Face aux lacunes des techniques conventionnelles de stérilisation (autoclave, oxyde d'éthylène, irradiation, glutaraldehyde), une recherche d'alternatives pour la stérilisation clinique des instruments et dispositifs médicaux s'impose. La stérilisation par plasma froid est l'une des alternatives les plus prometteuses; elle s'avère également très complexe. Le plasma, ce « 4ème état de la matière », est un gaz partiellement ionisé, qui contient de nombreuses espèces actives énergétiques (ions, électrons, radicaux, atomes et molécules à l'état fondamental ou excités, photons ultraviolets...), mais dont la température reste relativement faible (<60 °C), ce qui permet la stérilisation d'instruments à base de polymères et autres matériaux délicats. Deux stérilisateurs commerciaux utilisant le procédé plasma sont actuellement sur le marché (Sterrad®, PlazlyteTM) mais leur effet sur les matériaux et leur mécanisme d'action sont mal connus. L'innocuité de ces stérilisateurs n'est pas acquise: des modifications des dispositifs et instruments stérilisés sont prévisibles, surtout en cas de restérilisation. Quant au mécanisme d'action, l'analyse des technologies impliquées nous permet de penser que l'efficacité de ces stérilisateurs provient essentiellement de la phase chimique qui précède la phase plasma, et que le terme “stérilisateur plasma” n'est pas adéquat.
Des recherches sont cependant en cours afin de développer des systèmes de stérilisation basés effectivement sur le plasma froid. Il a été maintes fois démontré que ce procédé est capable de tuer des micro-organismes. Il satisfait certains des critères d'une technique « idéale » de stérilisation. Cependant, son mécanisme est toujours mal connu, et le rôle des différentes espèces actives, notamment des photons ultraviolets, est sujet à controverse. Nos objectifs consistent donc à améliorer les connaissances de l'effet de la stérilisation plasma sur les polymères biomédicaux (innocuité), ainsi que sur les micro- organismes (mécanisme). Ces deux étapes sont nécessaires pour optimiser un procédé en fonction de son efficacité et de son innocuité.
Deux articles présentent nos travaux de thèse concernant les modifications induites par les procédés commerciaux Sterrad® et PlazlyteTM sur les polymères biomédicaux, comparativement à l'oxyde d'éthylène pur (OE), la technique de stérilisation à basse température la plus courante dans le milieu clinique. Dans le premier, (article 1), nous rapportons les modifications de surface cumulatives induites sur différents biomatériaux polymériques : une oxydation de surface, associée à un changement de mouillabilité est observée sur tous les échantillons. Cette oxydation est plus progressive avec SterradR® qu'avec PlazlyteTM. Avec ce dernier, le niveau maximum est généralement atteint dès le 1er cycle de stérilisation, et des molécules de faible poids moléculaire (molécules oxydées créées par scission ou résidus d'agent chimique) sont détectées à la surface.
Afin de pousser notre analyse et de l'étendre aux modifications volumiques, nous avons choisi un dispositif particulier: les catheters d'électrophysiologie à usage unique en polyuréthane, utilisés à l'Institut de Cardiologie de Montréal (article 2). L'oxydation par stérilisation au plasma se limite à la surface, tandis que l'OE provoque une alkylation plus profonde. Les modifications volumiques se limitent à la consommation d'anti- oxydant avec Sterrad®, ainsi qu'à une légère altération des oligomères, qui sont relargués davantage lors des essais de biostabilité suite aux procédés PlazlyteTM et SterradR. Bien que ces modifications ne soient pas majeures, et que les propriétés mécaniques ne soient très probablement pas altérées, nous avons initié une étude de biocompatibilité afin d'évaluer l'effet toxique potentiel des modifications observées.
