Depuis le séquençage du génome, la thérapie génique est devenue une approche de traitement potentielle pour un vaste éventail de pathologies, jusqu’alors considérées comme incurables. Ce procédé consiste en l'introduction de matériel génétique sous la forme d’acide nucléique (AN) chez un patient, afin d'insérer un allèle fonctionnel des gènes déficients responsables de sa maladie, voire de modifier l'expression du ou des gènes délétères impliqués dans sa pathologie. En théorie, après leur administration les ANs doivent pénétrer dans la circulation sanguine et rentrer à l’intérieur des cellules du tissus désiré afin d’y exercer leur activité thérapeutique. Dans la pratique, l’administration d’ANs n’est pas si aisée car ces macromolécules polyanioniques sont extrêmement sensibles aux enzymes contenues dans le plasma sanguin et leurs charges négatives limitent leur passage au travers des membranes biologiques. Ainsi, l’utilisation de transporteurs ou vecteurs s’est avérée nécessaire pour protéger les ANs dans la circulation et de leur permettre de traverser les barrières cellulaires. Au sein de notre laboratoire (Biomaterials and Cartilage Laboratory, Polytechnique Montréal), le chitosane (CS) qui est un polymère naturel a été choisi en tant que vecteur d’ANs pour sa biocompatibilité et ses caractères biodégradables et non-toxiques.
Le CS, en tant que polymère cationique, se complexe avec l’AN via interactions électrostatiques pour former des polyplexes. Ces polyplexes portent une charge globale positive, ce qui leur permet dans des conditions in vitro, de conserver une stabilité colloïdale, de passer facilement les membranes cellulaires, de pouvoir sortir de l’endosome et de libérer le matériel génétique dans le cytoplasme. Cependant, lors de leur administration in vivo, les polyplexes sont soumis au pH sanguin (pH 7.4), aux fortes concentrations en sels (150 mM) et à l’adsorption des protéines plasmatiques (PPL). Il en résulte une agglomération irréversible de ces nanostructures, suivie de leur reconnaissance accrue par le système réticulo-endothélial résultant à leur élimination prématurée de la circulation sans pouvoir y exercer un effet thérapeutique. Une solution pour augmenter la demi-vie des polyplexes CS-AN in vivo est d’y ajouter un bouclier hydratant sur la surface, à savoir une couche de poly(éthylène glycol) (PEG). Le PEG en tant que polymère extrêmement hydrophile et non-interpénétrant, aura ainsi la capacité d’assurer une stabilité colloïdale aux polyplexes, de limiter l’adsorption des PPL sur leur surface et donc de prolonger leur temps de circulation dans l’organisme.
Parmi les stratégies de PEGylation de polyplexes existantes, notre choix s’est porté sur la formation de structures interpolyélectrolytes ayant un comportement micellaire, les « Block ionomer complexes » (BICs). Les BICs seraient formés par auto-assemblage via la complexation d’ANs et de copolymère en bloc CS-b-PEG, le cœur des particules devenant ainsi hydrophobe entouré d’une couche protectrice de PEG hydrophile. Une telle structure à base de CS n’a pas encore été proposée dans la littérature et permettrait d’ouvrir de nouvelles voies au CS en tant que système de livraison. De ce fait, l’objectif principal de ce projet de Doctorat est de former un copolymère en blocs CSb-PEG et de l’engager dans la formation de BICs. Les chimies de conjugaison de l’extrémité terminale du CS ont été rarement exploitées dans la littérature. Bien que le dernier monomère réducteur du CS offre une fonction aldéhyde par ouverture de cycle, la façon la plus aisée de générer des extrémités réactives de CS est de procéder à sa dépolymérisation à l’acide nitreux (HONO), produisant ainsi une unité 2,5-anhydro-Dmannose (M-Unit), portant également une fonction aldéhyde. Cependant, la littérature suggère que cette fonction est majoritairement présente sous sa forme hydratée et non-réactive, dite gem-diol, en conditions aqueuses à faible pH. Dans des études similaires, la chimie click-oxime a été utilisée avec plus ou moins de succès afin de réagir avec de tels aldéhydes, mais l’addition d’un co-solvant ainsi que d’agents chimiques additionnels sont nécessaires à l’obtention d’une structure stable. Dans ce projet, la disponibilité de la forme réactive de l’aldéhyde terminal du CS traité au HONO ainsi que sa réactivité envers les thiols en conditions acides ont été évaluées. En effet, ces conditions (aqueuses à faible pH) sont nécessaires à la solubilisation du CS de par la protonation de ses amines; ses dernières étant chargées, elles ne seront donc pas réactives envers l’aldéhyde terminal porté par la M-Unit. Dans ces conditions, le choix des thiols s’est imposé de par leur plus haute réactivité envers les carbonyles que leurs homologues hydroxyles ou amines. Des études de spectrométrie de masse (LC-MS) et de résonance magnétique nucléaire (¹H et DOSY NMR) ont confirmé la thioacetylation régiosélective de l’aldéhyde terminal du CS avec des taux de conversion variant de 55 à 70% dépendamment de la molécule engagée. Il a également été démontré que la stabilisation de l’intermédiaire hémithioacétal en thioacétal est facilitée en lyophilisant le milieu réactionnel. En tant qu’application directe de cette nouvelle chimie de conjugaison, la PEGylation en bout de chaine du CS a été effectuée avec succès par thioacetylation. Les copolymères, notés CS-b-PEG2, ont ensuite été engagés avec de l’ADN plasmidique pour former des polyplexes ayant une structure micellaire. En effet, des images de microscopie électronique ont révélé que les nanoparticules obtenues ont une morphologie uniformément sphérique alors qu’un mélange de bâtonnets/torroïdes/sphères est en général obtenu avec du CS non-modifié.
