La scoliose est une maladie caractérisée par une déformation en trois dimensions du rachis qui affecte entre 2% et 3% de la population. Dans le cas de scolioses progressives et sévères, un traitement par chirurgie est généralement nécessaire pour corriger les déformations. Les chirurgies les plus utilisées consistent à venir corriger les courbes scoliotiques à l’aide d’une instrumentation composée de tiges fixées postérieurement aux vertèbres par des vis, crochets ou bandes flexibles, afin de venir fusionner les niveaux instrumentés. Ce type de chirurgie restreint cependant la croissance et la flexibilité du rachis. Une approche plus récente de modulation de croissance, sans fusion, pour les patients pédiatriques, consiste à implanter des vis latéralement sur les corps vertébraux, du côté convexe de la courbe, puis de relier les vis avec un câble qui est mis en tension. Cette compression intervertébrale induit une correction initiale et transfert les charges de compression des plaques de croissance des corps vertébraux du côté concave vers le côté convexe. Ce rééquilibrage des chargements est utilisé pour une correction additionnelle dans le temps avec une modulation de la croissance, basé sur le principe de Hueter-Volkmann. Ce dernier principe décrit le phénomène de ralentissement de la croissance osseuse pour une plaque de croissance en compression et l’accélération lorsqu’en tension. Pour cette chirurgie appelée « Anterior Vertebral Body Tethering », il est difficile pour les chirurgiens de prédire les résultats à long terme.
Pour aider à planifier cette chirurgie, une approche récente utilisant un modèle par éléments finis personnalisé a permis de simuler cette chirurgie et la croissance du patient sur 2 ans avec une précision moyenne de 4° d’angle de Cobb. Ce modèle utilise en entrée des données préopératoires et n’est cependant pas mis à jour pour tenir compte de la variabilité du positionnement intraopératoire du patient et des vis, ainsi que celle des manipulations de correction.
Les systèmes de navigation chirurgicale basés sur l’imagerie intraopératoire sont utilisés pour guider l’installation des vis et/ou vérifier leur position. Ces systèmes permettent aussi de recaler certaines planifications préopératoires sur le patient et d’assister à l’exécution des manœuvres. Tel un GPS pour une voiture, la navigation permet à un outil chirurgical équipé d’une référence dynamique de se situer sur le patient virtuel (carte routière) pour bien se positionner dans le patient (route). Ce système de navigation n’est cependant pas utilisé avec la planification préopératoire basée sur le modèle par éléments finis.
Ce projet visait à intégrer le modèle par éléments finis personnalisé au système de navigation, dans le but de prendre en compte le réel positionnement intraopératoire du patient et des vis pour faire la mise à jour de la planification. Plus spécifiquement, les deux sous-objectifs consistaient à recaler le modèle par éléments finis sur les images de CBCT intraopératoires, puis de faire l’acquisition de la position des vis dans le modèle pour refaire la simulation des manœuvres de correction. La méthode développée pour recaler le modèle par éléments finis sur les images CBCT
intraopératoires comporte des étapes pré et intraopératoires. Préopératoirement, une reconstruction 3D du rachis, du bassin et de la cage thoracique du patient est obtenue à partir de radiographies biplanaires, le modèle est construit sur cette géométrie et la flexibilité du patient est calibrée, puis la simulation des manœuvres de correction est effectuée pour générer la planification préopératoire. Au début de l’opération, des images de CBCT du patient en position décubitus latéral sont acquises, puis un algorithme de segmentation automatique génère les modèles 3D des corps vertébraux et pédicules. Le modèle par éléments finis est premièrement aligné globalement de manière rigide en recalant une seule vertèbre sur celle correspondante sur les images CBCT. Cet alignement est obtenu en définissant des nuages de points représentant la surface des corps vertébraux et pédicules seulement, pour la vertèbre du modèle et du CBCT, en alignant leurs systèmes de coordonnés locaux et finalement en alignant les nuages de points avec un algorithme d’optimisation «Iterative Closest Point». Pour prendre en compte la différence de positionnement, une simulation de recalage de multiples niveaux est accomplie en appliquant des déplacements sur certaines des vertèbres du modèle vers celles correspondantes dans les images CBCT, utilisant ainsi le comportement biomécanique du modèle pour recaler toutes les vertèbres. La planification de la chirurgie a ensuite été mise à jour à partir de la nouvelle position relative des vertèbres.
