La croissance longitudinale des os a lieu au droit des plaques de croissance, tissus conjonctifs situés à l’extrémité des os et histologiquement divisés en trois zones (réserve, proliférative et hypertrophique). Alors que les chargements mécaniques sont essentiels pour la croissance normale des os, un chargement excessif peut mener à une croissance anormale. Ce phénomène réfère à la modulation mécanique de la croissance osseuse, impliquée dans la progression de nombreuses déformations musculosquelettiques et dans le développement de nouvelles approches minimalement invasives pour leur traitement. Ces nouvelles techniques sont basées sur la modulation de croissance locale et visent à préserver la croissance et la mobilité segmentaire. De nombreuses études in vivo ont investigué la réponse mécanobiogique de la plaque de croissance. Alors que les effets du chargement statique sur la croissance sont bien caractérisés, les études comparant les effets du chargement statique versus dynamique sont peu nombreuses et utilisent des chargements non contrôlés, non normalisés ou non équivalents. Ces limites méthodologiques pourraient être la cause des résultats contradictoires reportés dans la littérature. Basé sur nos connaissances, il n’est donc pas possible de déterminer quel type de régime, statique ou dynamique, offre le meilleur potentiel de modulation mécanique de croissance et présente le moins de dommages pour la plaque de croissance. L’objectif de cette étude est de caractériser et comparer les effets d’un chargement in vivo en compression statique et dynamique sur le taux de croissance osseuse et sur l’histomorphométrie de la plaque de croissance dans un modèle animal de rat.
Vingt-quatre rats ont été aléatoirement répartis en quatre groupes: contrôle, sham, statique et dynamique. Aucune manipulation n’a été effectuée sur les rats du groupe contrôle tandis que les rats des autres groupes ont été opérés à l’âge de 28 jours, suite à une période d’acclimatation d’une semaine. Une compression normalisée a été appliquée sur la 7ème vertèbre caudale (Cd7), de manière soutenue pour le groupe statique (0,2 MPa - 0,0 Hz) et sinusoïdale (0,2 MPa ± 30% - 0,1 Hz) pour le groupe dynamique. Afin d’évaluer l’effet de la procédure chirurgicale, le groupe sham a également été opéré mais sans aucune application de charge. Deux injections de calcéine (marqueur de minéralisation active) ont été effectuées, cinq jours et deux jours avant le sacrifice. Les rats ont été euthanasiés à l’âge de 43 jours, après 15 jours d’expérience. Les vertèbres ont été immédiatement collectées, traitées puis enrobées dans le méthylmétacrylate. Le taux de croissance (mesuré entre les deux fronts de calcéine) et l’histomorphométrie de la plaque de croissance (coloration à la toluidine bleue) ont été mesurés puis comparés dans une étude statistique.
Les résultats démontrent que le chargement dynamique est aussi efficace que le chargement statique en termes de modulation mécanique de croissance. En effet, le taux de croissance de Cd7 a été significativement réduit de 19% pour ces deux régimes de chargement, lorsque comparés au groupe sham. En revanche, le chargement statique altère plus sévèrement l’histomorphométrie de la plaque de croissance comparé au chargement dynamique. En effet, des réductions statistiquement significatives ont été observées dans le groupe statique lorsque comparé au groupe sham pour l’épaisseur de la plaque de croissance (réduction de 14% versus 4% dans le groupe dynamique), le nombre de chondrocytes par colonne dans la zone proliférative (réduction de 23% versus 8% dans le groupe dynamique) et la hauteur des cellules hypertrophiques (réduction de 19% versus 9% dans le groupe dynamique). Des différences statistiquement significatives ont également été observées entre les groupes statique et dynamique pour l’épaisseur de la plaque de croissance et le nombre de chondrocytes par colonne. La différence observée pour la taille des chondrocytes hypertrophique a presque atteint le niveau de significativité.
Les chargements statique et dynamique, équivalents en termes de contrainte moyenne résultante, sont aussi efficaces en termes de modulation mécanique de croissance osseuse. Cette observation suggère que le chargement moyen résultant serait le facteur biomécanique prépondérant dans la modulation mécanique de croissance comparativement aux variations minimale et maximale de compression. Pour la même modulation mécanique de croissance, les chargements statiques causent plus de dommages à l’histomorphométrie de la plaque de croissance que les chargements dynamiques. L'importante réduction observée pour l’épaisseur de la plaque de croissance dans le groupe statique est liée à une diminution substantielle des paramètres histomorphométriques cellulaires associés à la prolifération (nombre de chondrocytes par colonne dans la zone proliférative) et à l'hypertrophie (hauteur des chondrocytes dans la zone hypertrophique), deux processus essentiels à la croissance longitudinale des os. L’impact moins important de la compression dynamique sur l’histomorphométrie de la plaque de croissance pourrait être attribué à des effets différents du chargement dynamique sur la matrice extracellulaire, dont la composition, la synthèse et la dégradation jouent un rôle clé dans la prolifération et l’hypertrophie des chondrocytes.
Les limitations de cette étude résident principalement dans l’investigation d’un unique niveau de chargement et d’une unique fréquence. Ces deux paramètres de même que la reprise de croissance après retrait du chargement, l’effet du chargement de jour ou de nuit ou encore les effets sur la biologie de la plaque de croissance pourraient être investigués dans une future étude.
