La scoliose idiopathique de l'adolescence est une pathologie complexe et évolutive entraînant une déformation tridimensionnelle du rachis, de la cage thoracique et du bassin. Cette pathologie affecte 2 à 4% de la population adolescente. Dans le cas de scolioses sévères, un traitement chirurgical est recommandé. L’imagerie radiographique est la technique la plus répandue pour le diagnostic et le suivi des effets de cette pathologie. De plus, des outils de reconstruction 3D du rachis à partir de radiographies du patient sont actuellement disponibles avant la chirurgie pour permettre une caractérisation bi- et tridimensionnelle des déformations scoliotiques ainsi que la planification des manœuvres d'instrumentation. Les modèles 3D préopératoires ne sont pas directement utilisables pendant la chirurgie puisqu'il y existe un changement des courbures scoliotiques dû à la position allongée, à l'exposition chirurgicale et à l'anesthésie.
Plusieurs systèmes de suivi ont été testés pour suivre le changement de forme du rachis et le mouvement des vertèbres en intraopératoire : mécaniques, optoélectroniques, électromagnétiques, ultrasons, radiographiques. Ces systèmes permettent de détecter la position des vertèbres pendant la chirurgie et peuvent être utilisés pour la mise à jour de modèles 3D préopératoires. Pour ce faire, ils requièrent l'installation de marqueurs sur les vertèbres ou l'identification manuelle de points anatomiques pendant la chirurgie, ce qui peut interférer avec la procédure chirurgicale. Ainsi, des systèmes d'imagerie et de navigation intraopératoires sont actuellement disponibles pour visualiser les déformations 3D du rachis et guider les manœuvres d'instrumentation de façon sûre et précise. Cependant, à partir de ces systèmes, il n'est pas encore possible de quantifier en intraopératoire les déformations scoliotiques et la correction résultant des manœuvres d'instrumentation.
Ce projet de maîtrise visait à développer une technique permettant la mesure intraopératoire automatique des déformations scoliotiques afin de fournir au chirurgien des données quantitatives exploitables pour évaluer et améliorer la stratégie chirurgicale. Globalement, le calcul des déformations scoliotiques 3D a été effectué grâce à la mise à jour d'un modèle géométrique préopératoire à partir d'images fluoroscopiques 3D intraopératoires.
De façon plus précise, un modèle géométrique préopératoire a été construit à partir de 28 repères anatomiques vertébraux identifiés manuellement par un opérateur sur des radiographies biplanaires en position érigée avant la chirurgie. Ces points ont été utilisés pour obtenir un modèle surfacique de chaque vertèbre grâce à une technique de krigeage. Le modèle intraopératoire a été calculé par recalage entre ce modèle géométrique et les données intraopératoires provenant d’un modèle voxélisé reconstruit à l’aide d’un fluoroscope 3D. Chaque vertèbre du modèle voxélisé a été segmentée et identifiée manuellement sur les images 3D fluoroscopiques intraopératoires. Un recalage rigide entre le modèle préopératoire de chaque vertèbre et les données intraopératoires correspondantes a abouti au calcul de 6 paramètres de transformation spatiale (tx, ty, tz, Rx, Ry, Rz) permettant de retrouver la position intraopératoire du modèle vertébral. Le recalage a été réalisé en deux étapes. D'abord, une étape linéaire fondée sur l’analyse en composantes principales a été appliquée pour obtenir une première superposition du modèle vertébral préopératoire et des données intraopératoires correspondantes. Le résultat de cette étape a permis de définir la position de départ de l'algorithme de l’Iterative Closest Point, utilisé par la suite pour minimiser la distance entre le modèle vertébral préopératoire et les données intraopératoires. À chaque itération, la distance a été calculée à l'aide d'un champ scalaire 3D de distances associé aux images intraopératoires. L’estimation de paramètres de transformation spatiale a été optimisée avec l’algorithme de Levenberg-Marquardt. Les paramètres de rotation et translation calculés ont permis de mettre à jour les repères anatomiques vertébraux nécessaires pour la quantification automatique des déformations du rachis scoliotique en configuration intraopératoire. Les indices cliniques considérés dans ce travail incluent : les angles de Cobb (dans le plan coronal), la cyphose thoracique et la lordose lombaire dans le plan sagittal, la balance du rachis dans les plans frontal et sagittal, la translation et la rotation des vertèbres apicales, l'inclinaison de T1, l'orientation des plans de courbure maximale par rapport au plan sagittal (représentation da Vinci).