Cette méthode de recalage a été validée en utilisant des données rétrospectives de CBCT intraopératoire, de reconstruction 3D et de modèles par éléments finis de 18 patients scoliotiques ayant subi la chirurgie de modulation de croissance au CHU Sainte-Justine. Les images de CBCT ont été automatiquement segmentées, puis le modèle a été recalé pour tous les patients de la cohorte. Après le recalage, une différence de translation de 1.4 ± 1.2mm a été mesurée en calculant la distance euclidienne entre des marqueurs anatomiques des vertèbres du modèle et des modèles 3D des images CBCT. La différence d’orientation de 2.7 ± 2.6º, 2.8 ± 2.4º et 2.5 ± 2.8º dans les plans frontal, sagittal et transverse respectivement a été mesurée en calculant l’angle entre les axes des repères locaux des vertèbres du modèle et des images CBCT. La distance surface à surface moyenne après recalage était de 1.5 ± 1.2mm et le processus de recalage a pris en moyenne 204 ± 25s.
La méthode d’acquisition de la position des vis dans le modèle consiste à utiliser le tournevis utilisé en chirurgie et d’y fixer une référence dynamique. À la fin de chaque insertion, la position de la vis est acquise par un ordinateur connecté au navigateur, puis recalée sur le modèle pour faire la simulation des manœuvres de correction avec les positions réelles du patient et des vis. La calibration de la référence dynamique pour permettre la navigation du point de fixation du câble sur la vis a été faite à l’aide d’un outil de calibration spécialement conçu qui comporte la même interface qu’une vis. Le processus de calibration est effectué selon les instructions sur l’écran du navigateur, en utilisant un palpeur, la référence dynamique du patient, ainsi que le tournevis équipé de la référence dynamique et de l’outil de calibration. L’outil de calibration est ensuite retiré pour l’insertion des vis. Un ordinateur connecté au navigateur par un fil Ethernet, communiquant par le protocole TCP/IP avec le logiciel StealthLink Server permet ensuite de faire l’acquisition des positions du bout et de l’arrière du tournevis perçues par le navigateur en 3D. Le recalage des positions acquises est effectué en utilisant l’inverse de la même transformation géométrique rigide qui aligne globalement le modèle sur les images CBCT. Une fois les positions acquises, le système de coordonnées local des vis est calculé et les positions des nœuds de vis sont placés sur l’axe de la vis où le câble s’installe. Ces nœuds sont lus par le modèle pour générer les éléments de vis qui sont ensuite utilisés pour simuler les manipulations de correction, qui prend alors en compte le positionnement intraopératoire du patient et des vis.
La méthode d’acquisition des vis a été validée sur un fantôme conçu en se basant sur la reconstruction 3D d’un des patients de la cohorte et en utilisant une reproduction du tournevis imprimé en 3D équipé d’une référence dynamique amovible. Les positions acquises ont été comparées à celles observées directement sur le rendu de volume des images CBCT. La différence en translation pour l’acquisition était en moyenne de 1.0 ± 0.4mm, tandis que celle d’orientation était de 1.9 ± 0.5°, 1.7 ± 0.5° et 2.2 ± 0.9° dans les plans frontal, sagittal et transverse respectivement. La méthode de transfert des positions vers le modèle a été validé par inférence en faisant une simulation d’acquisition sur des modèles 3D de vis insérés dans la reconstruction 3D du modèle par éléments finis recalé sur les images CBCT. La simulation avec les positions intraopératoires du patient et des vis a été exécutée avec succès pour le seul patient testé.
Ces deux méthodes ont été implémentées dans un logiciel nommé SimNav, qui permet l’exécution automatique ou manuelle du processus de recalage et de faire l’acquisition de la position des vis dans le modèle. Le logiciel permet aussi de lancer les simulations, d’élaborer la planification préopératoire et de configurer plusieurs scénarios d’instrumentation.
