Une escarre de pression est une dégénérescence des tissus mous qui représente un problème courant chez les usagers de fauteuil roulant et les patients immobilisés au lit. Elle résulte d’une compression prolongée des tissus mous, ce qui entraine l’interruption du flux sanguin et ainsi, une lacune en oxygène. Le fessier est l’une des zones les plus affectées par les escarres de pression, plus précisément les régions sous les protubérances osseuses telles que les tubérosités ischiatiques, les grands trochanters, le sacrum et le coccyx. Une des méthodes les plus prometteuses pour l’étude de la formation des escarres et de l’évaluation des coussins d’appui repose sur l’observation des contraintes et des déformations internes du fessier à l’aide de modèles par éléments finis. Malheureusement, ces modèles utilisent des propriétés mécaniques provenant d’expérimentations in vitro sur des animaux, souvent éloignées des propriétés du sujet modélisé, et sont validés uniquement par mesures expérimentales des pressions à l’interface entre le fessier et son support. Ces lacunes engendrent des imprécisions au niveau des contraintes et déformations internes, et limitent l’exploitation des modèles comme outil de recherche et de prévention clinique des escarres. Le présent projet visait à personnaliser les propriétés mécaniques d’un modèle par éléments finis du fessier à partir de mesures expérimentales de l’écrasement interne des tissus mous, et à vérifier l’intérêt de cette démarche sur la distribution des contraintes et des déformations internes lorsqu’appuyé sur une surface rigide et sur un coussin.
Le premier objectif de ce projet était de développer un modèle biomécanique par éléments finis du fessier incorporant une loi de comportement hyperélastique et des propriétés tirées de la littérature. Pour ce faire, des images par résonnance magnétique (IRM) du fessier non-déformé (IRM #1) et déformé sur une surface rigide (IRM #2) d’un sujet sain en décubitus dorsal ont été acquises expérimentalement. Ces données ont permis, d’une part, de reconstruire en 2D la géométrie du fessier avant l’application du poids du corps (sur une des images IRM #1) et d’autre part, de mesurer les écrasements des tissus musculaires et adipeux en comparant les images IRM #1 et #2 correspondantes. Suite à l’acquisition des images IRM, des valeurs de pressions surfaciques ont été acquises expérimentalement sur le fessier déformé et ont été associées aux écrasements tissulaires mesurés sur les images IRM. Ces mesures d’écrasement tissulaire et de pressions surfaciques ont été nécessaires pour la réalisation de l’objectif 2, soit la personnalisation des propriétés mécaniques. Suite à l’acquisition des données expérimentales, un modèle détaillé par éléments finis a été réalisé par l’extrusion de 5 mm du profil 2D reconstruit (IRM #1) et par le maillage structuré du volume ainsi obtenu (ANSYS Inc., Canonsburg, PA). Les tissus mous du modèle, divisés en tissus musculaires et adipeux, ont été maillés par un total de 7689 éléments solides linéaires de forme brique, orientés dans la direction de sollicitation principale afin de diminuer les risques de distorsion des éléments. Les tissus cutanés ont été représentés à l’aide de 699 éléments de type coque linéaire. Les structures du bassin et des organes internes ont été considérées rigides, compte tenu de la rigidité supérieure du bassin et de la présence d’aucune réaction engendrée sur les organes. Des éléments de contact ont permis de modéliser l’interaction du fessier avec la surface rigide tout en considérant la friction entre les deux corps lors du chargement. Les propriétés mécaniques de chaque couche de tissus mous ont été implémentées sous forme de lois hyperélastiques de type Mooney-Rivlin d’ordre 2 pour lesquelles les coefficients matériels C₁₀, C₀₁ et de poisson ν ont été tirés de la littérature. Des conditions limites ont été ajoutées au modèle afin de représenter les structures anatomiques non modélisées. La simulation consistait à appliquer le déplacement (34 mm) du bassin mesuré entre les images IRM du fessier déformé (IRM #2) et non-déformé (IRM #1), et à résoudre le problème numériquement. L’écart maximal obtenu entre la pression surfacique maximale simulée et celle mesurée expérimentalement était de 9,1 kPa, soit de 30%. Également, des écarts allant jusqu’à 7% et 5% ont été observés entre les écrasements simulés et ceux mesurés expérimentalement, pour les tissus musculaires et adipeux respectivement.
