Pour traiter les patients atteints d'un cancer du poumon, les chirurgiens thoraciques retirent la tumeur cancéreuse à l’aide d’une agrafeuse chirurgicale. À la suite de cette opération de résection pulmonaire, 28-60% des patients développent une fuite d’air. Cette fuite engendre une augmentation de la durée d’hospitalisation et une augmentation des coûts de soins de santé. Au niveau clinique, la résection des lobes supérieurs entraine des fuites plus conséquentes que la résection des lobes inférieurs. Une seule étude numérique corrobore ce constat clinique et l’explique comme résultant d’une augmentation de la contrainte sur le tissu pulmonaire restant post-résection, qui doit s’adapter à la forme en ogive de la cage thoracique. Très peu d’études se sont intéressées à étudier la cause de ces fuites, cependant quelques études expérimentales déclarent que la fuite se produirait aux extrémités de la ligne d’agrafe et qu’elle serait de nature biomécanique. Ce projet a donc pour objectif de caractériser biomécaniquement et visuellement les tissus pulmonaires avec et sans agrafes afin d'acquérir des connaissances sur les fuites d'air après une résection pulmonaire.
Un banc expérimental a été conçu pour ventiler mécaniquement 11 poumons porcins frais ex vivo. La ventilation cyclique se fait par une pompe à seringue contrôlée en pression remplie d'air. Un microcontrôleur contrôle et enregistre la pression pulmonaire et le volume d'air pompé. Simultanément, deux stéréo-caméras capturent des images à intervalles réguliers de la surface costale déformée des poumons. Les images brutes sont ensuite utilisées pour calculer les déplacements et les déformations tridimensionnelles à l'aide de la méthode de corrélation d'images digitales.
Une première caractérisation a permis d’identifier où se présente la fuite d’air par une observation visuelle et une documentation par photographie de poumons immergés et ventilés. Une deuxième investigation a permis de contrôler puis mesurer les pressions et les volumes en tout temps pour identifier les lobes les plus propices à la fuite ainsi que les conséquences du retrait d’un lobe sur la mécanique pulmonaire via l’évaluation de la compliance (variation de volume en réponse à une variation de pression). Enfin, une combinaison novatrice de la technique de corrélation d’images digitales appliquée sur les poumons ventilés a permis de comparer les patrons de déformation principale, avant et après agrafage, pour déterminer une possible correspondance entre la localisation des fuites et la zone de déformation principale maximale.
Les résultats montrent notamment que la fuite d’air se développe au niveau des trous des pattes des agrafes du rang intérieur de la ligne d’agrafe, suite à un déchirement de la plèvre de la surface costale qui expose le tissu pulmonaire. Le lobe inférieur fuit statistiquement plus facilement, i.e. à des pressions moins élevées (p-value<0.046), que le lobe supérieur même dans des conditions ex vivo. Ce résultat concorde avec les observations cliniques et celles de l’étude numérique mais offre aussi un complément d’information puisque le résultat existe même sans l’influence de la cage thoracique. Les conséquences de la chirurgie de résection est évaluée par la compliance. Elle diminue seulement de 9 % entre l’état sain et les états réséqués. Ce résultat contraire à la littérature qui associe la diminution de compliance au volume de tissu réséqué. Enfin, l’étude des patrons de déformation principal montrent que le poumon gonfle en priorité au niveau de ses bords en développant une déformation 6 fois plus élevée que le tissu situé proche de l’arrivée d’air. L’étude des patrons de déformation en cisaillement montre une répartition non homogène de cisaillements non nul : le poumon ne se déforme pas de manière équibiaxiale comme un ballon de fête. Enfin, la comparaison des mesures de déformation principale avec les localisations de fuites semble corroborer l’hypothèse que la fuite se développe à la suite d’une fracture de la plèvre annoncée par un maximum de déformation proche de la ligne d’agrafe. Ces résultats suggèrent que les patrons de déformations sont essentiels pour comprendre les mécanismes de rupture de la ligne d’agrafe et devraient faire l'objet d'une enquête plus approfondie.
