d’application du chargement augmente plus la pression interstitielle diminue, au profit de la contrainte effective, et ce, d’autant plus rapidement lorsque le disque est dégénéré. En effet, les profils du disque sain ont montré que la grande majorité de la contrainte était reprise par le fluide discal tout au long de la sollicitation, alors que chez le disque dégénéré, la contrainte effective agissant sur la matrice solide reprend la majorité du chargement en fluage.
Le deuxième objectif du projet visait à identifier les propriétés discales ayant une influence significative sur le comportement biomécanique des modèles des disques sains (GR.I) et dégénérés (GR.IV). Les effets de la hauteur discale, la proportion de fibres de collagène, les modules d’Young ainsi que la perméabilité de l’annulus et du nucleus ont été étudiés à l’aide d’un plan d’expérimentation, permettant ainsi de réduire le nombre de simulations à réaliser. Les modalités des 6 paramètres étudiées ont été fixées à ±40% des valeurs utilisées dans les modèles validées pour chaque grade. Un total de 16 simulations a été réalisé pour chacune des sollicitations suivantes : compression pure, inflexion latérale, flexion et extension, selon le grade de dégénérescence, pour un total de 128 simulations. De plus, l’influence significative (p-value < 0,05) des paramètres a été étudiée en fonction des indices de mobilité (amplitude de mouvement et taux de déformation pour des temps de sollicitation correspondant à 1, 5, 45, 125 et 245 minutes) et des indices de transfert de chargement (contraintes effectives et pressions interstitielles dans les régions discales médianes pour des temps correspondant à 1, 5, 45, 125 et 245 minutes d’application du chargement). Les analyses ont indiqué que la hauteur discale est un paramètre qui influence grandement l’ensemble du comportement biomécanique discal, peu importe que le disque soit sain (GR.I) ou dégénéré (GR.IV). Pour toutes les sollicitations étudiées, le module d’Young de l’annulus avait un effet significatif sur la contrainte effective uniquement dans la région de l’annulus comprimée pour le grade I, alors que son effet était significatif dans la région du nucleus vers la fin de l’application du chargement pour le grade IV. De plus, l’impact de la perméabilité augmente dans le temps, principalement dans les régions comprimées, chez le disque sain, alors que la situation inverse a été observée chez le disque dégénéré, où l’effet de la perméabilité diminue avec le temps de sollicitation.
Quelques limites sont associées à l’étude. D’abord, la géométrie générique exploitée a uniquement considéré la variation de la hauteur discale pour représenter les changements géométriques reliés à la dégénérescence, puisqu’il s’agit d’un paramètre subissant des altérations importantes lors du processus de dégénérescence. Par contre, les détails géométriques spécifiques de patients particuliers reliés à leur dégénérescence discale n’ont pas été pris en compte. Néanmoins, les prédictions du modèle concordent avec les courbes de fluage pour un chargement en compression pure. Bien que les mobilités relevées pour les chargements en inflexion latérale, flexion et extension étaient inférieures à celles d’études expérimentales, les tendances observées concordent, c’est-à-dire que l’amplitude de mobilité décroît avec la dégénérescence. Par ailleurs, la pression osmotique, qui offre une résistance supplémentaire à l’écoulement du fluide, n’a pas été considérée dans la modélisation, ce qui a probablement une importance sur le comportement du grade I, mais son impact demeure incertain chez le disque dégénéré qui agit davantage comme un solide.
Le travail réalisé dans le cadre de ce projet de maîtrise a su démontrer la différence biomécanique entre les fonctionnements des disques sains et dégénérés. L’approche de modélisation développée permet la représentation des grades de dégénérescence en variant les paramètres discaux associés aux changements dégénératifs. Le disque sain est davantage géré par le fluide nucléique, alors que le disque dégénéré est régi par la matrice solide, principalement celle de l’annulus. Ce travail de modélisation se distingue des autres travaux publiés par le fait que pour la première fois, les paramètres qui régissent le comportement des disques sains et dégénérés ont été identifiés. Dans un but d’amélioration du modèle, les travaux futurs devraient inclure une géométrie et des propriétés mécaniques personnalisées du disque à partir de techniques d’imagerie. De plus, le modèle devrait intégrer les éléments postérieurs et être étendu au rachis lombaire afin de caractériser l’effet de la dégénérescence sur les autres constituants de la colonne vertébrale, tels l’effet du transfert de chargement à un niveau vertébral sus-jacent ou encore l’effet sur les facettes articulaires et les ligaments. Également, le modèle pourrait être utilisé afin d’étudier l’impact de certaines postures ou sollicitations dynamiques sur le comportement du disque dégénéré, en comparaison avec le modèle sain.