Le second objectif du projet visait à personnaliser les propriétés mécaniques du modèle par éléments finis et évaluer leur influence sur le comportement du modèle avec une surface rigide et un coussin. La personnalisation a été effectuée à l’aide d’un processus d’optimisation de premier ordre exploitant la méthode du gradient et disponible dans le module design of experimentation d’ANSYS. Une fonction objective visant à minimiser la différence entre les volumes de tissus mous simulés et mesurés expérimentalement a d’abord été définie. Des variables dépendantes (modifiables) constituées des paramètres mécaniques C₁₀, C₀₁ et ν des lois de comportement hyperélastique des tissus musculaires et adipeux ont ensuite été implémentées. Une fois le problème d’optimisation établi, le processus consistait à faire varier les variables dépendantes afin de minimiser la fonction objective et respecter toutes les contraintes d’optimisation. Ces contraintes ont été définies par les écrasements internes (±3 mm) et les pressions surfaciques (± 10%) mesurées expérimentalement. Ces intervalles de tolérances représentent respectivement l’erreur de mesure des images IRM et de la matrice de pression.
L’optimisation a résulté respectivement en une hausse de 46% et 35% de la rigidité des tissus musculaires et adipeux. Cette hausse est caractérisée par une augmentation de 71% et 35% des paramètres mécaniques C₁₀ et C₀₁ des tissus musculaires, et d’une augmentation de 15% et 5% de ces mêmes paramètres pour les tissus adipeux. Ainsi, l’écart entre la pression surfacique maximale simulée et mesurée expérimentalement a été diminué de 87%, soit de 7,9 kPa. Des résultats similaires ont été observés pour les valeurs d’écrasement tissulaire, avec une diminution des écarts de 20%.
Une fois la méthode établie, le modèle a permis d’évaluer la pertinence et l’importance du processus de personnalisation dans un contexte clinique, c'est-à-dire lors de l’évaluation d’un coussin de mousse employé usuellement pour prévenir les escarres de pression. Pour ce faire, un modèle par éléments finis du coussin composé de 800 éléments brique solides linéaires a été ajouté sous le modèle fessier. Une courbe multi-linéaire mesurée expérimentalement a été utilisée pour représenter le comportement hyperélastique de la mousse composant le coussin. La comparaison des résultats entre les modèles avec et sans personnalisation a permis d’observer des variations importantes des contraintes et déformations surfaciques et internes. En effet, les pressions surfaciques ont subi une hausse de 11% avec l’utilisation des propriétés personnalisées. Cette hausse est accompagnée d’une augmentation de 20% des contraintes de Von Mises dans les tissus musculaires. De plus, la personnalisation permet d’obtenir une différence plus importante entre les contraintes de Von Mises des tissus musculaires et des tissus adipeux, appuyant davantage le principe de formation des escarres dites en profondeur. Par contre, la personnalisation a un effet inverse sur les déformations musculaires maximales, soit une diminution de 19%. Ainsi, sans cette personnalisation rigoureuse, il serait impossible de bien représenter les phénomènes réels du fessier en compression, tel que l’augmentation des contraintes à partir de l’interface fessier-support vers la zone la plus sollicitée, soit à l’interface bassin-muscle. Ces résultats démontrent sans contredit l’importance de personnaliser les propriétés mécaniques pour mieux comprendre l’interaction entre le fessier et son support, ainsi que pour évaluer le plus justement possible la capacité d’un coussin à redistribuer les contraintes internes.
Le travail effectué dans le cadre de ce projet de maîtrise a démontré la pertinence d’utiliser des propriétés mécaniques personnalisées pour simuler le comportement des diverses couches de tissus mous du fessier. La méthodologie proposée est une approche novatrice permettant de personnaliser et de simuler avec plus de précisions les contraintes et les déformations internes du fessier. Dans l’état actuel, le modèle possède certaines limites pouvant avoir un effet sur les résultats encourus. Afin de l’améliorer, une géométrie complète du fessier devrait être réalisée afin de diminuer l’impact des conditions limites représentant les structures non modélisées. À long terme, cette méthode pourrait être implémentée dans un outil clinique servant à la sélection d’un coussin offrant la meilleure prévention possible contre les escarres.
For wheelchair users and bedrest patient, mechanisms of soft tissues deterioration such as pressure sores represent a severe health problem. Pressure sores are primarily caused by a longterm loading that causes a blood circulation interruption, thus resulting in a lack of oxygen for the soft tissues. The buttock represents the most affected regions by pressure sores, more precisely beneath bony protuberances such as the ischial tuberosities, the great trochanters, the sacrum and the coccyx. One of the most promising techniques to study the aetiology of pressure sores and to prescribe adequate seat cushion (or bed mattress) relies on the analysis of internal stresses and strains using finite element (FE) modeling. Unfortunately, FE models currently available use mechanical properties measured from in vitro experiments on animal and consequently, do not accurately represent the mechanical behaviour of a human buttocks. Moreover, these models are only validated using interface pressures between the buttock and the support surface. These limitations result in inadequate stresses and strains distribution inside the soft tissues, thus limiting the capacity to exploit the FE models as research and prevention tools for pressure sores. The purpose of this master degree project was to personalize the mechanical properties of the diverse soft tissue layers and to evaluate the necessity of the approach when the buttock lies on a rigid support and a foam cushion.