En dépit du fait que l’objectif principal de ce projet ait été atteint à ce niveau, le procédé de thioacétylation régiosélective décrit ci-dessus demeure incompatible avec l’introduction de groupements sensibles à l’hydrolyse acide et son efficacité est limitée par l’encombrement stérique occasionné par le fait que deux attaques de thiols successives au même endroit sont nécessaires à l’obtention d’une structure stable, le thioacétal. De plus, la purification des CS PEGylés s’est avérée extrêmement difficile, notamment à cause de la polydispersité du CS utilisé dans la réaction.
Nous avons alors développé une autre approche de modification régiosélective de l’extrémité du CS par thioacétylation, impliquant la conjugaison d’un linker portant trois fonctions thiols. Ce linker trivalent, le Triskelion, a été conçu pour activer le mannose terminal du CS (M-Unit) par une de ses deux extrémités portant un crochet-thiol au travers d’un mécanisme intramoléculaire. Son extrémité thiol restante, situé au bout d’un espaceur, sera engagée a posteriori avec d’autres espèces réactives aux thiols. La synthèse en trois étapes du Triskelion a été effectuée avec succès et sa réactivité avec la M-Unit a été étudiée de manière semi-quantitative par LC-MS, révélant la prédominance d’un mécanisme de thioacétylation intramoléculaire (89%). Cette dérivatisation régiosélective a également été accomplie sur l’aldéhyde terminal de chaines de CS avec plus de 85% d’efficacité, tel que confirmé par spectroscopie RMN (¹H et DOSY). En tant qu’application finale de ce nouveau procédé, la réactivité de l’extrémité thiol des conjugués CS-b-Triskelion a été démontrée par leur conjugaison chimiosélective sur la surface de billes magnétiques, par déplacement de ponts disulfures avec 50% d’efficacité.
La thioacétylation et plus particulièrement l’activation terminale du CS avec le Triskelion ouvrent de nouvelles perspectives dans le domaine des applications biomédicales, spécialement au niveau des modifications de surfaces et autres formations de copolymères au travers de la formation de liens labiles et/ou non-labiles.
Gene therapy, as potential treatment of incurable pathologies, arose from the sequencing of the human genome several decades ago. This process is based on the introduction of nucleic acids (NAs) into a patient, to replace or to modify the expression of an abnormal gene which causes a particular disease. Theoretically, after their administration, such NAs would be able to circulate within the blood vessels until their entrance into the cells of a specific tissue to observe a therapeutic effect. Practically, as highly sensitive polyanionic macromolecules, NAs are easily degraded by plasma components and their negative charges also limit their transit through biological membranes. These limitations can be overcome using carriers, also named vectors, that protect NAs through the circulation while ensuring their internalization into the desired cells. In our laboratory (Biomaterials and Cartilage Laboratory, Polytechnique Montréal), chitosan (CS) has been chosen for gene vectorization since it affords biocompatibility, biodegradability and low toxicity.