Cette méthode de modélisation, recalage et mesure a été validée suivant deux étapes. Dans un premier temps, un modèle synthétique de rachis scoliotique a été utilisé. Il a d'abord été radiographié en position debout, de face et de profil, simulant les conditions préopératoires. Le modèle géométrique a été reconstruit en 3D à partir de repères anatomiques vertébraux identifiés manuellement par un opérateur sur les deux radiographies. Le positionnement intraopératoire en décubitus ventral du modèle synthétique a ensuite été reproduit et numérisé à partir d'un appareil d'imagerie fluoroscopique 2D/3D. L'application des algorithmes développés a permis de quantifier les déformations scoliotiques avec une erreur du même ordre de grandeur que les mesures préopératoires. Ainsi, les mesures angulaires dans les plans coronal et sagittal avaient des erreurs inférieures à 4.6°, ce qui est à l’intérieur du seuil cliniquement acceptable de 5°. Les mesures dans le plan transverse avaient des erreurs inférieures à 5.2° pour la rotation axiale de la vertèbre apicale et 5° pour l’orientation des plans de courbure maximale (représentation daVinci), ce qui est aussi des valeurs cliniquement acceptables. Les mesures linaires avaient des erreurs inférieures à 2.7 mm.
La validation de la méthode de recalage a été complétée par une analyse de sensibilité à l'aide de modèles construits numériquement, ce qui a permis d'analyser séparément l'influence de deux sources d'erreur différentes : une erreur reliée à l'identification manuelle des repères vertébraux préopératoires et une erreur reliée à la segmentation du modèle voxelisé intraopératoire. Les simulations ont été effectuées sur 15 vertèbres provenant de 3 configurations scoliotiques différentes. La séquence de rotations latérale-sagittale-axiale successives a été utilisée pour évaluer l'exactitude du recalage. L'algorithme a été robuste aux deux sources d'erreur. L'erreur moyenne maximale est de 2.6°. Par la suite, les mêmes simulations ont été répétées en utilisant un algorithme de recalage de la littérature basé sur un Iterative Closest Point optimisé avec la méthode Levenberg-Marquardt, et une exactitude comparable (écart maximal de 0.5° entre les deux méthodes) a été démontrée.
Dans le but d'augmenter le niveau d'automatisation de la méthode de mesure développée, un algorithme d'étiquetage automatique des vertèbres intraopératoires a été proposé. L’objectif de cet algorithme était d’identifier chaque vertèbre à partir des images segmentées intraopératoires. D’abord, le produit de convolution avec une fonction gaussienne 2D a permis d’identifier les centres des vertèbres. À partir de ces centres, une succession d'opérations morphologiques d’erosion et dilatation a été appliquée pour étiqueter les voxels associés à chaque vertèbre. Cette méthode a été appliquée à trois modèles numériques de rachis. 97.1% du volume du rachis a ainsi pu être étiqueté. Plus spécifiquement, l'algorithme a montré une sensibilité et une spécificité moyenne pour l'étiquetage de chaque vertèbre de 97.6% et de 99.6% respectivement. Cependant l’algorithme a montré une dépendance à la qualité de la segmentation des images intraopératoires.
Ces résultats ont montré la faisabilité de quantification des indices cliniques du rachis scoliotique pendant la chirurgie afin de fournir au chirurgien des informations utiles pour évaluer le niveau de correction atteint. Cependant, les techniques proposées présentent encore certaines limites.