The intervertebral discs impact the flexibility and mobility of the spine and play an important role in transmitting loads through the spine. Disc wear and degeneration occur as a result of age and environmental factors while these changes affect the main function of the disc. The degeneration is generally associated with low back pain, mainly in the lumbar region, where the spine carries heavy loads. Experimental studies were realized on cadaveric functional units to investigate this pathology and to understand its effect on spinal mobility. As a complement, poroelastic finite element (FE) models have been developed and used to represent the biphasic behaviour of the disc. The inclusion of this poroelasticity is essential in the representation of the degeneration process. However, to date such models were not really used to study the degenerative pathology by itself. The purpose of this project was to develop and validate a poroelastic parametric FE model of the intervetebral disc and then identify the significant biomechanical parameters affecting the healthy and degenerated disc behaviour. The first objective of this project was to develop and validate a poroelastic parametric FE model, which integrates a generic representation of the disc structure, endplates and vertebral bodies. The simplified geometry was generated using published parametric equations and data found in the literature. Disc height and poroelastic properties of both healthy (Thomson grade I) and degenerated (Thompson grades III and IV) discs were also taken from published data. FE models were validated using published experiments exploring creep. Ranges of motion (ROM) in lateral bending, flexion and extension were compared with those from published in vitro experiments. Pore pressure (PP), effective stress (SE) and total stress (ST) profiles were analyzed as a function of time following the application of load along discal region profiles for each disc grade. The relative contribution of SE and PP was then analyzed as function of time and in the mid-sagittal region. To do so, a compressive stress of 0,35 MPa was applied for every loading case and a moment of 5Nm was added. Simulations of grades I, III and IV disc models using the compressive stress alone agreed well with available published experimental creep data. However, ranges of motion obtained from bending moments were lower than published experimental values. As compared with healthy disc models, stress profiles were mainly concentrated in the annulus region for degenerated disc models (principally in the compressed zone). The PP was dissipated as consolidation occurs, at a higher rate for highly degenerated discs (GR.IV). Then, as the fluid was expulsed, the solid matrix took up extra stresses. For healthy discs, the majority of stress was carried out by the fluid for the entire loading time. Conversely, the majority of stress was undertaken by the solid matrix at the end of the loading application for the degenerated discs.
The second objective was to determine discal properties significantly affecting the biomechanical behaviour of healthy (GR.I) and degenerated disc (GR.IV) models. Disc height (H), fiber proportions (%F), drained Young’s modulus (Ea, En) and initial permeability (ka, kn)) of both annulus (a) and nucleus (n) were analyzed using an experimental design. Modalities of these parameters were set as ±40% above and below mean values used for healthy (GR.I) and degenerated (GR.IV) discs. A total of 16 simulations were performed for every combination of disc grades and loading cases (compression, lateral bending, flexion and extension). To determine the significant influence (p-value < 0,05) on the biomechanical behaviour of the disc model, mobility (ROM and strain rate after 1, 5, 45, 125 and 245 minutes of creep deformation) and load transfer (PP and effective stress profiles in discal region at 1, 5, 45, 125 and 245 minutes of loading application) were analyzed. The statistical analysis showed that disc height had a significant influence (p < 0.05) on the overall biomechanical behavior for both healthy and degenerated disc models during the entire loading history. For all loading cases, the annulus’ Young modulus significantly affected SE in the annulus zone for both disc grades, but was also significant in the nucleus zone for the degenerated discs with further creep response. Permeability had a significant influence on PP stress for both disc grades, but this effect occurred earlier in the degenerated discs when compared to healthy discs.
This study includes some limitations. First, disc height, which is considerably altered by the process of disc degeneration, was the only modified geometrical parameter used to represent the degenerated disc geometry. However, the use of a generic geometry does not strictly correspond to the personalize disc degeneration observed in vivo. Nevertheless, the FE-predicted creep curves agreed well with those from the literature. The ROM FE-predicted in lateral bending, flexion and extension was inferior to published ROM. However, the trends were similar, and the ROM decreased with disc degeneration. Osmotic pressure, which offers a supplementary resistance to fluid movement, was not considered in the model. This probably affected the response of the healthy disc, but this omission remained less important in the degenerated disc behavior, which behaved more like a solid material.
The work carried out in the framework of this project demonstrated the difference between mobility and load-sharing for healthy and degenerated disc models. The developed modeling approach allowed the representation of disc grades by altering mechanical and geometrical parameters associated with the degeneration process. Healthy disc behavior was mainly carried by nucleic fluid, whereas degenerated disc behavior was mainly carried by the solid phase. This modeling work distinguishes itself from other published models as, for the first time, the parameters that affect biomechanical behaviour of healthy and degenerated disc were identified. Further studies should be performed to include personalized disc properties with the help of quantitative imaging techniques. Futhermore, the model should include posterior elements and should be extended to include the complete lumbar segment in order to perform extensive studies on the degenerated disc response. More specifically, such as studies may explore the effects of degenerated discs on the adjacent levels or the degenerative impact on the facet joint and ligaments. Moreover, the model should be used to study the impact of posture and dynamic solicitation on the biomechanical behaviour of healthy and degenerated discs.