Basé sur nos connaissances, cette étude in vivo comparant la compression statique et dynamique est la première utilisant des chargements continus, normalisés, bien contrôlés et équivalents en termes de contrainte moyenne résultante. L’hypothèse de recherche selon laquelle la réponse mécanobiologique de la plaque de croissance dépend du régime de chargement est donc confirmée. En effet, la modulation de croissance dynamique serait aussi efficace mais plus conservatrice que la modulation de croissance statique. Ces résultats s’avèrent prometteurs en termes de modulation de croissance non dommageable utilisant des chargements plus représentatifs des conditions physiologiques (dynamiques) pour le développement de traitements minimalement invasifs des déformations musculosquelettiques pédiatriques.
Longitudinal bone growth occurs at the end of bones, in growth plates, a connective tissue histologically divided into three zones (reserve, proliferative and hypertrophic). Loads are essential to normal bone growth, yet, if too elevated, these loads can result in abnormal growth. This phenomenon refers to the mechanical modulation of bone growth and is involved in the progression of several musculoskeletal deformities. This process also plays a key role in the development of new minimally invasive approaches for their treatment. These new techniques locally target the modulation of growth while preserving growth and segment motion. Several in vivo studies have examined the mechanobiological response of growth plates. While the effects of static loading are well characterized, the few reported static/dynamic comparative studies are using load parameters which are not well controlled, normalized or matched. These methodological limitations could explain inconsistent results currently reported in the literature. Based on our knowledge, it is not possible to determine which regimen, static or dynamic, provides the best growth modulation potential and the less detrimental effect on the growth plate histomorphometry. The aim of this in vivo study is to characterize and compare the effects of static versus dynamic compression on the growth rate and on the growth plate histomorphometry using a rat animal model.
Twenty-four rats were randomly divided into four groups: control, sham, static and dynamic. Control rats underwent no manipulation while other rats were operated at 28 days old, following one week of acclimatization. A normalized compression was applied on the seventh caudal vertebra (Cd7). The load was sustained (0.2 MPa, 0.0 Hz) in the static group and sinusoidally oscillating (0.2 MPa ± 30%, 0.1 Hz) in the dynamic group. To determine the effects of the surgical procedure, sham rats were also operated but no load was applied. All rats were injected with calcein (a mineralizing bone label) five days and two days prior to euthanasia. The rats were euthanized at 43 days old, after a 15-day period. Vertebrae were immediately collected, processed and embedded in methylmetacrylate. The growth rate (measured between the two calcein labels) and the histomorphometry of the growth plate (toluidine blue staining) were evaluated and compared in a statistical study.
Results showed that dynamic loading is as effective as static loading in terms of mechanical modulation of bone growth. Cd7 growth rate was indeed significantly reduced by 19% for both loading regimens when compared to the sham group. However, static loading altered more severely the histomorphometry of the growth plate than dynamic loading. Statistically significant reductions were indeed observed in the static group when compared to the shams for the growth plate thickness (reduction of 14% versus 4% in the dynamic group), for the number of proliferative chondrocytes per column (reduction of 23% versus 8% in the dynamic group) and for the height of hypertrophic chondrocytes (reduction of 19% versus 9% in the dynamic group). Statistically significant differences were also observed between static and dynamic groups for the growth plate thickness and the number of proliferative chondrocyte per column. The difference observed between static and dynamic group for the height of hypertrophic chondrocytes almost reached significance.
Static and dynamic loadings, which are equivalent in terms of average stress, are equally effective in terms of mechanical modulation of bone growth. This finding suggests that average compressive stresses rather than peak compressive stresses would be the active biomechanical factors modulating bone growth. For the same mechanical modulation of bone growth, static loadings are more detrimental in terms of growth plate histomorphometry than dynamic loading. The important reduction observed in the growth plate thickness following static loading is due to reductions in cellular characteristics associated with proliferation (number of chondrocytes per column in the proliferative zone) and hypertrophy (height of hypertrophic chondrocytes), two cellular process strongly involved in the longitudinal bone growth. The less significant impact of dynamic compression on growth plate histomorphometry could be attributed to different dynamic loading effects on the growth plate extracellular matrix whose composition, synthesis and degradation play a key role in chondrocyte proliferation and hypertrophy.
Limitations of this study mainly include the use of one load level and one frequency. These two parameters associated with the potential resumption of normal growth after removal compressive loading, the effects of full-time, day-time or night-time loading as well as the effects of static versus dynamic loading on the growth plate biology could be investigated in a future study.
Based on our knowledge, this in vivo study comparing static/dynamic loading is the first using continuous, finely controlled, normalized and matched in terms of average stress loading. The research hypothesis stating that the mechanobiological response of growth plate depends of the loading regimen, static or dynamic, is confirmed. Indeed, dynamic modulation of bone growth would be as effective but less detrimental than static modulation. These results are promising in terms of non detrimental growth modulation with loadings reproducing more physiological conditions (dynamic) for the development of minimally invasive treatment of pediatric musculoskeletal deformities.