Afin de comprendre le mécanisme de destruction des micro-organismes par plasma, il est nécessaire de pouvoir varier les paramètres expérimentaux. Pour cette seconde partie de la thèse, nous avons utilisé deux réacteurs plasma micro-onde (MW) développés par le Laboratoire des Procédés Plasma à l'École Polytechnique. Les études microbiologiques ont été effectuées sur des spores bactériennes Bacillus subtilis, connues pour leur très forte résistance aux procédés de stérilisation, et en particulier au plasma. Considérant les connaissances acquises sur l'effet du procédé sur les polymères organiques, et les rares résultats publiés sur la stérilisation, nous avons posé l'hypothèse que la gravure (ou volatilisation) est le principal mécanisme de destruction des spores par plasma froid (article 3). Nous avons démontré, pour la première fois, l'importance de la gravure dans la destruction des spores bactériennes. En effet, l'ajout de CF₄ au plasma d'oxygène, dont on sait qu'il augmente fortement l'efficacité de la gravure des polymères, provoque une très forte hausse de la mortalité des spores contrairement aux autres gaz et mélanges testés. De plus, le taux de mortalité suit la courbe du taux de gravure en fonction de la concentration de CF₄ dans l'O₂. Finalement, nous avons observé de façon directe la gravure physique des spores au microscope électronique à balayage. Ils s'avèrent cependant d'une résistance inattendue à la gravure: après 90 minutes d'exposition au plasma O₂/CF₄, des résidus significatifs subsistent à la surface. Cette résistance est probablement liée à leur morphologie sphérique et à la présence relativement importante de minéraux dans les parois protégeant le noyau. Dans cet article, nous avons aussi démontré que la distance entre l'applicateur micro-onde et les spores, et, surtout, le débit gazeux, influencent l'efficacité du procédé. Avec un débit relativement élevé (autour de 110 centimètre cubes par minute), le taux de mortalité du plasma O₂/CF₄ atteint en 5 minutes les 6 log nécessaires selon les définitions de la stérilisation, ce qui est meilleur que la plupart des études publiées. Par contre, l'emballage réduit radicalement cette efficacité. De plus, l'étude des modifications de surface induite par ce système montre une forte oxydation, proche de celle obtenue après 10 cycles de SterradR.
Considérant d'une part que les ultraviolets peuvent détruire les micro-organismes en s'attaquant à l'ADN et, d'autre part, que les ultraviolets lointains (ou « vacuum ultraviolet >> VUV, de longueur d'onde λ<200 nm) très énergétiques (>6 eV) peuvent graver les polymères de façon significative, notre seconde hypothèse était que les VUV pouvaient être très efficaces pour la destruction des spores Bacillus subtilis (article 4). L'efficacité de l'intense émission VUV d'un plasma d'hydrogène s'est pourtant avérée limitée à moins de 2 log en 30 minutes. Les VUV n'atteignent pas ou peu la cible habituelle des photons-l'ADN situé dans le noyau de la spore car ils sont absorbés par les parois de protéines réticulées qui l'entourent et la protégent. De plus, les VUV génèrent un taux de gravure trop faible pour être très efficaces par ce mécanisme. Par contre, les ultraviolets de longueur d'onde proche de 260 nm sont beaucoup moins absorbés par les protéines, et induisent un maximum de dommages à l'ADN des micro- organismes. En cas d'émission intense dans cette région spectrale, l'attaque de l'ADN par les UV peut sans doute devenir un mécanisme significatif du plasma. Ceci explique la controverse existant sur le rôle de la radiation UV dans le mécanisme du plasma, puisque le spectre et l'intensité de la radiation UV varient d'un plasma à l'autre.
Les nombreux paramètres expérimentaux qui influencent l'efficacité du plasma, via la nature et la concentration des espèces actives atteignant les micro-organismes, sont résumés et discutés dans la discussion générale. La gravure joue un rôle fondamental, et provoque non seulement la mortalité mais aussi la volatilisation des micro-organismes, ce qui lui donne un pouvoir potentiel de dépyrogénation. Les ultraviolets autour de 260 nm peuvent détruire rapidement les micro-organismes via l'attaque de l'ADN, un mécanisme très spécifique. Une voie de développement très prometteuse de stérilisateur par plasma consisterait donc à optimiser l'efficacité de ces deux mécanismes dans un même système. La principale limite de ce procédé reste cependant sa faible pénétrabilité, qui rend l'utilisation d'emballages très difficile.
Due to the shortcomings of "conventional" sterilization techniques (steam autoclave, dry heat, ethylene oxide, irradiation, glutaraldehyde), a study of alternatives for clinical sterilization of medical instruments and devices is imperative. Low-pressure plasma sterilization is one of the most promising alternatives, but it is also one of the most complex. Cold plasma, also called « the 4th state of matter », is a partially ionized gas, usually at reduced pressure, comprising numerous energetic active species (ions, electrons, radicals, atoms and molecules in a fundamental or excited state, photons etc.), while maintaining gas and substrate temperatures below 60 °C; this allows one to sterilize polymer-based and other thermosensitive medical devices and instruments.
Two sterilizers using plasma technology have been commercialized, namely Sterrad® and PlazlyteTM, but little is known about their mechanisms of action and their effects on sterilized materials. Yet, materials alteration may occur in these systems, that may possibly alter the safety of reprocessed devices and instruments. Based on the analysis of the plasma technologies involved, we believe that the efficacy of both sterilizers is primarily due to a chemical phase preceding plasma exposure, so that the term « plasma sterilizers » does not appear to be well justified.
Research is presently in progress to develop sterilization systems which are truly based on low-pressure plasma, a process which has been shown capable of destroying a variety of microorganisms, and which meets many of the requirements for an "ideal" sterilization method. But the mechanisms and the roles of the various plasma constituents, for example ultraviolet (UV) radiation, are still largely unknown and subject to controversy. Our objectives, therefore, have been to improve knowledge about the effects of plasma sterilization on biomedical polymers (safety) and on microorganisms (mechanism). These two steps are essential for optimizing a process in terms of safety and efficacy.