As a natural cationic polymer, CS can interact with NA though electrostatic interactions forming polyplexes. In the case of in vitro assays, these polyplexes which carry a positive net charge, are sterically stable, can easily enter cells and their genetic material can be released within the cytoplasm. However, in the case of in vivo assays, the polyplexes are subject to the physiological pH (pH 7.4), to high salt concentrations (150 mM) and to the adsorption of plasmatic proteins (PlPs). Thus, the polyplexes irreversibly aggregate and are easily recognized by the reticuloendothelial system, resulting in their early elimination from the body prior carrying out any therapeutic effect. PEGylation was proposed as a solution to increase the polyplexes life-time in vivo, by recovering their surface with poly(ethylene glycol) (PEG), forming a hydrating shield. Indeed, PEG is a non-penetrating and highly hydrophilic biocompatible polymer that affords colloidal stability to polyplexes and that can limit PlPs adsorption onto their surface, hence prolonging their circulation time within the blood vessels.
Among all the polyplexes PEGylation strategies described in the literature, we opted for the formation of interpolyelectrolyte complexes having a micellar structure, namely block-ionomer complexes (BICs). The BICs are formed by self-assembly upon electrostatic interactions between NAs and PEGylated CS block-copolymers, namely CS-b-PEG, forming a hydrophobic core surrounded by a protective hydrophilic PEG layer. Such structure has not been proposed with CS so far and may offer new perspectives to CS as gene-delivery system. Thus, the principal objective of the thesis herein is the formation of a CS-b-PEG block-copolymer that could be engaged with NAs in BICs formation.
Chitosan end-group chemistry is a conjugation strategy that has been minimally exploited in the literature to date. Although the open-chain form of the CS reducing extremity bears a reactive aldehyde moiety, the most common method to generate a reactive end-group on CS is nitrous acid (HONO) depolymerization, which produces a 2,5-anhydro-D-mannose unit (M-Unit) bearing also an aldehyde moiety. However, the availability of the latter might be low, since previous literature suggests that its hydrated and non-reactive form, namely the gem-diol form, is predominant in acidic aqueous conditions. Oxime-click chemistry has been used to react on such aldehydes with various degrees of success, but the use of a co-solvent and additional chemical reagents remain necessary to obtain the desired and stable covalent linkage. In this study, we have assessed the availability of the aldehyde reactive form on chitosan treated with HONO. We have also assessed its reactivity towards thiol-bearing molecules in acidic conditions where CS amino groups are fully protonated and thus unreactive towards aldehyde. LC-MS and NMR spectroscopy methods (¹H and DOSY, respectively) confirmed the regioselective thioacetylation of the reactive aldehyde with conversion rates between 55 and 70% depending on the thiol molecule engaged. The stabilization of the hemithioacetal intermediates into the corresponding thioacetals was also found to be facilitated upon freeze-drying of the reaction medium. The PEGylation of the CS M-Unit aldehyde by thioacetylation was also performed as a direct application of the proposed conjugation approach. CS-b-PEG2 block copolymers were successfully synthesized and were used to prepare BICs with plasmid DNA, as revealed by their spherical morphology vs. the rod-like/globular/toroidal morphology observed for polyplexes prepared using native unmodified CS.
Even though the main objectives of this project were reached at this step, the regioselective thioacetylation process described above is incompatible with acid-labile substituents and the conversion efficiency of CS end-groups could be limited by the size of the thiol species engaged in the reaction, mainly by steric hindrance since two substituents are required to obtain the stabilized thioacetal derivative. Moreover, the purification of such PEGylated CS remained challenging, mainly due to the high polydispersity of the CS chains used as starting material.
In a further study, we developed a novel CS end-group thioacetylation approach relying on a novel and regioselective linker that bears three thiol moieties. This trivalent linker, referred to as the Triskelion, was specifically designed for activation of CS 2,5-anhydro-D-mannose (M-Unit) endgroup and consists of a thiol-hook for efficient aldehyde conjugation through an intramolecular reaction and of a thiol-tail that remains available for subsequent end-group functionalization with any thiol-reactive species. The chemical synthesis of this linker afforded the desired material with high yields over three steps. The in situ intramolecular thioacetylation process between the Triskelion linker and 2,5-anhydro-D-mannose (M-Unit, monomeric) was assessed by semiquantitative LC-MS studies, revealing that the corresponding intramolecular thioacetal largely predominates (89%). This regioselective derivatization was also performed onto M-Unit CS aldehydes and the desired CS-b-Triskelion conjugates were obtained with functionalization degrees over 85%, as confirmed by NMR spectroscopy (¹H and DOSY). As a final application and to assess the CS-b-Triskelion thiol-tail reactivity, such conjugates were successfully engaged with thiol-reactive magnetic beads into disulfide bond displacement with 50% efficiency.
The proposed thioacetylation process, as well as the CS terminal activation with the Triskelion linker opens new perspectives for biomedical applications, especially brush-like surface modifications and other copolymers formation through disulfide linkages or Michael type additions