Ce travail expérimental caractérise avec précision la physiologie des fuites d'air post-résection pulmonaire. Il fournit de nouvelles données à la littérature sur les changements de la compliance pulmonaire, à basse pression, sous ventilation par pression positive. D'autres études devraient viser à valider ces résultats à différentes pressions de ventilation. Les conclusions liées à ces études pourraient influencer les pratiques de pression appliquées aux drains thoraciques postopératoires déjà controversées. L’utilisation de la corrélation d’images digitales appliquée à l’ensemble du poumon est novatrice et fournit des résultats pertinents sur la biomécanique pulmonaire. Les patrons de déformation sont donc essentiels pour comprendre les mécanismes de fuites d’air au niveau des lignes d'agrafes et devraient faire l'objet d'études plus approfondies.
To treat patients with lung cancer, thoracic surgeons remove the cancerous tumor using a surgical stapler. Following this lung resection operation, 28-60% of patients develop an air leak. This leakage leads to an increase in the length of hospitalization and increased health care costs. Clinically, resections of upper lobes result in more leakage than resections of lower lobes. A single numerical study corroborates this clinical finding and explains it as a result of increased stress on the remaining lung tissue after resection, which has to adapt to fit the ogive shape of the rib cage. Very few studies have investigated the cause of these leaks, however a few experimental studies state that leaks would occur at the extremities of staple lines and would be biomechanical in nature. The objective of this project is therefore to biomechanically and visually characterize lung tissue with and without staples in order to gain knowledge about air leaks after lung resection.
An experimental bench was designed to mechanically ventilate 11 fresh porcine lungs ex vivo. Cyclic ventilation is performed by a pressure-controlled syringe pump filled with air. A microcontroller monitors and records lung pressure and volume of air pumped. Simultaneously, two stereo-cameras capture images at regular intervals of the deformed costal surface of the lungs. The raw images are then used to calculate the three-dimensional displacements and deformations using the Digital Image Correlation method.
An initial characterization has identified where air leakage occurs by visual observation and photographic documentation of immersed and ventilated lungs. A second investigation made it possible to control and measure pressures and volumes at all times to identify the lobes most likely to leak as well as the consequences of lobectomies on lung mechanics by calculating lungs compliance (variation of volume in response to a variation of pressure). Finally, an innovative combination of the digital image correlation technique applied to ventilated lungs has made it possible to compare the principal strain patterns, before and after stapling, to determine a possible relationship between the location of leaks and the zone of maximum principal strain.
In particular, air leaks develop at staple holes from inner row of staple line, as a result of torn visceral pleura on the costalsurface exposing lung tissue. Lower lobesstatistically leak more easily, i.e. at lower pressures (p-value<0.046), than upper lobes even under ex vivo conditions. This result is consistent with the clinical and numerical study observations but also provides additional information since it exists even without the influence of the rib cage. The consequences of the resection surgery are evaluated by compliance. It decreases only by 9 % between healthy and resected states. This result is contrary to the literature which associates the decrease in compliance with the volume of resected tissue. Finally, the study of principal strain patterns shows that lung inflates primarily at its edges, developing a strain 6 times higher than the tissue located near the air supply. The study of shear strain patterns shows a non-homogeneous distribution of non-zero shear strains: lung does not deform equibiaxially like a party balloon. Finally, the comparison of principal strain patterns with observed leak locations seems to corroborate our hypothesis that the leak develops following a fracture of the pleura announced by a maximum principal strain close to the staple line. These results suggest that strain patterns are essential to understanding the staple line failure mechanisms and should be further investigated.
This experimental work accurately characterizes the physiology of air leaks after lung resection. It provides new data to the literature on changes in lung compliance at low pressure under positive pressure ventilation. Further studies should aim to validate these results at different ventilation pressures. These studies findings may influence the already controversial pressure practices applied to postoperative chest drains supposed to reduce the leak. The use of digital image correlation applied to the entire lung is innovative and provides relevant results on lung biomechanics. Strain patterns are therefore essential for understanding the mechanisms of air leaks at staple lines and should be further investigated.