Two articles present our work on materials alteration induced by commercial plasma- based sterilizers, in comparison with exposure to pure ethylene oxide (EO), currently the most commonly used low-temperature clinical sterilization method. In the first article, we report cumulative surface modifications generated on various polymeric devices; surface oxidation and wettability changes are observed on all samples sterilized by plasma-based techniques, oxidation tending to be more gradual with Sterrad®. In the case of PlazlyteTM, the maximum level of oxidation is already attained after the first sterilization cycle, and low molecular weight molecules (oxidized molecules created by scission on the polymer surface, or residues from the chemical agent) are released into the water bath during contact angle measurements.
To deepen our analysis and extend it to the case of possible bulk modifications, we have chosen a particular type of device, namely single-use electrophysiology polyurethane catheters used at the Montreal Heart Institute (article 2). Oxidation by plasma sterilization is restricted to the near-surface layer, while EO induces a slight but deeper-penetrating alkylation. Bulk modification is limited to the consumption of an anti-oxidant additive with Sterrad®, and to alteration of oligomers by Sterrad® and PlazlyteTM treatments, which lead to the more noticeable release of these products during biostability studies. These are not large changes so that mechanical properties likely remain unchanged, but the observed modifications may have potential toxic effects. We have initiated a biocompatibility study to evaluate these.
For the second part of the thesis, concerning the destruction mechanism of microorganisms by plasma, we used two microwave (MW) plasma reactors developed in the Plasma Processes Laboratory at Ecole Polytechnique, which allow one to control experimental parameters. Microbiological studies were performed using Bacillus subtilis spores, which are very resistant to sterilization processes, and to plasma in particular. Based on literature data about plasma sterilization and plasma treatment of polymers, we have put forward the hypothesis that etching (or volatilization) is the main mechanism of spore destruction (article 3). We have demonstrated, for the first time, the importance of etching in the destruction of bacterial spores. Indeed, the addition of CF₄ in an O₂ plasma, which is known to greatly enhance polymer etching, greatly increases spore mortality, M, in comparison with other gases and gas mixtures tested. Moreover, the variation of M with CF concentration follows a remarkably similar trend to that of polymer etch rate. Finally, spore etching was directly observed by scanning electron microscopy. Spores exhibit a surprisingly higher resistance to etching than expected, for even after 90 minutes of O₂/CF₄ plasma, significant residues are still present on the surface. This resistance is probably related to the ellipsoidal spore morphology, and to the relatively high concentration of minerals in the coats protecting the core. In this article, we also demonstrate that the distance between the MW power applicator and the spores, and above all the gas flow rate, influence the efficacy of the process. With a relatively high flow rate (about 110 standard cubic centimeter per minute), the mortality of the O₂/CF₄ plasma attains the 6 log decrease necessary to achieved sterilization in 5 minutes, better than most published data. However, the presence of wrapping radically decreases the efficacy of our system. Furthermore, during this 5 minute exposure, our process induces strong surface oxidation, close to that observed after 10 cycles with Sterrad®, on the same biomedical polyurethane.
Considering that ultraviolet photons can inactivate microorganisms through DNA damage, and that the highly energetic vacuum ultraviolet (VUV, λ< 200 nm; E > 6 eV) can significantly etch polymers, our second hypothesis was that VUV photons may be very efficient for the destruction of spores (article 4). However, the efficacy of the intense VUV emission of a hydrogen plasma “lamp" was found limited to less than 2 log in 30 minutes. The reason, we believe, is that VUV photons do not reach their target DNA located in the spore core- because they are absorbed by the highly cross-linked proteineous walls that surround and protect it. Besides, the VUV etch rate is too weak to allow these photons to be very efficient through this mechanism. In contrast, ultraviolet photons near 260 nm are much less absorbed by proteins, and they induce maximum lethal damage to DNA. In the case of intense emission in this spectral region, DNA damage by UV may become a significant mechanism of destruction of microorganisms by plasma. This may help explain the current controversy about the role of UV radiation in the mechanism of plasma, since the intensity and spectral distribution of UV radiation from a plasma strongly varies from one case to another.
The numerous experimental parameters which influence plasma efficiency, by determining the types and concentrations of active species reaching microorganisms, are summarized in the general discussion. Etching plays a fundamental role by provoking not only the death of spores but also their volatilization this gives a very interesting depyrogenisation potential to the plasma process. Ultraviolet photons near 260 nm can also rapidly kill microorganisms through DNA damage, a very specific mechanism. A very attractive way to develop a new plasma-based sterilization system would therefore be to optimize these two mechanisms in a single system. However, the main limit of such a process remains its low penetrability, which makes sterilization of pre-wrapped instruments very difficult.