Depuis l'invention du papier par le chinois Ts'ai Lun, la fabrication du papier a toujours nécessité l'utilisation de beaucoup d'eau. En 2006, l'ensemble des usines papetières du Québec a consommé une moyenne d'eau fraîche de 48,7 m3 par tonne de papier produit. Bien que des efforts considérables de rationalisation de la consommation d'eau fraîche et de la réduction des volumes d'effluents générés aient été accomplis depuis une trentaine d'années, cette consommation demeure encore élevée. L'émergence d'une conscience collective du public envers l'environnement en général et l'utilisation d'une ressource tel que l'eau interpelle les instances gouvernementales à être plus sévère envers les entreprises récalcitrantes.
Afin de réduire leur consommation d'eau et leur rejet, les industries papetières ont mis en place des mesures de fermeture progressive de leur circuit d'eau de procédé. Une grande quantité d'eau provenant de la fabrication du papier (eau blanche) est ainsi recyclée dans les différentes étapes de fabrication. Toutefois, ce recyclage entraîne l'accumulation de certains contaminants nuisibles dans les eaux de procédés, notamment les matières dissoutes et colloïdales (MDC). De plus, l'incorporation de pâte recyclée dans la recette de fabrication, rendue nécessaire au niveau économique, est une source importante de ces contaminants. Bien que bénéfique pour l'environnement, ces deux effets synergiques provoqueront une accumulation exponentielle des MDC qui peut affecter significativement la productivité de la machine à papier ainsi que la qualité du papier produit. Les mesures actuelles de contrôle chimique des MDC sont relativement efficaces, mais leur potentiel d'application à des niveaux de contamination plus important est incertain.
Ainsi, notre objectif principal est de développer une technologie d'enlèvement de MDC qui ne repose pas sur un ajout de produits chimiques, qui est efficace à de hautes concentrations de MDC et qui soit économiquement viable. De toutes les méthodes recensées, l' adsorption semble pouvoir répondre à notre objectif global par sa flexibilité et son potentiel de développement. Dans un premier temps, les contaminants sont fixés à la surface de supports compatibles par adsorption. Dans un deuxième temps, les supports contaminés sont enlevés de l'effluent par des techniques de séparation classique. La littérature mentionne quelques succès d'application de ce concept, mais pas dans le domaine papetier. Ainsi, les objectifs dans le cadre de ce doctorat seront, d'élaborer un support compatible aux MDC et de développer la méthode de mise en contact.
Le choix du matériau constituant le support est soumis à différentes contraintes, mais la modification de silice et de bille de verre est au cœur de ce travail. Comme la majorité des oxydes métalliques sont négativement chargée et qu'une grande quantité de MDC est aussi chargée négativement, une modification avec un agent de couplage positif est nécessaire. La littérature cite avec succès la modification de silice avec du chlorure de polydiallydiméthylammonium (p-Dadmac) mais le transfert aux billes de verre s' est avéré infructueux. Une modification à l' aide d'un tensioactif, le bromure d'hexadécyltriméthylammomium (HDTMA), a été réalisée avec succès sur la silice comme sur les billes de verre, mais le relargage de celui-ci lors des essais d' adsorption des contaminants nous a forcé à abandonner cette approche. Les résultats de la modification par greffage de molécules de 3-aminopropyltriméthoxysilane (APTS) nous a amené vers la nécessité d' augmenter la surface spécifique des billes de verre avec une méthode de Stüber modifiée, chose que nous avons réussie avec un succès modéré. L'incorporation de bille de verre modifiée par la méthode de Stüber dans le réacteur a toutefois été impossible compte tenu des caractéristiques finales des supports. En effet, les techniques étudiées pour augmenter la surface spécifique n'ont pas produit des résultats satisfaisants pour justifier des essais à l' échelle du réacteur.
Au niveau de la mise en contact, les méthodes traditionnelles par lit garni ou en réacteur continu agité ne sont pas applicables en pâtes et papiers. En effet, la présence de fibres cellulosiques aura tôt fait de colmater les pores (lits garnis) ou de s' agglomérer avec les supports pour entraîner des pertes de produit (sédimentation) et d' empêcher le bon fonctionnement du processus. Afin de contrer ce phénomène de colmatage, l'utilisation de réacteur à lit fluidisé (FBR), où le lit de supports est expansé, est de mise. Cette expansion du lit de solide augmentera l' espace entre les supports et favorisera le passage du fluide et des matières en suspension à travers celui-ci. Dans un premier temps, nos travaux de recherche ont permis de démontrer la faisabilité de la fluidisation en présence de fibres papetières. L' effet de la température est peu significatif en comparaison à la consistance de la pâte. À ce stade, il a été clairement montré que les équations classiques en fluidisation ne permettent pas d' expliquer complètement le phénomène. Dans un deuxième temps, l' importance de la floculation face à cette déviation des équations classiques a été clairement établie. En effet, les essais démontrent l' importance du contenu en fibres longues par rapport aux fines. Dans un troisième temps, un nouveau modèle de prédiction des paramètres associés à l'équation principale du domaine, Richardson et Zaki, s'est avéré un succès. L'incorporation d'un nombre caractérisant la floculation d'une pâte, le facteur d' encombrement, s' est avérée efficace dans la prédiction de l' expansion du lit en présence de fibres cellulosiques.
Bien qu'il reste encore beaucoup d' aspects à l' adsorption en lit fluidisé qui ne sont pas élucidés et que son application industrielle est encore loin d' être assurée, cette technologie possède le potentiel afin de limiter l' accumulation des matières dissoutes et colloïdales dans les systèmes d' eaux papetières.