Les résultats ont montré la faisabilité de l’intégration du modèle par éléments finis personnalisé au système de navigation, mais les méthodes développées présentent encore quelques limitations. La méthode de calcul de la position des repères anatomiques sur les modèles 3D des vertèbres dans les images CBCT n’a pas été validée. De plus, le modèle altère la géométrie de la reconstruction 3D au moment de faire la modélisation automatique du patient et affecte le processus de recalage qui se base sur l’hypothèse que cette géométrie est représentative de celle du patient. Pour ce qui est de l’acquisition de la position des vis dans le modèle, une récente lettre d’avertissement de la Food and Drug Administration stipule que l’utilisation d’une référence dynamique amovible est plus risquée que d’utiliser un outil équipé d’une référence dynamique intégrée et précalibrée au navigateur. La validation des algorithmes, la géométrie du modèle et la conception d’un outil dédié à la navigation des vis pour cette chirurgie sont tous des problèmes qui devront être adressés dans le futur. Certains concepts pour faire le guidage de la manœuvre de correction ont été élaborés lors de ce projet, mais aucun n’a fait l’objet d’un développement technique et devront être étudiés davantage dans des projets à venir.
Ce projet a permis de montrer la faisabilité d’intégrer au navigateur intraopératoire la planification chirurgicale obtenu du modèle par éléments finis personnalisé pour la chirurgie de modulation de croissance. Les outils développés dans ce projet sont les premiers composants d’un système de navigation qui intègrera la planification chirurgicale basée sur un modèle par éléments finis personnalisé, le recalage intraopératoire et le guidage des manœuvres pour optimiser les résultats à long terme de cette chirurgie.
Scoliosis is a disease characterized by a 3D deformation of the spine that afflicts between 2% and 3% of the population. In the case of severe progressive scoliosis, surgical treatment is generally necessary to correct the deformations. The most utilized surgery are correcting the scoliotic curves with an instrumentation composed of rods fixed on the posterior side of the vertebrae with screws, hooks or bands, in order to fuse the instrumented levels. This type of surgery has the disadvantage of restraining the growth and flexibility of the patient. More recent approaches of fusionless growth modulation can be used on patients with remaining growth, one of which consists of inserting screws laterally on the vertebral body, on the convex side of the curve and attach them with a cable in tension. This intervertebral compression results in an initial correction and a transfer of the compression loads on the growth plates from the concave to the convex side. This rebalancing of loads is used to induce a growth modulation and further correct the spine over time, based on the Hueter-Volkmann principle. This principle describes the reduced bone growth rate of an epiphyseal plate that is under compression and a greater growth rate when under tension. For this surgery named « Anterior Vertebral Body Tethering », it is hard for surgeons to predict the long term outcomes.
To help surgeons to plan this surgery, a recent approach based on a personalized finite element model allowed to simulate the surgery and growth over 2 years with an average of 4° of Cobb angle accuracy. This model uses preoperative data as input and do not take into account variations in patient and screw positioning, as well as in correction manoeuvers.
Image based navigation systems are used for this surgery in order to guide the insertion of the screws and/or verify their position. Those systems also allow for the registration of some preoperative plans and assists the execution of the manoeuver. Like a GPS for cars, navigation allows to show a tool that is equipped with a reference frame on the virtual patient (road map) to navigate to a proper point in the patient (road). However, this navigation system is not used with the finite element model based surgical plan.
This project aimed to integrate a personalized finite element model to the navigation system to update the preoperative surgical plan with the intraoperative patient and screw positioning and allow the update of the plan. More specifically, the sub-objectives were to first, register the model to the intraoperative CBCT images and secondly, to acquire the screw positioning into the finite element model in order to update the correction manoeuver simulation.
The developed method to register the finite element model to the intra-operative CBCT images consists of pre and intraoperative steps. Preoperatively, the spine, pelvis and thoracic cage are 3D reconstructed from biplanar radiograph before the model is constructed and the flexibility of the patient is calibrated, then the preoperative plan is obtained by simulating the surgery. At the beginning of the operation, CBCT images of the patient in the lateral decubitus positioning are acquired, then an automatic segmentation algorithm generates the vertebral body and pedicles 3D models. The finite element model is first globally aligned by rigidly registering one of its vertebra to the corresponding one in the CBCT images. This alignment is obtained by defining two point clouds representing the points on the surface of the vertebral body and pedicles only, for one target vertebra in the finite element model and CBCT, by aligning their local coordinate systems and finally align the point clouds with an iterative closest point algorithm. To account for positioning differences, a multi-level registration simulation is achieved by applying displacements to a few vertebra of the finite element model towards their corresponding ones in the CBCT, using the biomechanical behaviour of the model to register all the vertebrae. The surgical plan is then updated from the new relative positions of the vertebrae.
