Aujourd’hui, notre quotidien fait intervenir l’usage d’innombrables matériaux performants et adaptés à nos besoins, comme les alliages de fer, les céramiques, les polymères. Les élastomères qui sont des matériaux caoutchouteux synthétiques ou naturels appartiennent à cette dernière famille. Au fil des temps, le caoutchouc a connu plusieurs révolutions dans sa fabrication, dont la principale est celle de 1839 avec Charles Goodyear. Il a mit au point le procédé de vulcanisation qui consiste en un branchement des chaînes par des liaisons covalentes.
La mise sous contrainte d’un élastomère provoque des changements mécaniques et optiques. Les changements mécaniques sont en général formulés par une relation entre la contrainte et la déformation. Ceux optiques sont dus à l’anisotropie, ils se caractérisent par la différence de propagation de la lumière dans les différentes directions du matériau. Cette anisotropie peut être mesurée par la biréfringence qui est la différence entre deux indices de réfraction de deux directions principales.
Plusieurs travaux ont été effectués en se basant généralement sur des méthodes Gaussiennes et non Gaussiennes pour déterminer les variations de la contrainte et de la biréfringence dans les polymères en fonction de la déformation. Elles permettent aussi d’obtenir une relation entre la contrainte et la biréfringence comme formulé par Treloar (1947) pour le cas Gaussien et Arruda et Przybylo (1995) pour le modèle non Gaussien à huit-chaînes. Le second est mieux adapté aux cas expérimentaux car il prend en compte l’effet de la non linéarité pour les grandes déformations. Quant au premier, il n’est valable que dans les cas de déformation modérée (ε <1).
Actuellement, deux modèles sont très utilisés pour prédire le comportement mécanique des élastomères en fonction de la déformation: le modèle de Gent et celui de huitchaînes d’Arruda et Boyce. Par contre, seul le second a été étendu à la biréfringence pour avoir une relation entre la biréfringence et la contrainte tout au long de la déformation dans les élastomères. Raison pour laquelle dans cette étude, nous avons formulé une relation entre la différence de deux contraintes principales quelconques du modèle de Gent en trois dimensions avec la biréfringence sous la forme Gaussienne. Ensuite, les résultats numériques de cette relation sont comparés avec ceux expérimentaux et du modèle non Gaussien à huitchaînes. Les résultats montrent que les prédictions de ce modèle concordent avec les résultats expérimentaux en grande déformation comme celui basé sur le modèle de huit-chaînes.
Plusieurs autres phénomènes physiques caractérisent les élastomères dont l’élasticité non linéaire, la viscoélasticité, l’hyperélasticité, et principalement une température de transition vitreuse inférieure à la température ambiante, ceci implique un état caoutchouteux des élastomères à la température ambiante. L’effet Mullins est un phénomène d’adoucissement qui se produit particulièrement dans les élastomères chargés. En effet, pour améliorer leurs propriétés chimiques ou mécaniques, les élastomères sont renforcés par des nodules de noir de carbone ou d’autres particules. Mullins et Tobin (1957,1965) considèrent un élastomère renforcé comme un matériau composite à deux domaines, dont un domaine mou et un domaine dur. D’après leur concept, l’effet Mullins n’est autre que la transformation d’une partie du domaine dur en domaine mou lorsque le composite est sollicité en contrainte.
Dans nos travaux, pour modéliser le comportement mécanique d’élastomères chargés en fonction de leur microstructure, on a considéré un matériau composite à base d’élastomère constitué par une matrice en élastomère, une partie de matrice occluse par les renforts et les renforts qui sont des nodules de noir de carbone comme dans l’industrie pneumatique. Ainsi, la matrice constitue le domaine mou considéré par Mullins et Tobin tandis que les deux autres constituent le domaine dur c'est-à-dire la fraction volumique effective des renforts (incluant la matrice occluse). L’estimation du domaine dur en fonction du type de nodule de noir de carbone et de sa fraction volumique est obtenue à partir des mesures de microscopie électronique de Medalia (1970). D’où on peut quantifier le domaine dur de notre composite.
En se basant sur les équations de la mécanique des milieux continus, on établit la relation entre la contrainte et la déformation tout au long du chargement du composite, en tenant compte de l’évolution de sa microstructure. Cette évolution de la microstructure se caractérise principalement par la libération des portions inactives de la matrice qui se trouvent emprisonnées entre les particules, provoquant ainsi une augmentation de la fraction volumique du domaine mou dans le composite. Cette transformation est modélisée par la théorie proposée par Oshmyan et al (2006). Ensuite, l’énergie de déformation de Gent (1996) pour les matériaux caoutchouteux non chargés a été reformulée pour tenir compte de l’effet des particules de renforts dans le composite. Le principal fondement de cette reformulation est d’admettre que la déformation du composite se produit uniquement au sein du domaine mou. Ainsi, l’énergie de déformation se réduit à celle du domaine mou, impliquant la connaissance de l’évolution de sa fraction volumique durant la déformation. La modélisation du comportement mécanique avec l’effet Mullins spécifique à chaque type de nodules de noir de carbone est ainsi établie avec la mise en relation de l’évolution de la microstructure et la loi de comportement reformulée utilisant la théorie de Gent.
Le modèle obtenu donne des résultats numériques du comportement mécanique des élastomères chargés avec l’effet Mullins en tenant compte du type de nodules de carbone, la fraction volumique des renforts et les modes de déformation (uni-axial, bi-axial ou en déformation plane). Ces résultats concordent aussi avec des résultats expérimentaux trouvés dans la littérature. Ce modèle est ensuite étendu au cas de l’élastomère thermoplastique polyuréthane dont le comportement mécanique introduit de la viscoplasticité.