D'abord, un outil entièrement automatique pour le calcul des déformations scoliotiques devrait intégrer une segmentation automatique des images fluoroscopiques intraopératoires, ce qui n’a pas été abordé dans ce travail. De plus, une amélioration de la technique d'étiquetage automatique serait nécessaire pour réduire les erreurs liées à la qualité de segmentation. Des études plus approfondies sur le prétraitement du modèle intraopératoire seront donc nécessaires. La méthode de recalage implémentée prévoit une transformation rigide des modèles de vertèbres, ce qui est généralement acceptable, mais ne permet pas de prendre en compte des changements de la topologie de la vertèbre, par exemple à cause d'ostéotomies. Par ailleurs, une transformation élastique pourrait permettre de modifier localement la position des repères anatomiques vertébraux afin d’en corriger d’éventuelles imprécisions grâce à l’information surfacique intraopératoire. Les algorithmes ont été appliqués en considérant le positionnement du patient au début de la chirurgie, et ne prennent donc pas en compte la présence de l’instrumentation qui pourrait influencer l’acquisition des données intraopératoires. L'appareil d'imagerie intraopératoire utilisé dans ce travail, l'O-Arm, ne permet pas de scanner en une seule étape la colonne vertébrale en entier, et plusieurs prises d'images ont donc été nécessaires. Ceci peut constituer un problème à la fois pour le niveau d'irradiation du patient et pour le recalage entre les images dérivant des différentes prises. Enfin, les outils développés ont été validés seulement sur des modèles numériques et sur un rachis synthétique et une validation sur des images issues d'un vrai patient serait nécessaire.
Ce travail a permis de montrer la faisabilité d’exploiter les systèmes d'imagerie déjà utilisés en salle de chirurgie et les techniques de recalage présentement connues pour obtenir des informations quantitatives au cours de la chirurgie. L'intégration de cet outil avec les techniques de navigation et de simulation biomécanique permettrait d'offrir de nouvelles options pour éventuellement améliorer la correction et les manœuvres d'instrumentation.
Adolescent idiopathic scoliosis (AIS) is a complex and progressive pathology leading to threedimensional deformities of the spine, rib cage and pelvis. This pathology affects 2 to 4% of the adolescent population. In the case of severe scoliosis, a surgical treatment is required. Radiographic imaging is mostly used for the diagnosis and the monitoring of scoliosis. 3D reconstruction of the spine from patient’s radiographs is currently available to enable the twoand three-dimensional characterization of scoliotic deformities and planning of the instrumentation maneuvers. The 3D preoperative models can’t be directly used during surgery since there is a change in the scoliotic curvature caused by the prone positioning, the surgical exposure and the anesthesia.
Several tracking systems have been tested to monitor the spinal shape changes and follow the intraoperative motion of the vertebrae: optoelectronics or electromagnetics systems, ultrasounds, radiographs. These systems enable the tracking of the intraoperative positioning of the vertebrae, and can be used to update 3D preoperative models. This requires the installation of external markers on vertebrae or the manual identification of anatomic points during surgery, which can interfere with the surgical procedure. Imaging and navigation systems are then currently available to visualize the 3D deformities of the spine and to safely and precisely guide the instrumentation maneuvers. Nevertheless, these systems do not enable the quantification of the intraoperative scoliotic deformities and the correction resulting from instrumentation maneuvers.
This project aimed to develop a technique that enables the automatic intraoperative measurement of the scoliotic deformities, in order to provide the surgeon with quantitative feedback to evaluate and improve the surgical strategy. The 3D scoliotic deformities were computed by registering a preoperative geometric model with intraoperative 3D fluoroscopic images of the spine.
More precisely, a preoperative geometric model was constructed from 28 vertebral landmarks manually identified by an operator on biplanar radiographs acquired preoperatively in standing position. These landmarks were used to obtain a surface model of each vertebra though a dual kriging interpolation technique. The intraoperative model was computed by the registration between this preoperative geometric model and the intraoperative data, composed of a voxelized model obtained from 3D fluoroscopic images. Each vertebra of the voxelized model was segmented and manually identified on intraoperative 3D fluoroscopic images. A rigid registration with the corresponding preoperative model led to the computation of 6 spatial transformation parameters (tx, ty, tz, Rx, Ry, Rz) to compute the position of the intraoperative vertebral model. The registration algorithm is composed of two steps. First, a linear step based on the principal component analysis was applied to obtain a first superimposition of two corresponding vertebrae. The result of this first step defined the initial position of the Iterative Closest Point algorithm, used to minimize the distance between the preoperative vertebral model and the corresponding intraoperative data. At each iteration, the distance between the preoperative vertebral model and the intraoperative data was computed using a 3D distance map with intraoperative data. The estimation of transformation parameters was optimized with the Levenberg-Mararquardt algorithm. These computed rotation and translation parameters enabled the update of vertebral landmarks, which are necessary to automatically quantify the scoliotic spine deformities in the intraoperative configuration. The selected clinical indices: the Cobb angles in the coronal plane, the thoracic kyphosis and lumbar lordosis in the sagittal plane, the spinal balance in the frontal and sagittal planes, the translation and rotation of the apical vertebrae, the T1-tilt, and the orientation of the planes of maximal curvature with respect to the sagittal plan (da Vinci representation).