The first objective of the project was to develop a biomechanical FE model of the human buttock that integrates hyperelastic material formulations for the soft tissues with material properties taken from the literature. A magnetic resonance imaging protocol was realized to acquire geometric data of a healthy human male buttock in non-weight-bearing (MRI #1) and weightbearing (MRI #2) conditions. An axial slice from MRI #1 was then used to reconstruct the 2D contours of the pelvis and buttock soft tissues while vertical sagging of the muscle and adipose tissues were measured by comparing correspondent slices from MRI #1 and #2. After the MRI acquisition, interfaces pressures were acquired experimentally in weight-bearing condition and were associated to the corresponding vertical sagging. These vertical sagging and interface pressure were necessary to realize the second objective, the mechanical properties personalization. After the experimental acquisition, a detailed FE model of the buttock was realized by creating a 5 mm extrusion of the 2D reconstructed profile of the buttock and by meshing the resulting volume using the ANSYS software (ANSYS Inc., Canonsburg, PA). Soft tissues were divided in muscles and adipose tissue layers, both meshed using a total of 7689 linear brick elements oriented toward the principal loading direction. The skin layer was meshed with 699 linear shell elements. Since the pelvic had a largely superior stiffness when compared to the soft tissues, it was modeled as a rigid body using equation-constraints on the contour of the pelvic-muscle interface. Contact elements were added to represent the buttock-support mechanical interaction and to simulate the friction at the interface. Mechanical properties of each soft tissue layers were defined with a second order Mooney-Rivlin hyperelastic material law with the material coefficients C₁₀, C₀₁ and the poisson ratio ν derived from previous studies. The non modeled structures were represented by restraining coronal translations of the boundary nodes. Numerical simulation was performed by applying a pelvic displacement of 34 mm, measured from MRI #1 and #2. The maximum difference between the peak interface pressure predicted by the FE model and the peak interface pressure measured experimentally was 9,1 kPa (difference of 30%). The maximum difference between the vertical sagging predicted by the FE model and the sagging measured experimentally was 7% and 5% for the muscles and the adipose tissues, respectively.
The second objective of the project was to personalize the mechanical properties of the FE model and to evaluate their impact on the mechanical behaviour of the model in contact with a rigid support and a foam cushion. The optimisation was realized with a first order fitting approach that integrates the gradient method from the ANSYS’ design of experimentation module. The objective function to minimize was based on the difference between the volumes of the soft tissue layers measured experimentally and predicted by the FE model. The dependant variables were the hyperelastic material parameters (C₁₀, C₀₁ and ν) of the muscle and adipose tissues. Once the optimisation problem was established, dependant variable were modified through the process until the objective function was minimized and the states variables satisfied. The states variables were defined by the interface pressures (±10%) and the vertical sagging (±3 mm) measured experimentally. Ranges of tolerance were based on the acquisition process (measurement errors on the MRI images and the force sensing array matrix).
At maximum strain, muscles and adipose tissues respectively showed an increased stiffness of 46% and 35% after the personalization process. This stiffness increase corresponds to an augmentation of the C₁₀ and C₀₁ material parameters of 71% and 39% respectively for the muscles, and of 15% and 5% respectively for the adipose tissues. The personalization reduced by 87% (7,9 kPa) the difference between the predicted interface pressures and the experimental data. Similar results were observed for the vertical sagging, with a difference reduction of 20%.
Once the personalization process was established on a rigid support, the relevance of such process was evaluated with the buttock in contact with a flat foam cushion normally used in pressure sores prevention. Hence, a FE model of a flat foam cushion was integrated to the FE model of the human buttock using 800 linear brick elements. A multi-linear curve was used to represent the hyperelastic behaviour of the cushion’s material. Results showed a variation of the interface and internal stresses and strains when using personalized mechanical properties. More precisely, the interface pressure increased of 11% while muscle’s Von Mises stresses increased by 20%. Moreover, a decrease of 19% was observed for the muscle’s peak internal strain. Finally, the personalization process resulted in a higher difference between the Von Mises stresses of the muscles and adipose tissues, thus confirming the premise for the development of deep tissue injury. Without this precise personalization, it will be impossible to represent the real internal phenomena of the buttock, such as the stresses augmentation from the buttock-support interface to the pelvis-muscle interface. These results clearly show the importance of the mechanical properties personalization to properly understand the interaction between the buttock and his support, as well as to evaluate a cushion’s capacity to distribute the internal stresses.
The work carried out within the framework of this project demonstrated the relevance of using personalized mechanical properties to simulate the buttock’s soft tissues behaviour. The developed method represents an innovative approach that provides a more accurate simulation of the stresses and strains at the buttock-support interface and inside the buttock’s soft tissues. The actual model could be improved by adding a more complete representation of the buttocks and surrounding body parts. Ultimately, this method could be integrated to a clinical tool to improve the selection of a proper seat cushion or bed mattress for a specific individual.