This method has been validated with retrospective intra-operative CBCT images, 3D reconstructions and finite element models of 18 scoliotic patients that had previously undergone growth modulation procedures at the CHU Ste Justine hospital. CBCT images have been automatically segmented, then the finite element model has been registered to the model for all the patients of the cohort. After registration, the translation error was of 1.4 ± 1.2mm, measured as the Euclidean distance between anatomical landmarks on the finite element model and CBCT vertebrae. The orientation error was 2.7 ± 2.6º, 2.8 ± 2.4º and 2.5 ± 2.8º in the frontal, sagittal, and transverse planes respectively and obtained by measuring the angle between the axes of the corresponding local coordinate system in the three planes. The average surface-to-surface distance was 1.5 ± 1.2mm and the registration process took on average 204 ± 25s.
The proposed method for the acquisition of the screw positioning in the model uses the actual screwdriver used for this surgery, with a removable reference frame. At the end of each insertion, the positioning of the screw is acquired using a computer that is connected to the navigator, then registered on the model (registered to the patient) to allow for the simulation of the correction manoeuvers with the actual patient and screw positioning. The calibration of the reference frame on the screwdriver to allow navigation of the center of the screw was achieved using a specifically designed calibration tool that attaches to the screwdriver like a normal anterior vertebral body tethering screw. The calibration process is done following the instructions shown on the navigator’s screen, using a navigated probe, the patient’s reference frame and the screwdriver equipped with the reference frame and the calibration tool. The calibration tool is then removed for the insertion of the screws. A computer connected to the navigator with an Ethernet cable and communicating using the TCP/IP protocol with the StealthLink Server allows to acquire the position in 3D of the tip and hind of the screwdriver, as tracked by the navigator. Those positions are then registered on the FEM using the inverse of the transformation that globally aligns the finite element model to the CBCT images. Once the position acquired, the local coordinate system is computed and the screw nodes are placed along the axis where the cable passes. Those nodes are added to the model to generate the screw elements that are then used to simulate the correction manipulation simulation that takes into account the actual patient and screw positioning.
The method to acquire the screw positioning in the model has been validated on a phantom based on the 3D reconstruction of one of the patients in the cohort, using a 3D printed replica of the original screwdriver equipped with a removable reference frame. The acquired positions have been compared to the corresponding points measured directly on the CBCT images. The translation error was on average 1.0 ± 0.4mm and the orientation error was 1.9 ± 0.5°, 1.7 ± 0.5° and 2.2 ± 0.9° in the frontal, sagittal and transverse planes. The method to transfer the acquired positions to the finite element model has been validated by inference by simulating an acquisition with screw 3D models inserted in the 3D reconstruction of the registered finite element model. The simulation with the actual patient and screw positioning was successfully solved for the only tested patient.
Those two methods have been implemented in a dedicated software called SimNav that allows the automatic or manual execution of the registration process and to acquire the screw positions in the model. The software also allows to launch simulations, to elaborate the preoperative plan and to configure different instrumentation scenarios.
The results have shown the feasibility of the integration of the personalized finite element model to the navigation system, but the developed methods still have some limitations. The method to compute the anatomical landmarks on the 3D models of the CBCT images has not been validated. Furthermore, the finite element model modify the actual patient geometry when built. This impacts the registration process, because it is based on the hypothesis that the geometry represents the actual patient. For the screw positioning acquisition method, a warning letter from the Food and Drug Association stipulates that the use of a removable reference frame is riskier than a tool with a reference frame integrated and pre-calibrated to the navigator. The validation of the algorithms, the geometry of the model and the design of a dedicated navigated tool for the screw insertion will have to be assessed in the future. During this project, some concepts have been elaborated to guide the correction manipulation, but none have been under technical development and this subject will have to be studied in the next projects.
This project allowed to show the feasibility of the integration of the personalized finite element model based surgical plan for anterior vertebral body tethering to the intraoperative navigation system. The tools developed in this project are the first components of a navigation system that will integrate surgical planning based on finite elements modeling, intra-operative registration of the plan and guidance to execute the plan to optimise the long term outcomes of this surgery.