The modeling, registration algorithm and measurement method were validated in two steps. At first, a synthetic model of the spine was used. The preoperative standing positioning was reproduced and the preoperative geometrical model was obtained using vertebral anatomical landmarks identified manually on biplanar radiographs. The intraoperative prone positioning was reproduced and acquired using a 2D/3D fluoroscopic imaging system. The application of the developed algorithm enabled the quantification of the scoliotic deformities with accuracy similar or better as compared to preoperative measurements. Thus the angular measurements in the coronal and sagittal planes had errors below 4.6°, which is below the clinically acceptable threshold of 5°. The measurements in the transversal plane had errors below 5.2° for the axial rotation of the apical vertebra and 5° for the orientation of the plans of maximum curvature (da Vinci representation), which are also clinically acceptable errors. The linear measurements had errors below 2.7 mm.
The validation of the registration algorithm was assessed with a sensitivity analysis using computerized models. The use of computerized models enabled the analysis of the influence of two sources of errors: an error deriving from inaccuracies in the manual identification of vertebral landmarks in the preoperative geometric model, an error deriving from inaccuracies in the segmentation and identification of each vertebra in the intraoperative fluoroscopic images. The simulations were carried out on 15 vertebrae from 3 different scoliotic configurations. A sequence of “lateral-sagittal-axial angles” was used to evaluate the accuracy of the registration algorithm. The algorithm was robust to both sources of error. The maximal average error was 2.6°. The same simulations were then repeated using a registration algorithm of the literature, based on the Iterative Closest Point method optimized with the Levenberg-Marquart method, and a similar accuracy (maximal difference between the two methods of 0.5°) was shown.
An automatic intraoperative labeling algorithm of the vertebrae was also proposed. The aim of this algorithm was to identify each vertebra from intraoperative segmented images. First, the convolution product with a 2D Gaussian function enabled the identification of the vertebrae’s centers. Then, sequential operations of erosion and dilation were performed to label all the voxels. This method was applied to three computerized spinal models. 97.1% of the spine’s volume was labeled. More specifically, the algorithm showed average specificity and sensitivity for the labeling of each vertebra of 97.6% and 99.6% respectively. However, the algorithm showed dependence to the quality of the segmentation of the intraoperative images.
These results showed the feasibility of quantifying clinical indices of the scoliotic spine during surgery, in order to provide the surgeon with useful feedback to evaluate the level of correction reached. However, the proposed techniques still present several limitations. First, a full-automatic tool for the computation of scoliotic deformities should include an automatic segmentation of intraoperative fluoroscopic images, which was not addressed in this work. Moreover, an improvement of the automatic labeling technique is necessary to reduce the errors caused by the quality of the segmentation. Further studies on the pretreatment of the intraoperative model are then necessary. The proposed registration method is based on a rigid transformation of the vertebral models, which is generally acceptable but doesn’t takes into account the vertebrae’s topology changes, for instance due to osteotomies. Furthermore, an elastic transformation could enable the local modification of the vertebral landmarks’ positions, in order to correct their inaccuracies using the information from intraoperative data. The algorithm was applied considering the patient’s position at the beginning of the surgery, and thus doesn’t take into account the presence of instrumentation that could influence the acquisition of the intraoperative data. The intraoperative imaging system used in this study, O-Arm, doesn’t enable the entire scanning of the spine in one single step, and several acquisitions are then necessary thus causing significant ionizing exposure. Moreover stitching images from different scans is still an open issue. Finally, the tools developed were validated only on computerized models and on a synthetic spine. A validation on images from real patients would be necessary.
The work showed the feasibility of using available imaging systems and registration techniques to obtain quantitative information during surgery. Integrating this tool with the navigation system and biomechanical simulation tools would offer new options to improve the correction and the instrumentation maneuvers.